AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782754757140
480 pages
Editions du Panthéon (09/12/2021)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Le 14 décembre 1977, en Argentine, un commando de la Marine assassine douze personnes en les jetant dans l’océan Atlantique depuis un avion. Parmi les victimes, Alice Domon et Léonie Duquet, deux religieuses françaises. L’auteur suit le parcours de ces deux femmes qui souhaitaient, simplement, apporter leur soutien à toutes les personnes dans le besoin. Mais dans les années soixante-dix, en Argentine, il ne fait pas bon questionner les décisions de la junte militair... >Voir plus
Que lire après Se taire serait lâcheVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le 8 décembre 1977, deux religieuses françaises sont enlevées à la sortie de la Messe et incarcérées dans une caserne argentine avec des mères de la Place de Mai et des militants pour les droits civiques ; le 14 décembre douze personnes sont jetées en mer par un commando de la Marine.

Plus de trente années passeront avant que justice soit rendue à Alice DOMON et Léonie DUQUET. C'est ce long combat que raconte l'enquête de Frédéric SANTANGELO publié en décembre en France et en janvier en Argentine.

Frédéric, Ingénieur et diplômé de Sciences Po Paris, a mené une carrière de consultant avant de rejoindre en 2004 un groupe de médias européen. En 2011-2012, il part en Argentine, s'inscrit à l'Université San Andréa, obtient un Master de Journalisme et rencontre les victimes de la junte et les protagonistes du drame. En dix ans il recueille, analyse et croise l'équivalent de 30 000 pages de sources, émanant de 200 personnes, en Europe et en Amérique Latine. Puis il écrit « Se taire serait lâche » simultanément en français et en espagnol.

Visitant les familles des religieuses natives du Doubs, puis les Missions Etrangères, l'auteur décrit l'apostolat d'Alice et Léonie qui s'installent en Argentine, aux cotés des plus pauvres, dans un contexte marqué par le Concile Vatican II, l'émergence de la théologie de la libération, la chute du péronisme et la dictature militaire (1976-1983). Il montre la répression, les disparitions, les clans et les rivalités opposant l'armée de terre, la marine et l'aviation. Il décrit le combat des mères des disparus.

Décembre 1977 voit l'enlèvement de la Santa Cruz, le calvaire des deux religieuses et de leurs co-détenus et leurs assassinats.

Commence alors une mobilisation internationale, des deux cotés de l'Atlantique, avec l'intervention d'Edgar Faure, de l'amiral Sanguinetti, les pressions politiques et diplomatiques, un énorme travail de terrain mené par des associations de défense des droits de l'homme qui aboutiront en 2005 à la découverte de quelques sépultures.

Puis la Justice prend le relais et, bien plus tard, les coupables sont incarcérés et condamnés.

En 460 pages, complétés par un cahier de photographies, des cartes, une bibliographie, Frédéric Santangelo livre une enquête factuelle, sans pathos ni volonté hagiographique. Il présente des faits, des témoignages, qui, dans leur brutale vérité, restituent l'humble vie des deux religieuses engagées aux cotés des défavorisés. C'est bouleversant, édifiant et il est difficile de sortir indemne d'un tel témoignage.

Publié par les Editions du Panthéon, ce livre diffusé par Hachette est facilement accessible.
Commenter  J’apprécie          1010

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Buenos Aires, 21 juillet 2005

Horacio Méndez Carreras est avocat. Il a 68 ans, mais en paraît vingt de moins. Il marche d'un pas décidé et rapide dans un couloir du deuxième étage du tribunal de Comodoro Py. Il a des papiers dans ses mains. Il entre dans le cabinet du juge d'instruction Horacio Cattani.

Le magistrat de la Chambre fédérale de la capitale argentine est assis derrière son bureau. Il se lève, puis salue cordialement et affectueusement l’avocat.

— Tu dois me rendre un service, dit Carreras tout en étalant de grandes feuilles de papier sur le bureau. Je te demande ton aide pour pouvoir draguer une lagune dans le delta du Tigre. Je pense que les corps des religieuses sont là. Voici les plans. La lagune n’est pas très grande et pas très profonde. Plus d’une fois, tu m as dit que tu mettrais tous les moyens à ma disposition si je deman-.. dais une intervention.

— Assieds-toi, je vais demander qu'on te fasse un café. Je vais t'annoncer une nouvelle qui peut se confirmer ou pas.

Carreras s'assoit. On lui sert un café. Qu'est-ce que le juge peut bien avoir à lui révéler ?

— Le corps de Léonie Duquet a été identifié. Il n'était pas là où tu croyais, mais au cimetière de General Lavalle. Il était apparu sur la plage de Santa Teresita.

L'avocat se met à pleurer.

— Qu'est-ce que je suis con ! ça fait vingt et un ans que je cherche Léonie et Caty, toujours dans la mauvaise direction. Je les ai cherchées partout ! Et là tu me dis que le corps vient d'être identifié !

— Oui, il avait été découvert sur cette plage. Tu as bouclé la boucle, Horacio. Tu avais déjà la preuve de l’enlèvement. Maintenant, tu as celle du meurtre.

Carreras défend les familles des religieuses depuis 1984. Il est en train de vivre le moment le plus émouvant de sa mission. Il a passé tant de temps à analyser obsessionnellement chaque détail de ses dossiers... Il a effectué tant de démarches, enduré tant de cauchemars !

Maintenant, il a toutes les clés pour demander justice.
Commenter  J’apprécie          340
Les morts-vivants se dirigent vers un avion à hélices et à ailes hautes, de type utilitaire, qui fait 12 mètres de long. C'est un Short Skyvan de la Préfecture navale.

Les marins poussent les détenus à monter l’escalier d'embarquement, situé à l’arrière de l'appareil. Ils entrent avec eux.

Dans le cockpit, le pilote et les deux copilotes sont déjà installés. Ce sont des officiers de la Préfecture navale. Deux d’entre eux ont 30 ans et le troisième en a 28. Le plus âgé est le commandant de bord.

Un rideau métallique sépare cet endroit du reste de l'avion, où quelques sièges sont situés à l'avant et le reste est vide. Le sol est en métal. À l'arrière, le mécanicien, un sous-offîcîen actionne une manivelle permettant de relever l'escalier, qui est aussi la principale porte d'accès à l'aéronef.

Les pilotes entrent en contact avec la tour de contrôle. Les opératears savent qu'il s'agit d'un plan de vol « Cirrus », quelque chose de très secret. Ils donnent l'autorisation de décoller.

Les deux moteurs se mettent à rugir. L’appareil commence à rouler. Puis il s'arrête. À 21 heures 30, il décolle.

L’avion se dirige vers le sud-est. Vers 22 heures, il survole la base aéronavale de Punta Indio, située à 135 kilomètres de l'aéroport. Puis il poursuit sa trajectoire rectiligne vers le large.

Parmi les officiers de Marine, on trouve un médecin, qui réalise une injection intraveineuse dans le bras de chaque détenu. En quelques minutes, les religieuses et leurs compagnons sont complètement endormis. Puis le docteur se dirige vers le cockpit. Il souhaite respecter le serment d'Hippocrate.

Le Skyvan a atteint une haute altitude. Sa vitesse est d'environ 310 km/h. II vole au-dessus d'eaux profondes. De temps en temps, un pilote prend la relève d'un de ses collègues.

Les militaires enlèvent les cagoules, les menottes et les fers des détenus. Ils les déshabillent complètement. Ils laissent leurs corps appuyés les uns contre les autres, puis rangent leurs vêtements dans des sacs.

(…)

II est presque 23 heures. Quelques marins portent les victimes à l'arrière de l’avion, puis les poussent une par une dans le vide. Les religieuses et leurs compagnons chutent en piqué. La sudestada (vent du sud-est) souffle intensément sur leurs corps endormis et nus.

Chacun s'écrase dans les eaux de l'océan Atlantique.

Léonie et Alice viennent de mourir avec Patricia Oviedo (24 ans), Horacio Elbert (28 ans), Angela Auad (32), Raquel Bulit (33), Eduardo Horane (33), Remo Berardo (42), Azucena Villaflor de De Vincenti (53), Maria Ponce de Bianco (53), Julio Fondovila (55) et Esther Ballestrino de Careaga (59).

Quelques dizaines d'anciens militants montoneros les ont baptisés « Le groupe de la Santa Cruz ».

Le Short Skyvan immatriculé PA-51 est de retour. À 00 h 40, il atterrit à l'aéroport d'où il est parti.

Dans l’océan, une forte marée et des courants puissants vont en direction de la côte.
Commenter  J’apprécie          210
Mercredi 14 décembre 1977, 20 h 45

La nuit vient de tomber à Buenos Aires.

Un camion vert recouvert d'une bâche roule le long du Rio de la Plata. À l’intérieur, douze personnes cagoulées sont assises. Elles sont de chaque côté de la caisse. Elles ont des menottes aux mains et des fers aux pieds. Leurs corps sont couverts de marques de coups et de taches violettes. Elles sont toutes sales. Elles ont l'impression que leurs bras et leurs jambes ne réagissent pas complètement et qu'elles les bougent au ralenti. Parmi ces prisonniers, on trouve six femmes et quatre hommes argentins, ainsi que deux religieuses françaises.

Alice Domon a 40 ans. Elle est mince et a des épaules larges dont les os ressortent. Parfois, on dit d'elle :

« Tiens donc, une religieuse, elle a un joli corps ! »

En ce moment, elle a les bras violets et la bouche éclatée. Elle porte un chemisier à manches courtes bleu clair avec un imprimé de grandes fleurs blanches, ainsi qu'une jupe gris foncé.

Léonie Duquet a 61 ans. Elle est potelée et ressemble à une grand-mère. Son visage rond transmet généralement de la tranquillité. Mais maintenant, il est émacié, caché sous sa cagoule. La religieuse a aussi des bleus, notamment au cou et sur les bras. Elle porte une chemise à manches longues bleu clair avec un imprimé de petites fleurs et des petits boutons.

Les douze détenus sont en train d'être emmenés par environ huit hommes habillés en civil, dont la plupart ont entre 26 et 32 ans.

Le camion arrive à l'extrémité sud de l’aéroport Jorge Newbery. II s'arrête à côté du hangar de la Préfecture navale argentine. Les « accompagnateurs », des officiers de la Marine, font descendre leurs passagers cagoulés. Ils les poussent à marcher en file indienne sur une piste.
Commenter  J’apprécie          180

autres livres classés : biographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (4) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1722 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}