Extrait 1
La main de l’eau ferme ma bouche.
Ce que je ne dis plus, ce qu’il m’est impossible
désormais de révéler se plante autrement dans ma
chair : par une langue d’orage.
Elle divise la lumière, comme une menace de clarté
plus rouge – une foudre de roses.
L’eau sur la peau tremble et grave des chemins. Mes
gestes dans l’air m’orientent vers une éloquence
d’épines.
Il s’agit de renouer un art du dialogue avec le sel,
l’eau, le vent.
La sensation de glisse, c’est le trajet de l’océan sur
le corps.
Je nage lorsque j’écris.
Extrait 2
Je nage, creusée de lignes de sel, au droit des pavillons.
C’est le tribut de cet empire : des ondes amères ; de
lentes phrases qui rampent sur le corps.
Une vague s’enroule – serpent d’eau – autour des
hanches, ébauche la taille, tourne autour du sein.
Les bras de mer me ramènent çà et là, rythment la
marée interne, tapent dans le cœur. Le sel ouvre mes
veines. Les doigts coulissent en amont en aval. Le
mamelon durcit – le désir glisse sur la chair jusqu’au
creux du ventre où se fatigue la salive d’une langue
récoltée.
Extrait 3
La mémoire de l’eau n’est pas la sienne propre, elle
est constituée du récit des vieux, des enfants, des
gardiens de serments. Elle s’est déposée dans les yeux,
les chevelures, la somme de la neige. Elle parle la
langue indéchiffrable de ce qui fut. Le corps réitère
sa trame – qui lie le présent au passé.