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Citations sur Les Insolents (96)

Quand ils avaient eu une phase mannequins en même temps, et que Jacques racontait que les types.qu’il ramenait se plaignaient tous de leur visage, qu’ils se sentaient comme des aliénas qu’on ne pouvait jamais s’empêcher de fixer quand ils arrivaient quelque part, alors qu’eux, en poussant la porte d’un restau, ils se voyaient juste comme les jeunes peintres ou poètes aspirants qu’ils étaient, et être des objets de désir permanent leur donnait envie de se défigurer à l’acide. Alex entendait plus ou moins la même chose venant des filles avec qui elle traînait, et Jacques et elle levaient les yeux au ciel tellement c’était grotesque de chercher à devenir mannequin si on ne veut pas se faire remarquer. Et quand elle et Jacques parlaient de sexe, ils tombaient d’accord qu’il n’y avait rien de plus qu’avec des gens simplement mignons, à moins d’être du genre à se regarder être avec l’autre pour mémoriser des pauses et se les repasser plus tard, et que si la personne n’avsit pas de charme, rien ne faisait en tomber amoureux. ( p 140, 141 )
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Et puis, petit à petit, il avait commencé à se relever un peu de tout ça. Il s’était réinscrit à son école pour se remettre à niveau. Il suivait les cours sur internet et s’était remis à voir ses amis. Et tant qu’il était sur son ordinateur à travailler, tout allait bien, mais dès qu’il sortait, il ne supportait rien. Quand il était dans une pièce avec d’autres gens, il ne voulait pas être le centre de l’attention. Il ne voulait pas qu’on le regarde avec compassion, qu’on lui parle avec précaution. Il ne voulait pas être une,personne qui avait subi ça. Il voulait se réinventer , devenir quelqu’un qu’on ne puisse jamais imaginer en victime. Son moteur intérieur avait changé. Il s’était mis à devenir imprévisible, ironique, cynique, et pour finir complètement nihiliste. Il défiait les gens en permanence, les regardait droit dans les yeux quand ils lui parlaient, attendait les remarques ou les conseils de chacun pour ensuite,détruire leurs croyances. Il leur assénait que la vie n’avait pas de sens réel, pas de logique, pas de rapport de cause à effet, que ça ne servait à rien de tout faire bien, de travailler dur, d’être poli ou gentil, que tout était arbitraire, absurde et gratuit. Plus il rencontrait de gens, plus il attendait qu’ils le déçoivent et ça ne ratait pas. Et avec les filles, il était odieux, il ne s’attachait plus à aucune, débarquait juste pour les baiser, puis, une fois qu’il avait éjaculé, il devenait indifférent et repartait en se sentant vide, inhabité. ( p 127, 128 )
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En fait il ne raconterait rien sur ces deux mois à l’hôpital. Ni la nourriture par perfusion en attendant que sa mâchoire se remette et que son palais cicatrise, ni la morphine qui lui donnait des nausées, ni les anxiolytiques dont on le gavait qui -é faisaient dormir tout le temps ou compter sans jamais vraiment se retrouver dans un réel état d’éveil. Ni la télé éteinte qu’il fixait par moments en songeant que c’était inutile de demander qu’on l’allume vu qu’il n’y aurait personne pour changer les chaînes. Ni la tête de sa mère, la première fois qu’elle était venue, devant son visage tuméfié comme les contusions violacées qu’il voyait sur ses bras. Il ne lui raconterait pas ça parce que ce serait trop glauque à écouter. Mais il lui décrirait les flics, ça oui, il dirait non mais imagine, les mecs mettent des semaines à venir te voir et quand ils se pointent enfin, ils veulent pas te croire que c’est arrivé de manière complètement gratuité, sans déclencheur ni rien. Ils veulent absolument que tu leur donne des signes distinctifs, comme s’ils ne pouvaient rechercher que les gens qui ont des cicatrices ou des tatouages en travers du front. Et c’est que dans les films qu’ils s’emmerdent à visionner les caméras du métro pour voir si le type que t’as décrit est passé dans la station avant toi.
Il ne lui raconterait pas non plus l’infection urinaire qui lui avait au moins permis d’échapper à la sonde et aux couches qu’on lui avait mises les premiers jours, et l’infirmière qui avait essayé de le faire rire en disant que c’était comme pour les astronautes. Il ne lui confierait pas combien il était gêné quand il devait lui demander de venir glisser la bassine sous lui. Ni les moments où elle débarquait avec son chariot pour le laver. ( p 120, 121 )
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En fait non, il ne lui raconterait pas ces détails-là. Il dirait juste qu’il s’était fait tabasser salement. Il ne dirait pas non plus qu’il était resté à terre pendant des heures, avant qu’une gardienne multi-immeubles le découvre en venant faire sa tournée de ménage au lever du jour. Il ne dirait pas non plus qu’elle était restée assise par terre à côté de lui à lui tenir la main pendant qu’elle appelait les secours avec son téléphone à elle, et qu’on lui posait des questions qu’elle répétait à Léo, mais comme il ne pouvait pas répondre, il serrait ses doigts dans les siens aussi fort qu’il pouvait pour montrer qu’il était toujours Ivan et qu’il fallait qu’il soit secouru. Il zapperait peut-être aussi le réveil à l’hôpital, complètement à l’horizontale sur le dos, intubé, avec un collier servical, le poignet droit plâtré, l’épaule gauche prise dans un truc en métal qui maintenait son bras à distance du reste de son corps, et deux sangles en travers du torse qui tenaient une grande plaque sous son dos. Allongé là et réveillé, mais sans bouton d’appel pour qu’une infirmière vienne, à revoir des images de l’agression mais aucune de l’arrivée du SAMU, du transport à l’hôpital, du passage en soins intensifs ou des opérations. Sa mère n’avait même pas encore été prévenue depuis quatre jours qu’il était là, il n’avait pas ses papiers sur lui, il avait fallu attendre qu’il se réveille et qu’on le désintube pour qu’il puisse donner le numéro.
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Et donc le boulot que je devais,commencer était dingue. Je devais rejoindre un projet en Suisse, une équipe qui travaillait à créer le premier cerveau synthétique avec l’aide de l’intelligence artificielle. Une équipe internationale d’informaticiens, de mathématiciens, de biologistes, de physiciens. Je travaille sur l’intelligence artificielle, c’est ça que je fais, enfin que je faisais. Donc il est une heure du matin et je rentre à pied. Je suis pas inquiet de traverser un quartier que je ne connais pas, je regarde seulement mon iPhone pour me diriger. Et puis devant une impasse, je vois un type sous un lampadaire qui a l’air de le fixer. Je bosse dans un fast-food, donc j’ai l’habitude que des gens veuillent sans arrêt quelque chose et qu’ils me fixent pour que je vienne vers eux. Donc sans m’en rendre compte , par réflexe, je vais vers le type pour voir ce qu’il veut. Et là j’ai à peine le temps d’enlever mes écouteurs avant de prendre le premier coup. Dans le plexus pour me bloquer la respiration, et le deuxième dans la trachée pour m’empêcher de crier. Même si j’avais pu retrouver un peu de souffle pendant que le mec m’a traîné vers le fond de l’impasse, ça ne m’aurait pas servi longtemps, il m’a attrapé par la nuque pour me précipiter la tête dans le mur. Je suis tombé et j’étais sonné mais à ce stade je pouvais encore respirer. (…) Tant que je bougeais pas, il se contentait de me regarder, et chaque fois que je le redressais, il balançait un autre coup. Des coups précis, rapides, comme quelqu’un qui sait à quel endroit frapper pour obtenir quel dégât. J’ai eu dix-sept fractures au total. La mâchoire, le poignet, l’épaule, le bassin, une vertèbre fissurée, des côtes fêlées de chaque côté. Jusqu’à ce que j’arrive plus du tout à le redresser. Et puis ça s’est arrêté, il est parti. Je pouvais ni bouger, ni appeler à l’aide parce que je m’étouffais à cause du sang qui me coulait dans la gorge. J’avais froid, des douleurs qui m’élançaient de partout et chaque respiration me prenait le peu de force qui me restait. Je savais pas qu’elle heure il était, mon téléphone avait dû tomber quelque part. Tout ce que j’arrivais à faire, c’était de garder les yeux rivés sur un papier de bonbon dans une plate-bande. J’étais persuadé que si je perdais connaissance, je me réveillerais pas. Plus tard, on m’a dit que si j’avais saigné autant de la bouche, c’était parce que mes incisives supérieurs s’étaient plantes dans mon palais. ( page 118, 119 )
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Il ne peut pas rester comme ça, à Paris une semaine sur deux, enfermé à vivre comme un enfant sauvage qui ne fait rien d’autre que regarder la,télé, manger des trucs à emporter et s’en foutre d’avoir un sommeil complètement aléatoire. Dès qu’il se retrouve en Bretagne, il se remet à se comporter normalement. Qu’est-ce que Jeff a dit, déjà ? Que même si la mairie n’a déplacé que les familles avec les enfants, au moins les habitants du quartier sont soulagés parce qu’une fois qu’on ne voit plus ces familles, on peut oublier qu’elles existent? C’est ça qu’il lui faut, ne plus voir certaines choses pour oublier qu’elles existent. Mais ce n’est pas ça qui l’a fait planter Jeff au bout d’une demi-heure. C’est d’entendre le mot « fracasser ». Un épicier s’est fait fracasser le crâne. Il sait ce que ça veut dire, c’est ce qu’on lui a fait. ( p 115 )
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« Donc ouais, c’est très bien d’avoir fait évacuer la colline, mais maintenant les zombies errent dans le quartier et ils terrorisent tout le monde. Il traînent pieds nus sur les trottoirs et ils sont tellement perchés qu’ils ne peuvent même plus articuler une phrase, peu importe dans quelle langue. Ils n’ont plus rien d’humain, ni langage ni expression faciale ni conscience du monde qui les entoure, et ils sont prêts à tout et n’importe quoi. Ils vont jusqu’à défoncer les hublots dans les laveries avec des marteaux pour rafler le linge pendant qu’il tourne. Un épicier s’est fait fracasser le crâne parce qu’il a essayé d’empêcher un type de voler sa veste qui était sur sa chaise. Franchement, tant qu’ils étaient s’en mode bidonville près du périphérique, ça allait encore, mais depuis que la mairie est venue faire le ménage et qu’elle a seulement déplacé les familles avec les fosses et qu’elle a laissé les, crackheads, ce campement s’est transformé en lâcher de misère sur le quartier et … »
Et Jeff serait encore en train de parler de ça si Léo ne s’était pas mis à transpirer avec la sensation qu’il allait tomber dans les pommes, et s’il ne s’était pas levé en disant qu’il devait couver une grippe.
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Le chauffeur qui est en train de la ramener vers Paris peut rêver tant qu’il veut. Peut-être même qu’à un moment elle lui demandera de se garer, comme elle l’avait fait le jour où Jacques l’avait emmenée à Trouville. Peut-être qu’elle aura besoin qu’il la prenne sur la banquette arrière ou contre le capot de la voiture. Peut-être qu’à lui aussi, elle dira que les femmes n’ont pas besoin des hommes, qu’elles peuvent s’en passer pour tout, qu’elles peuvent tout apprendre si on leur en laisse le temps, mais que les sentir en elles, ça, non, elles ne peuvent pas s’en passer, leur corps est fait pour les accueillir. Et si le chauffeur est jeune et qu’il se risque à lui faire remarquer que l’époque n’est plus à ce genre de point de vue, elle éclatera de rire, répondra qu’elle se contrefout de l’époque et somnolera pendant le reste du trajet pour échapper à l’ennui qu’il aura brusquement fait peser sur la conversation. ( page 103 )
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Margot ne changera pas, jamais, tout le monde sait ça. En tout cas lui le sait depuis le début. Ces phrases d’il y a quinze ans, qu’il avait trouvées griffonnées sur un bout de papier posé sur l’oreiller après la première nuit qu’elle avait passée chez lui, il ne les a pas oubliées. Ces phrases qu’elle lui avait écrites quand il avait laissé entendre qu’il n’était pas sûr d’être le genre d’homme dont elle avait besoin:
Ce qui peut te calmer est que tu me manques quand tu n’es pas là. Ce qui peut te calmer est la liberté de la non-perfection. Ce qui peut te calmer est que je ne changerai pas. Ce qui peut te calmer est ma force tout autour de toi, et ma fragilité tout autour de toi. C’est si simple.
Quand on écrit des phrases aussi belles, c’est simplement qu’on en est capable, pas nécessairement qu’on peut les vivre. En les lisant, il avait su qu’il ne fallait surtout pas qu’il tombe amoureux d’elle, même si évidemment ça ne l’en avait pas empêché. Alex n’est pas dure, elle est simplement un peu trop droite, trop rigide. On l’intéresse ou pas, on lui plaît ou pas, c’est aussi tranché que ça, pas de séduction inutile, pas d’espace pour rêver si elle n’a pas envie qu’on rêve d’elle. La contraire de Margot qui laisse toute la place pour rêver, qui ne laisse même de la place que pour ça. ( page 102, 103 )
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Et quand elle répète qu’un de ces jours elle va prendre une année sabbatique pour voyager plus, c’est bidon, elle peut prendre des risques en vacances, mais elle n’en fera jamais courir à son équilibre à Paris. Même si on lui dit qu’elle est irremplaçable, arrêter de travailler pendant un temps serait risquer de ne pas retrouver sa place à son retour et d’atterrir dans dans un autre bureau de presse moins bon, avec des clients moins intéressants, un salaire moins élevé, des collègues plus jeunes obsédés par les réseaux sociaux qu’elle abhorre, et c’en serait fini de sa liberté de ne pas,débarquer avant onze heures et de choisir sur quoi elle travaille. ( page 102 )
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