Citations sur Maigret se fâche (16)
Il avait passé tant d'années à s'occuper des petites affaires des hommes qu'il les connaissait tous - même les gens comme Malik, qui se croient plus forts ou plus malins.
Avec ceux-ci, il y a un mauvais moment à passer, celui où, malgré soi, on se laisse impressionner par leur belle maison, par leurs domestiques et par leurs manières.
Il faut arriver à les voir comme les autres, à les voir tout nus...
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Elle n'était pas bête du tout, Mme Jeanne.
- Je sais maintenant ce que vous êtes venu faire ici... Tout le monde le sait... Je crois que vous perdez votre temps.
Elle parlait des Malik, d'Ernest et de Charles.
- Vous n'avez pas encore rencontrer Charles ? Vous le verrez... Et sa femme, la plus jeune des demoiselles Amorelle, qui était Mlle AImée. Vous les verrez. Nous sommes un tout petit pays n'est-ce pas ? A peine un hameau. Et pourtant, il s'y passe de curieuses choses. Oui, on a retrouvé Melle Monita sur le barrage.
On venait soudain, sans transition, de passer de la comédie au drame, mais ce qu'il y avait d'étrange, c'est que le ton restait celui de la comédie. La vieille dame ne pleurait pas. Il n'y avait pas la moindre trace d'humidité à ses yeux d'un noir étonnant. Tout son être sec et nerveux continuait à être animé de la même vitalité qui, malgré tout, avait quelque chose d'assez comique.
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Cela n'avait pas d'importance. Chaque famille, comme disent les Anglais, a son "cadavre dans l'armoire".
[...] ... - "Qu'est-ce que tu sais au juste ?
- Voilà enfin la question que j'attendais.
- Qu'est-ce que tu sais ?" s'impatientait Malik.
- "Et toi, qu'est-ce que tu crains que je sache ?
- Une première fois je t'ai demandé de ne plus t'occuper de mes affaires.
- Et j'ai refusé.
- Une seconde et une dernière fois je te dis ..."
Mais déjà Maigret secouait la tête.
- "Non ... Vois-tu, maintenant, c'est impossible ...
- Tu ne sais rien ...
- Dans ce cas, que crains-tu ?
- Tu n'apprendras rien ...
- Je ne te gêne donc pas.
- Quant au gosse, il ne parlera pas. Je sais que c'est sur lui que tu comptes.
- C'est tout ce que tu as à me dire, Malik ?
- Je te demande de réfléchir. Tout à l'heure, j'aurais pu t'abattre et je commence à regretter de ne pas l'avoir fait.
- Tu as peut-être eu tort, en effet. Dans quelques instants, quand je sortirai, il sera encore temps de me tirer une balle dans le dos. Il est vrai que, maintenant, le gosse est loin, qu'il y a quelqu'un avec lui. Allons ! J'ai envie d'aller me coucher. Donc, pas de téléphone ? Pas de plainte ? Pas de gendarmerie ? C'est vu, c'est entendu ?"
Il se dirigea vers la porte.
- "Bonne nuit, Malik."
Au moment où il allait disparaître dans le hall d'entrée, il se ravisa, revint sur ses pas pour laisser tomber, la face lourde, le regard pesant :
- "Vois-tu, je sens que ce que je vais découvrir est tellement laid, tellement sale, qu'il m'arrive d'hésiter à continuer."
Il partit sans se retourner ... [...]
- Qu'est-ce que tu fais, Maigret ? questionna-t-elle [Mme Maigret] le voyant se diriger vers l'escalier à boule de cuivre.
Il faisait frais dans la maison, où régnait une bonne odeur d'encaustique, de foin coupé, de fruits qui murissent et de cuisine mijotée. Cette odeur-là, qui était celle de son enfance, de la maison de ses parents, Maigret avait mis 50 ans à la retrouver.
- Tu ne vas pas suivre cette vieille folle ?
Il était écœuré. Cela lui arrivait souvent quand il arrivait au bout d’une enquête, peut-être à cause de la tension nerveuse, peut-être parce que, quand on atteint l’homme tout nu, c’est plutôt vilain et déprimant.
Paris était magnifiquement vaste et vide. Les cafés, autour de la gare de Lyon, sentaient bon la bière et le croissant trempé de café.
Pendant que Maigret lui expliquait ce qu'il attendait de lui, Mimile avait l'air ahuri d'un Auguste qui reçoit un coup de bâton sur la tête et il répétait de ses lèvres molles :
- Ben, mon vieux! Ben, mon vieux... Faut que ce soit vous Maigret] qui me le demandiez ça pour que je ne cours pas tout de suite au Quai. Pour un drôle de boulot c'est un drôle de boulot.
- Tu as bien compris ?
- Je comprends que j'ai compris
- Tu auras ce qu'il te faut ?
- Et le reste ! Ca me connait.
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- En somme, si j'en crois ce que les journaux ont raconté de toi [Maigret], tu n'as pas mal réussi dans la police ?
Drôle de métier. Je [connaissance d'enfance de Maigret] me suis souvent demandé pourquoi on devenait policier, à quel moment et comment on se sentait la vocation. Car, enfin...
Sa femme était plus absente que jamais. Maigret observait Jean-Claude, qui, de son côté, dès qu'il ne se croyait pas regardé, examinait le commissaire attentivement.
Froid comme le marbre de la table, le jeune homme. A dix-neuf ou vingt ans, il avait déjà l'assurance de son père. Celui-là ne devait pas se laisser facilement troubler et, pourtant, il y avait comme de la gène dans l'air.