"Vous m'ennuyez à faire des phrases de roman" déclare l'un des personnages à une femme dont il critique le caractère trop romanesque, et c'est le sentiment que j'ai aussi ressenti.
Les personnages sont d'abord des types : le vieux militaire tyrannique, la servante vive et alerte, la vieille mère dévouée, l'Anglais impassible... Raymon ressemble à beaucoup de personnages masculins de
George Sand, je retrouve tous les défauts que je n'apprécie pas chez eux : un jeune homme présenté comme très intelligent, comme un génie même, mais sans que je comprenne ce que les femmes lui trouvent. C'est un fat et, pour dire les choses clairement, c'est un sale type qui manipule les femmes et joue de leurs sentiments. Il n'est jamais vraiment amoureux, il ne pense qu'à son propre désir - il est prêt à violer
Indiana, malgré ses refus répétés, et à son amour-propre : il aime s'entendre parler d'amour, écrire sur l'amour. La comparaison revient plusieurs fois : il "plaide", et "s'échauffe" comme un avocat, devenant plus amoureux quand il en parle, se refroidissant quand il ne voit plus les femmes face à lui. Il se détache de la situation présente pour commenter dans sa tête ce qui se passe et tout analyser. Oui, il ne mérite pas tous les sacrifices d'
Indiana et est insupportable - cependant c'est peut-être le regard d'une lectrice du XXI ème siècle, les contemporains de
George Sand ne le voyaient peut-être pas comme cela. J'ai ainsi trouvé son attitude face à Nun est particulièrement ignoble : après l'avoir séduite et mise enceinte, il l'abandonne lâchement et la pousse au suicide. Toutefois, pour le XIX ème siècle, la morale est sauve : un noble proche du pouvoir n'aurait pas pu avoir une liaison longue, voire un mariage, avec une domestique : un adultère avec une femme du monde, s'il est contraire à la religion, il est habituel pour le monde - le grand monde - qui l'admet. Cependant,
Indiana elle aussi est peu intéressante, trop éthérée, trop nerveuse, trop rêveuse.
Je n'ai donc pas été intéressée par ces personnages et ce qui leur arrive qui est très prévisible. En revanche, j'ai apprécié certaines idées de
George Sand qui traduisent ses convictions qu'on pourrait qualifier de féministes, notamment lorsqu'elle critique le pouvoir absolu qu'un mari exerçait sur sa femme selon le Code Civil napoléonien - pouvant aller jusqu'à la tuer en cas d'adultère, ou en regrettant le manque d'éducation des jeunes filles.
Indiana est décrite plusieurs fois comme "imbécile". Cependant, les idées progressistes de
George Sand baignent dans une valorisation du "trône et de l'autel" qui peut être pénible à lire aujourd'hui.
Ce n'est donc pas du tout le meilleur roman de
George Sand pour moi.