Tsubaki, c'est le nom du camélia en japonais. La narratrice s'appelle Namiko. Elle nous partage un pan de l'histoire de sa mère Yukiko, qui est aussi le personnage principal du récit. Celle-ci dit un matin : « J'aimerais mourir comme tsubaki. »
Il pleut sur le paysage qui ouvre les pages de ce court roman. Nous sommes au Japon, à une époque contemporaine, proche de maintenant. C'est le soir d'une vie, c'est un secret de famille comme tant d'autres qui prend ses racines à Nagasaki durant la seconde guerre mondiale, et bien avant même.
Nagasaki, 9 août 1945... Derrière cette date qui dit l'horreur apocalyptique, c'est aussi pour Yukiko qui survécut, une autre date, une coïncidence comme l'ironie du destin sait jouer avec cela...
Le texte est une comète qui dévaste les âmes et les coeurs.
C'est le poids et la délivrance d'un secret cinquante ans après Hiroshima et Nagasaki.
Il suffit d'une lettre en forme de testament où la narratrice sa fille découvre ce secret peu après le décès de sa mère... Deux lettres rédigées par la main de sa mère sont remises par le notaire à Namiko, l'une pour elle et l'autre pour le demi-frère de sa mère, dont elle découvre alors l'existence...
Ce secret, longtemps enfoui sous les décombres d'une ville détruite, c'est celui d'un adultère, mais c'est aussi celui d'un meurtre... Les mensonges d'un père résonnent douloureusement dans ce dévoilement d'une vieille dame au crépuscule de sa vie lorsqu'elle écrivit cette lettre dédiée à sa fille, elle se souvint qu'elle fut une toute jeune adolescente lorsque ses illusions se brisèrent, lorsqu'elle découvrit l'indicible derrière les murs d'une chambre à peine plus épais que la blessure d'un rêve, lorsqu'elle commit l'impensable tandis que quelques heures plus tard le souffle d'une bombe atomique transformait le bois en cendres, la pierre en sable, l'eau en feu et des êtres humaines en chagrins éternels...
Comment imaginer que cette vieille dame qui écrit à sa fille la narratrice pour lui délivrer ce secret, fut cette adolescente douce, enjouée, amoureuse, éprise de la lumière de l'azur et de la beauté des fleurs.
J'ai aimé l'écriture sobre, épurée d'
Aki Shimazaki, auteure que je découvre ici, dans ce premier volet d'une pentalogie intitulée le poids des secrets.
C'est une variation douce et implacable sur l'inexorable cheminement du destin. L'ironie du destin justement effaça le meurtre parfait par la déflagration d'une bombe et les cendres qui recouvrirent la ville de Nagasaki.
Comment garder un secret scellé dans le coeur, comment en porter son poids, son cri toute une vie, comment le transmettre aux siens, aux générations d'après ? Qu'en feront-ils ? Il est sans doute plus facile de le faire une fois que la mort est là...
Et puis, que serait devenu ce secret si une bombe atomique n'était pas venue recouvrir sous les gravats d'une ville totalement détruite cette tragédie personnelle ?
Entre douceur et cruauté, entre poésie et barbarie, nouant l'intime à l'universel, la violence est souterraine, se promène aux abords d'une chambre où se conjuguent la nudité clandestine, les tyrannies et les trahisons, j'ai été saisi par ce texte concis qui m'a tenu en haleine dans un paysage de fleurs et de cendres.