Le Petit Nicolas, tome 9 : Le ballon et autres histoires inédites

Moi, j'aime bien Pâques ; ce jour-là, on s'amuse bien à la maison.

Papa, lui, il commence la journée en peignant des oeufs ; il ne veut pas que je l'aide parce qu'il dit que je suis maladroit et que je dois tenir ça de ma mère. Papa, il commence à peindre les oeufs dans la salle à manger, mais toutes les années - enfin, toutes celles dont je me souviens (deux) - papa, il doit finir son travail dans le grenier, parce qu'il casse toujours un ou deux oeufs sur la table de la salle à manger (cette année), ou sur le tapis (l'année dernière), ou sur la robe de maman (l'année d'avant, quand j'étais petit) et maman veut aller chez sa maman, et tout le monde pleure.

Quand papa redescend du grenier, il y a toujours moins d'oeufs que quand il est monté, mais ils sont très jolis ! Il y en a des bleus, des rouges, des verts, de toutes les couleurs, comme sur le pantalon de papa. Il est très fier quand je lui dis que je n'ai rien vu d'aussi beau. Maman aussi lui dit : «Tu peux être fier !» et elle est sincère, elle ne rit pas quand elle lui dit ça.

Après, papa va cacher les oeufs dans l'herbe, dans le jardin. Comme l'herbe est très haute, c'est très difficile à trouver les oeufs.

Elle est formidable, la nouvelle épicerie ! Grande comme tout, avec des tas et des tas de lumières, et une radio qu'on ne voit pas, mais qui vous dit tout le temps ce qu'il faut acheter. Et puis, plus chouette que tout, à l'entrée, on vous donne un chariot pour mettre dedans les choses qu'on achète.

Sempé a arrêté le temps sans pour autant le remonter. Nicolas a le regard peut-être un peu plus sombre. Le regard d'un enfant qui aurait cinquante ans d'histoires derrière lui. On n'efface pas ce qui nous assombrit, on vit avec, et de ses cicatrices on se fait une raison.