Citations sur J'ai péché, péché dans le plaisir (24)
Jai péché péché dans le plaisir,
dans des bras chauds et enflammés.
J'ai péché péché dans de bras de fer,
dans des bras brûlants et rancuniers.
Dans ce lieu calme, sombre et muet,
je me suis assise près de lui, agitée.
Ses lèvres ont versé l'envie sur mes lèvres.
Du chagrin de mon cœur fou, je me suis libérée.(...)
L'envie a enflammé son regard,
le vin rouge a dansé dans le verre,
et sur le lit doux, mon corps
ivre de volupté sur sa poitrine a tremblé.
J'ai péché, péché dans le plaisir,
près d'un corps tremblant et évanoui.
Seigneur !Je ne sais ce que j'ai fait
dans ce lieu, calme, sombre et muet.
Forough FARROKHZAD,
«Le péché » in Le Mur, 1955.
Marie n'a jamais ressenti de désir de soumission, elle n'a jamais imaginé sombrer dans son propre corps, n'être plus qu'un soupir qui espère la main qui le rudoie. La jouissance qu'elle rencontre est totale. Le lendemain, Marie ne tient pas debout et s'alite. Bernstein est inquiet et fier. Marie est brisée mais en attente. Une porte s'ouvre sur une sensualité jusqu'alors inconnue, où chaque rencontre la laisse marquée des stigmates douloureux de l'amour, elle s'engage dans une relation totale d'où toute appréhension est évacuée.
Après avoir été adorée par des amants qui craignaient son corps comme un désaveu de l'idéal inatteignable, Marie découvre un homme qui n'attend que son cri, que son corps nu, que son désir de s'oublier, elle et sa perfection, dans des bras qui n'espèrent et n'aiment que le réel. Marie quitte le lit de Bernstein comme une cure de jouvence. Elle se sent puissante. À l'horizontale elle est soumise, à la verticale leur complicité intellectuelle et artistique est totale.
C'est une idéaliste, votre poète, les idéalistes sont des destructeurs, ils n'aiment pas la vie, ils préfèrent ses lendemains qui arrivent toujours trop tard.
L’une se bat pour conquérir ce qui lui résiste ( un homme, un roman, un voyage, un salaire régulier), l’autre ne comprend pas que la résistance n’est pas en elle, mais dans le monde qui l’entoure.
vous le savez n'est-ce pas que les exilés vivent et respirent seulement dans le passé.
Il ne peut pourtant plus fuir. L'aurait-il voulu qu'il restait prisonnier de son amour pour elle. Jusqu'à la fin de la vie de Forough, il la fournira en traductions, la nourrira d'une autre vie que la sienne, lui faisant sentir chaque jour l'abîme entre son existence et celle qu'elle aurait aimé, dû, espéré vivre.
Fais le compte aujourd'hui de ceux que tu aimes, et sache que pas un ne sera à ton chevet le jour où, vieille femme et presque une étrangère dans un monde nouveau, tu mourras, affreusement seule.
Une des différences les plus aiguës entre Marie et Forough tient à l'amour et au respect que I'une déploie pour elle-même, et l'autre pas. Il ne viendrait pas à l'idée de Marie de se dévaluer à ses yeux. Forough est secouée de découvrir une femme capable de se célébrer sans la moindre honte. Cette honte qui la poursuivra toute sa courte vie.
Va-t-il trop loin ? Va-t-on trop loin quand on oppose la liberté à la mort ? Va-t-on trop loin quand on préfère le bonheur du jour à l'éternité du péché ? Va-t-on trop loin quand on ne trouve que laideur aux voiles qui couvrent les corps, aux têtes obstinément baissées vers le sol pour se faire pardonner de vivre, aux bouches déformées par la foi ?
Il est faut de dire que la vie est injuste, c'est nous qui y injectons de l'injustice, c'est nous qui, au gré de nos sentiments contradictoires, de nos incapacités à mesurer les conséquences de nos actes, bousillons le fil des vies de ceux que nous aimons sous le prétexte de nous rendre plus heureux. La vie est égoïste.