Je ferme les yeux. Kotokotokoto...J'entends le bruit du coquillage. Je répète dans ma tête : " Où es-tu ? "
Maintenant, je partage avec elle l’endroit où je passais du temps tout seul. Les gens ne s’aventurent que rarement ici. On n’entend rien, sauf le bruissement des feuilles de bambou. Le ciel est couvert de feuilles et la lumière du soleil apparaît et disparaît avec le vent. Il y a des tsubaki qui fleurissent en hiver. Yukiko dit que les tsubaki sont ses fleurs préférées. Nous parlons en marchant, nous lisons des livres, assis l’un à côté de l’autre sur une pierre.
Yukiko dit :
- Cette tranquillité, c’est incroyable !
Je réponds :
- Oui, vraiment. Cet endroit nous fait oublier tout ce qui se passe dans le monde (Leméac, Nomades, p. 57).
Je marche quelques pas derrière ma mère pour aller à l'église. je vois sa jupe évasée s'agitant au rythme de sa marche et de ses longs cheveux noirs. Les couleurs des fleurs d'hortensia. le bruit de la pluie, qui tombe sur le parapluie de papier huilé. les escargots. la barbe noire de l'homme étranger. La silhouette de la petite fille s'éloignant avec son père. Et le bruit du coquillage.
Ces images sont gravées si profondément dans ma mémoire que jamais elles n'ont pâli avec le temps. (p.81)
Yukio, ne crois pas que j'ai sacrifié mes parents et l'héritage pour ma vie avec toi et ta mère. Au contraire, c'est vous qui m'avez sauvé de l'existence étroite que je vivais avec mes parents depuis mon enfance. J'étais trop obéissant pour leur faire plaisir. J'avais besoin d'une motivation déterminante pour leur échapper.
Ce n'est pas seulement la force militaire qui nous amène à la victoire, c'est aussi la force morale de tout le monde ! Sacrifier sa vie pour l'empereur, c'est la vertu même. Sachez bien que, devant lui, la vie de chacun est plus légère qu'une plume.
Nous lisons tranquillement un livre, l'un à côté de l'autre. Tout d'un coup, Yukiko me dit :
— Yukio, j'ai un petit ami.
Ces paroles me décontenancent. En plus, elle le dit en souriant. Je croyais qu'elle connaissait mes sentiments envers elle.
Je demande, très triste :
— Qui est-ce, ton petit ami ?
Elle répond encore en souriant :
— Tu ne le connais pas. Je vais te montrer sa photo. Il est vraiment charmant. Regarde !
Elle sort la photo d'entre les pages de son livre. Je la regarde timidement. C'est un petit garçon à côté d'une petite fille. Yukiko explique :
— C'est une photo d'il y a douze ans. J'avais trois ans. Ce garçon-là est mon petit ami.
Je suis encore sérieux.
— Où est-il maintenant ?
— Je ne sais pas, dit-elle. C'est un garçon avec qui je jouais quand j'étais petite. C'est tout. Mais je l'aimais beaucoup.
Elle me regarde. Elle remarque mes yeux mouillés.
ELLE dit :
— Mon père est merveilleux. Il joue du violon et du piano.
Je demande :
— Violon ? Piano ? C'est quoi ?
ELLE répond :
— Ce sont des instruments de musique. Mon père peut parler l'anglais, le français et l'allemand. Il est vraiment merveilleux, n'est-ce pas ?
Chez les hamaguri, il n'y a que deux parties qui vont bien ensemble.
Je la serre contre mon coeur. Je lève les yeux vers le ciel. Mes larmes tombent sur sa tete. Je voudrais la tenir ainsi à tout jamais. Elle lève son visage. Une grosse goutte tombe sur son nez. Elle sourit. Je lèche la goutte. Elle ferme les yeux. J'embrasse ses lèvres chaudes. Un frisson traverse mon corps.