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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Éloge de la lenteur…

Mais il en faut du temps et des pages à Karel Schoeman – traduit par Jean Guiloineau - pour nous faire entrer En étrange pays et planter le décor de cette petite société de Bloemfontein, dans l'État libre d'Orange en Afrique-du-Sud.

Mal en point, à l'issue d'un voyage chaotique débuté en Hollande, Verluis y débarque pour y finir sa vie, secrètement ravagé par la tuberculose. N'aspirant qu'à la solitude, il va très vite se trouver confronté aux paradoxes locaux.

Paradoxe de la beauté des paysages du vled, espaces sauvages et sans fin d'herbes et d'arbustes, confrontés aux travers nauséabonds de cette petite société microcosmique de Bloemfontein.
Paradoxe de la relégation des autochtones noirs aux fonctions de larbins, face à leurs « maîtres » hollandais ou allemands tentant de recréer ailleurs depuis deux générations, le monde qu'ils ont naguère volontairement quitté.
Paradoxe de ces fêtes régulières qui rythment la vie bourgeoise locale, là où Verluis ne cherche que l'oubli et le repli, et une certaine forme de dépouillement dans le calme absolu.

Son salut viendra de ses rencontres avec un jeune pasteur, sa femme et sa soeur, remplies de bienveillances, de lectures, d'échanges philosophiques et religieux, d'humanité... Ne cessant de répéter qu'il n'est que de passage, Verluis finira par trouver ce qu'il était, sans le savoir, venu chercher : un lieu de transition, parenthèse entre la vie qui le fuit et la mort qui l'appelle.

Ai-je aimé En étrange pays ? C'est difficile à dire en ces termes. Mais l'écriture est belle, puissante, et l'atmosphère douce, lente et apaisée qui se dégage de ces pages font de cette lecture un moment fort et marquant.
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Comme ma marraine qui m'a offert ce livre il m'a au premier abord laissé plutôt perplexe. Et comme elle, j'y repense souvent depuis.

"En étrange pays" est un livre étrange. Il nous décrit 500 pages durant un homme froid qui débarque mourant dans un pays qui est encore à définir, une Afrique d'où les noirs sont absents, une terre qu'il souhaite neutre.
Non seulement le pays ne l'est pas. Verluis se sent étrangement porté par l'immensité nue du veld. Mais la communauté, plutôt vaine et superficielle, qu'il va découvrir là-bas va, curieusement, lui apporter les touches de chaleur qui lui avait manqué jusqu'alors.

On assiste a une naissance d'humanité, subtile, lente, sans passion, sans action ou si peu. Un pique-nique, une sortie en calèche, un mariage mondain, et une balade sous la pluie, voilà plus ou moins les seuls moments d'"action" du roman. Et bizarrement ça nous tient accroché.

Verluis n'est pas vraiment touchant, sa vie pas vraiment passionnante et pourtant son récit initiatique ne nous laisse pas indifférent.
On regarde passer les saisons avec lui, on se laisse subjuguer par la lumière du veld comme lui, et on l'accompagne, naturellement.

La charge émotionnelle de ce livre est très contrôlée, il semble peuplé de vide et dit comme ça, je vois bien que ça ne vous emballe pas des masses.
Et pourtant c'est ce vide qui permet d'être vraiment touchée par les quelques vrais échanges humains. Ce silence qui permet d'entendre les vraies conversations de Verluis.

Il y a dans ce livre quelque chose de très fort à découvrir entre les lignes.

Lien : http://vanillabricot.canalbl..
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Tout d'abord, je remercie les éditions Libretto et Babelio pour m'avoir offert ce livre dans le cadre de l'opération "Masse critique".

Un huis clos à ciel ouvert ou comment mieux caractériser le traitement ambivalent de ce récit mais aussi l'introspection d'un pays, d'une ville, d'une communauté, d'une maison, d'un individu.

Pour parler de l'ambivalence du récit, je citerai un pays aux horizons sans limite face à une communauté repliée sur elle-même, un personnage principal enfermé dans ses principes mais libre de mouvement face à une infirme enfermée dans son corps mais libre de pensée, des expatriés ayant un pays à construire face à leur nostalgie d'une Europe lointaine, le riche ayant peur de la mort face à un prolétaire mourant et la liste je pense ne s'arrête pas là.

Question introspection, il me suffit de dire que chaque ambivalence se montre, se dévoile petit à petit au lecteur, en même temps qu'elle se dévoile au personnage principal. Ce cheminement entre la vie et la mort, la liberté et l'ordre social, entre solitude et vie en société, aspire le lecteur dans une spirale qui ne pourra que le mener face à lui-même.

Un récit prenant le lecteur tel un boa dans ses anneaux, l'étouffant doucement l'amenant à une conscience proche de l'asphyxie pour lui révéler toute l'ambivalence de la vie. J'irais presqu'à le déconseiller aux claustrophobes.

Amateurs de Fantasy, j'ai aussi trouvé dans ce récit , la trame d'un récit imaginaire, En quelque sorte l'initiation d'un anti-héros au seuil de la mort. L'imagination à fournir pour s'immerger dans cette communauté coloniale de fin XIXème vaut tous les dépaysements Fantasy.

Un livre à haute teneur philosophique même si les codes sont un peu anciens que je recommande à tout curieux de la vie et de la mort.

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Fin XIXème.
L'hollandais Versluis arrive à Bloemfontein, dans l'état libre d'Orange.

Séparé par des mers et des continents de son monde familier, affaibli par une mystérieuse maladie qui lui impose une interminable convalescence, il apprivoise tout aussi lentement ce nouvel environnement décidément bien étrange.

Etrange notamment par sa nature hybride, mêlant dépaysement et familiarité. La communauté vivant ici comme au bout du monde s'efforce de reconstituer un microcosme où perpétuer l'élégance et le confort européens. On y instaure des habitudes de vie bourgeoise, avec ses réceptions où l'on sert champagnes et vins de France, ses intérieurs raffinés, ses jardins luxuriants pour ceux qui ont la chance d'avoir un puits. L'Europe y subsiste jusque dans ses dissensions, entre autres par la rivalité opposant anglais et hollandais. C'est une imitation de ce qu'on a laissé sur le vieux continent, mais sous un soleil plus implacable et sous des étoiles étrangères, au coeur de plaines désolées à subir tempêtes de grêle ou de sable et invasions de sauterelles. le veld quasi infini qui entoure Bloemfontein semble avoir figé la ville dans cet ersatz de civilisation occidentale.

Ses habitants parlent de "l'Afrique" comme s'il s'agissait d'une perspective lointaine, une zone devenue familière avec les années mais qui reste étrangère dans ses institutions et ses coutumes. Les troubles qui agitent le Transvaal sont parfois évoqués mais ne semblent guère susciter d'intérêts, les événements même insignifiants touchant la communauté focalisent davantage l'attention.

Ce n'est plus l'Afrique, mais pas vraiment l'Europe. Des familles y envoient mourir hors de leur vue leur proche tuberculeux. A force de faire coexister trop de mondes côte à côte, beaucoup ont du mal à trouver celui dans lequel se sentir chez soi, et même les codes de conduite paraissent souvent hésitants, troublés par une sorte de schizophrénie opposant monde spirituel et existence quotidienne. Les langues, altérées, s'y mélangent. On devine être à l'aube de la création d'une nouvelle identité, avec son propre langage, son propre mode de fonctionnement.

Versluis s'imprègne avec difficulté de cette réalité hybride, subissant les bizarreries de l'environnement : la poussière et la chaleur, les longues rues très droites, la multiplicité de chiens, les la circulation lente et irrégulière… Venu "avec une confiance aveugle", il cherche on ne sait quoi, comme en quête d'une vérité dissimulée sous l'étrangeté que génèrent ces contradictions. Homme de rectitude dans ses valeurs et ses croyances, s'efforçant d'être toujours dans le contrôle de soi, l'indolence de ce pays souvent lui répugne, en même temps que la vacuité, voire le ridicule, de l'obstination avec laquelle la communauté de Bloemfontein entretient un mode de vie incongru par rapport à son environnement, parfois l'effleure. Aspirant à la solitude, la présence et la sollicitude des autres lui pèsent.

Les Scheffler détonnent dans cet univers régi par les apparences et les petites ambitions. Introduit dans le cercle familial du pasteur, Versluis est d'abord désarçonné par la sincérité désarmante de l'homme, et encore plus par celle de sa soeur handicapée, qu'il juge impudique. Scheffler, avec une grande honnêteté morale, lui confie ses doutes et ses questionnements sur sa vocation, mais il est aussi le seul à s'interroger sur la légitimité de la domination européenne sur un peuple africain à qui on impose, au nom de la pseudo supériorité d'une civilisation, tromperies et humiliations.

Le lecteur comprend peu à peu que l'hermétique Versluis cherche sa place, non seulement au sein de cette contrée isolée, mais aussi dans le grand magma qu'est l'existence. Toutes les étapes de cette quête, peurs et tâtonnements, régressions et espoirs, sont déroulées avec minutie, ce qui confère au texte une lenteur et un sentiment récurrent d'incertitude propres à le plonger dans l'ambiance atypique de cet "Etrange pays".


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Ce livre acheté à la boutique du Domaine botanique et varois du Rayol-Canadel (je cherche encore le rapport...) fut donc une découverte des plus fortuites mais un plaisir combien réel, tant la lecture de cet auteur sud-africain, une sommité littéraire, semble-t-il, dans son pays, m'a captivé pendant de longues soirées d'automne.

L'épaisseur de l'ouvrage ne fut pas étrangère à un plaisir aussi durable, non plus que son atmosphère dont les demi-teintes me reflétaient en quelque sorte - malgré la touffeur du climat austral - la grisaille de notre propre automne.

Une histoire originale s'il en est, au moins pour un lecteur français : la tuberculose est passée de mode, heureusement. Une progression lente et épurée peu à peu de l'accessoire, on serait tenté de dire : initiatique. Des caractères fortement campés, jusque dans leur faiblesse intrinsèque. Un "exotisme" pas déplaisant, même si ce n'est pas le bon mot.

Une traduction qui, à mon sens, rend très bien la phrase de Schoeman, lequel sait nous faire partager aussi bien la progression inexorable d'un destin individuel que le charme violent du veld et les déchirements de certains autres personnages : le pasteur, sa soeur, etc.

Au total, un ouvrage impeccable, avec des moments superbes et en même temps retenus, qui savent vous prendre aux tripes. de quoi donner envie de connaître davantage Karel Schoeman, ce grand inconnu.
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Tout d'abord, merci aux éditions Libretto et à Babelio !

Versluis est atteint de tuberculose. Au seuil de la mort, il part des Pays-Bas pour se retrouver en Afrique du Sud.
En Afrique du Sud, pays diversifié de par ses paysages et ses habitants. D'un côté, les Néerlandais et les Allemands et de l'autre les sud-Africains. Une société repliée sur elle-même.
Une introspection dans un corps mourant mais une âme à la recherche d'une plénitude.
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