- Tous les vivants sont des survivants, Noam. Les vivants ont survécu à la naissance, aux maladies infantiles, aux famines, aux tempêtes, aux luttes, au froid, au chagrin, à la séparation, à la tristesse, à la fatigue. Les vivants sont possédés par la force d'avancer.
– Demandez à Derek. Il n’existe aucune question pour laquelle il manque de réponse. On reconnaît les gens qui ne savent rien à cela : ils savent tout !
Avec mille précautions, j'ai dissimulé ma vérité aux hommes ; je les ai évités, je leur ai menti ; j'ai fui, voyagé, erré, adopté de nouvelles langues ; je me suis caché, isolé, renommé, maquillé, déguisé, mutilé ; j'ai pourchassé l'anonymat, j'ai enduré des solitudes désertiques, parfois même j'ai pleuré. Peu importait. Ils devaient m'oublier, égarer ma trace.
Des provisions, quelle horreur ! Avec ce procédé, Pannoam a rendu les villageois dépendants ! Produire, entasser, conserver, surveiller, distribuer, planifier, voilà le chemin de l'asservissement. Ils se persuadent de posséder les choses alors que les choses les possèdent.
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- Ce n'est pas une fatalité, Noam, c'est un changement.
- Quelle différence ?
- On subit une fatalité. On s'adapte à un changement.
Un proverbe allemand dit : «Sitôt qu'un enfant naît, il est assez vieux pour mourir.» Je précise : sitôt qu'une conscience s'éveille, elle appréhende sa disparition. Dès le début, elle ne tolère pas sa caractéristique fondamentale, la connaissance de sa mortalité. Conclusion ? Frustré par nature, inconsolable par essence, l'être humain est voué au malheur.
Accuser de crétinerie ceux qu'on ne comprend pas revient à déclarer la sienne.
Quel que soit l'âge auquel on apprend la mort de ses parents, ce jour - là tue l'enfant. Devenir orphelin, c'est devenir veuf de son enfance.
Le destin nous présente trois possibilités, mon garçon : riche, pauvre, heureux.
Le riche possède au-delà de ses besoins, le pauvre en deçà, l'heureux à la hauteur de ses besoins.
On accède à la vérité autant par la sincérité que par le mensonge.