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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Batax est une enseigne fictive qui ressemble à s'y méprendre à quelques autres réelles de la grande distribution. Elles ont émergé dans les années 60, prospéré pendant quelques décennies et évoluent aujourd'hui pour faire face à la concurrence de l'e-commerce. Ces structures sont passées d'un encadrement paternaliste à un management dicté par le profit et la main-mise des actionnaires financiers.

Cet album illustré par Anne Simon est inspiré du travail de la sociologue Marlène Benquet qui a mené pendant trois ans une enquête dans une des principales entreprises françaises de grande distribution (cf. son ouvrage 'Encaisser !').

On découvre dans cette BD le quotidien des salariés, celui des caissières en particulier : peu d'heures, petits salaires, pauses réduites, accès aux toilettes limités, trous dans l'emploi du temps qui supposent de ne pas habiter trop loin, et de ne pas avoir d'enfants en bas âge.
Comme dans les années 80, on essaie encore d'inculquer 'l'esprit d'entreprise' aux nouveaux arrivants, mais la crise économique et la précarisation de l'emploi rendent le discours moins crédible.
Les cadres sont tout aussi malmenés, mais ceux qui bossent « en bas », en rayon ou en caisse, ne s'en rendent pas forcément compte - on voit ici l'exemple du DRH qui est en train de tout perdre par angoisse de l'avenir (son couple, le sommeil...).

En parallèle, les auteurs montrent comment sont traités les employés de commerce par la clientèle, bien sûr (là, ON peut faire des efforts, à défaut de boycotter ces enseignes), mais aussi les sempiternelles mesquineries et guerres ouvertes entre syndicats, pour recruter des membres - untel roule pour la Direction, attention, tel autre ne fera pas grand chose pour toi, etc.

On voit aussi un bel exemple de solidarité quand les employés s'unissent dans l'adversité. Et même si les conséquences ne sont pas immédiates, pas palpables, même si elles n'adviendront peut-être jamais, qu'importe : les manifestantes ont reconquis une confiance en soi, et ça, c'est énorme dans le monde impitoyable du travail ; elles ont pris le pouvoir de façon momentanée, mais c'est déjà ça... :
« - C'était génial, ces deux semaines. J'avais jamais fait quelque chose d'interdit ni défendu mes droits. Sans rire, ça m'a ouvert les yeux. C'est une expérience formidable. Mais quand tu fais le bilan, ben, c'est naze.
- Dis pas ça... On n'a peut-être rien obtenu mais moi, je me sens mieux. Je ne me vois plus comme une petite caissière. Je me fais respecter. Nos relations avec la direction vont changer. L'ambiance de travail va s'améliorer, crois-moi. [...] On partait avec de sacrés handicaps : femmes, précaires, et pourtant : grévistes ! A plusieurs, on a eu une force énorme ! »

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Je continue à découvrir cette collection Sociorama qui « signe la rencontre entre bande dessinée et sociologie » avec : 'Chantier interdit au public', puis 'La banlieue de 20 heures'.
A paraître : 'Les nouvelles de la Jungle (de Calais)' - 'Plus belle la série' - 'Sous la blouse'...
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Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc de 160 pages, initialement parue en 2016. Elle a été réalisée par Anne Simon, une illustratrice de livres pour la jeunesse et dessinatrice de bandes dessinées : par exemple le journal de Miss Pétoche, Où sont passés les princes charmants ?, Einstein. Pour cet ouvrage, elle a adapté une enquête sociologique de Marlène Benquet Encaisser !, mais aussi une partie de Les damnées de la caisse : Enquête sur une grève dans un hypermarché.

Sabrina est mère de 2 enfants, responsable de cette cellule monoparentale, détentrice d'une licence de philosophie. Pour pouvoir élever ses 2 enfants, elle prend un emploi de caissière dans la chaîne de supermarchés Batax. Elle est reçue par madame Vaquin, chef de caisse. le soir elle lit le dépliant présentant l'historique de la société pendant que son fils fait ses devoirs, et elle découvre la belle vision de l'entrepreneur Luis Mounier, ainsi que l'historique de la chaîne Batax s'inscrivant dans L Histoire économique et de celle des droits de la femme. Son fils se moque d'elle parce qu'elle a encore des devoirs.

Elle se présente le lendemain à 09h00 pour sa période d'essai. Elle est prise en charge par Christine qui la confie à Nadine pour lui apprendre le métier pendant sa première tranche horaire de travail. Il faut scanner les achats, gérer les problèmes (prix incohérent avec l'affichage, réclamation des clients), prendre sa pause au moment imposé, vérifier qu'il n'y a pas d'articles dissimulés dans le fond d'une poussette, et proposer la carte de fidélité, systématiquement, avec le sourire.

En 2016, Lisa Mandel a lancé la collection Sociorama chez Casterman, en partenariat avec la sociologue Yasmine Bouagga. le principe de cette collection est d'adapter en bande dessinée des recherches de sociologues. Il ne s'agit pas d'une adaptation littérale de l'ouvrage, ou de vignettes servant à l'illustrer, mais d'une histoire originale permettant d'exposer les éléments de recherche. En ce qui concerne le présent ouvrage, l'auteure a choisi de mettre en scène une femme (Sabrina) faisant ses débuts en tant que caissière. Il y a donc bien une trame narrative dans laquelle elle effectue ses premières fois (gestion des pauses pour aller faire pipi, rencontre avec la déléguée syndicale, problème de transport au vu des horaires tardifs, etc.) qui se prêtent régulièrement à des observations sociologiques sur ce milieu professionnel.

De prime abord, les dessins d'Anne Simon présentent une apparence enfantine, avec des traits mal assurés, des formes pas très précises, des têtes un peu plus grosses que la normale pour attirer l'attention sur les émotions, des proportions bien respectées pour le reste, une apparence sans volonté de séduction ou de dramatisation. Néanmoins, le lecteur constate rapidement qu'Anne Sion utilise de nombreux dispositifs propres à la bande dessinée pour raconter son histoire. Les personnages sont différenciés, et si leur apparence peut être exagérée ou très simplifiée, ils sont tous particuliers. Les expressions peuvent être elles aussi accentuées, et les visages simplifiés (par exemple un simple point pour les yeux), mais leur état d'esprit apparaît clairement au lecteur et ils se conduisent en adulte. La narration se compose à plus de 90% de dialogues, et pourtant elle reste intéressante visuellement. L'artiste sait inclure des détails sur les vêtements, sur les lieux leur agencement, leur mobilier.

Anne Simon utilise également différentes formes de mise en page. Il s'agit d'un ouvrage plus petit qu'une bande dessinée traditionnelle, 16cm*19cm. Les pages sont souvent structurées sur la base de cases sans bordure, mais en fonction de la nature des séquences, Simon peut intégrer des bordures, faire varier le nombre de cases par page, utiliser un fond noir pour la page (pour les séquences de rêves par exemple). de nombreuses cases sont focalisées sur les personnages en plan taille. Mais là aussi, il peut y avoir des gros plans, ou à l'opposé des vues d'ensemble d'un magasin, d'un supermarché, de l'arrivée des semi-remorques de livraison. Finalement même pour un lecteur peu sensible à ce type de dessin (ou même rétif), la narration visuelle recèle une richesse telle qu'elle rend le récit visuellement intéressant.

Anne Simon a donc l'ambition de transcrire un ouvrage de sociologie, lui-même issu d'une thèse en une histoire. Pour ce faire, elle met en scène le personnage de Sabrina, jeune femme ayant fait des études, arrivant dans une entreprise possédant son histoire. Pour évoquer, cette dernière, elle réalise un fac-similé du livret d'accueil des nouvelles caissières (15 pages, idée aussi efficace que visuelle). Puis le lecteur est amené à suivre la première journée à la caisse de Sabrina, sous le tutorat de Nadine, à voir une discussion entre Julie (une étudiante) et ses copines, et même à suivre monsieur Martin (directeur des ressources humaines France) pendant une trentaine de pages, jusqu'à une action de grève en fin d'ouvrage. Pour un lecteur ne s'étant jamais interrogé sur l'emploi de caissière, il ne découvre pas le savoir-faire du métier, mais un milieu professionnel. Cette histoire ne constitue pas un manuel ou un guide du métier, mais un tour d'horizon du contexte social du métier. L'auteure a pris le parti de ne pas s'attarder sur les chiffres, qu'il s'agisse de salaire ou de bénéfices, ou encore de dividendes. La narration reste dans le registre du vécu, avec des détails très concrets, comme la charge mentale de l'hôtesse de caisse chargée des caisses automatiques, ou la température plus basse pour les caisses à proximité des surgelés.

Pour un lecteur s'étant déjà intéressé à cette filière économique, cet ouvrage peut sembler un peu superficiel, une forme d'initiation au milieu. Il passe en revue de nombreuses dimensions : modalités d'intégration dans l'entreprise, formation en tutorat, relation avec le client et image de marque, historique et valeur de l'entreprise, surveillance des employées, relationnel entre employées, morcellement des périodes de travail, horaires en décalé, clients difficiles (un crachat au visage), financiarisation du secteur, place des organisations syndicales, revendications salariales, différences d'enjeu pour les salariés en fonction de leur âge. Lors des pages consacrées à monsieur Martin, il est abordé la politique de groupe, la situation professionnelle de ce salarié, les valeurs promues par le nouveau PDG, à l'opposé de la réalité de la gestion des hôtesses et des hôtes de caisse. En découvrant le premier passage consacré au DRH, le lecteur constate qu'il n'y a aucune velléité de diabolisation. Les auteures mettent en avant son aisance financière, mais aussi son mode de vie qui le fait rentrer à 22h0 chez lui cette scène fait apparaître qu'il est tout autant prisonnier d'un système que les hôtesses de caisse. Il le subit, et doit en supporter les contraintes qui semblent tout aussi exorbitantes. C'est également l'occasion pour l'artiste de faire à nouveau montre de son savoir-faire, en intégrant une séquence de rêve (il y en a plusieurs) dans laquelle elle montre monsieur Martin pressé comme un citron, dans une belle métaphore visuelle. Chaque séquence onirique apporte une vision du ressenti de l'individu par le biais d'une métaphore intelligente et intelligible.

Marlène Benquet et Anne Simon se tiennent à distance de tout manichéisme, ne diabolisant pas les supérieurs hiérarchiques eux aussi soumis au système, et ne faisant pas des caissières, des personnes parfaites et pures. Sur ce dernier point, les quelques mesquineries évoquées sont représentatives. Cette histoire n'est donc pas un ouvrage universitaire, illustré de tableaux de données, et s'appuyant sur des théories complexes. C'est une bonne découverte d'un milieu de travail particulier, rendu plus riche par la volonté d'inclure de nombreux paramètres. Avec l'accumulation de ces paramètres, le lecteur voit se dessiner une analyse systémique pénétrante. En additionnant 2 ou 3 remarques, il voit apparaître la manière dont la structure de l'hypermarché met en oeuvre un outil de surveillance de ses hôtesses de caisse, à la fin de répondre au besoin de présence d'une caissière à chaque instant à chaque caisse ouverte, mais aussi de les contraindre. Alors même que le ton de la narration reste bon enfant, avec quelques blagues de temps à autre, elle montre la présence des caméras et l'usage qui est fait par les cheffes de caisse pour donner des conseils en temps réel aux hôtesses, mais aussi pour les contrôler, et les espionner.

L'historique de l'entreprise permet de se rappeler que le métier de caissière a permis aux femmes d'accéder à des emplois non qualifiés, mais aussi que ces emplois maintiennent les salariés concernés dans une situation économique très précaire, du fait de leurs faibles revenus. L'historique évoque également le travail de construction intelligent qui s'est fait entre patrons et syndicats (FO en l'occurrence), partenariat devenu obsolète du fait de l'évolution du mode de gestion de cette entreprise familiale, vers celui d'un grand groupe. Les 30 dernières pages sont consacrées à un mouvement social de grève, lancé par les caissières, et soutenus par les syndicats un peu contraints de les suivre (reprenant un mouvement de grève en 2008, dans un hypermarché Carrefour à Grand Littoral). Là encore il est possible de ne voir que le récit de cette action. Mais il est aussi possible de voir comment le modèle de représentativité du personnel est lui aussi englué dans un système complexe qui est passé du mode de la prévention au mode urgentiste, et qui n'arrive pas à s'adapter en temps réel aux besoins de celles qu'il représente.

Dans un premier temps, la lecture de cet ouvrage séduit par sa simplicité, à la fois dans la vivacité des dessins, et la clarté du propos. Dans un deuxième temps, le lecteur ressent une forme de manque dans des dessins trop rapides et un propos trop superficiel. Dans un troisième temps, il se rend compte que la narration visuelle donne vie à des séquences de dialogues efficaces, et que la somme des petits détails dresse un portrait concret et une analyse systémique pénétrante.
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Dans un supermarché, on vend de tout... même du rêve !
Je connaissais la collection Sociorama via la bd "Chantier interdit au public", sur les ouvriers du BTP. Dans "encaisser", le jeu de mot du titre (aussi celui de l'étude de Marlène Benquet) est à l'image du livre : humour et sérieux dans le fond, et question des conditions de travail des caissières et du rapport de force entre salariées et direction.
De bonnes trouvailles visuelles : ceux qui sont renvoyés sont, d'après le trait en noir et blanc, éjectés nus d'un avion, et les petits oiseaux auxquels pense le DRH se transforment en rapaces. Les différents personnages sont tous intéressants. L'héroïne fictive, Sabrina, est licenciée en philosophie, mère célibataire et précaire. le syndicalisme et la grève sont montrés, ainsi que les divergences entre syndicats (FO vs la CGT) les premiers étant mous car de mèche avec la direction. La chef de caisse, autoritaire au début, s'humanise lorsqu'elle rend compte de sa faible marge de manoeuvre.

Les caissières sont des "machines", hyperadaptables, subissant des incivilités (un client crache sur Sabrina), des Troubles Musculo Squelettiques, des risques psycho-sociaux, elles gagnent peu... Et la devise de Batax (la chaîne), un peu mieux chaque jour, est en miroir des conditions qui se dégradent (sans tomber dans l'écueil de dire qu'au début c'était la panacée).

Les caissières, lorsqu'elles font grève, menées par la cégétiste Myriam, vivent une petite aventure dans leur vie monotone. Car si l'actionnariat et la direction ont l'argent et le pouvoir, les travailleuses sont indispensables : ton patron a besoin de toi, mais tu n'as pas besoin de lui. Mais : Faire les courses, bip, la carte de fidélité, on connaît, c'est le quotidien.

C'est aussi pour cela que ce livre est réussi à mon sens : il rend son sujet (qui semble avoir très peu de potentiel dramatique) intéressant. Car si le tome les hommes du BTP est beaucoup plus spectaculaire, celui sur les femmes du supermarché parle d'un quotidien stressant mais qui reste du quotidien. En somme, sans essentialiser, cela traduit la condition féminine prolétarienne, condamnées aux basses besognes quotidiennes et ennuyeuses, bien qu'il y ait d'autres grilles de lecture possibles, notamment sur le travail et le capitalisme.
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Sabrina débarque chez Batax, grand centre commercial et y découvre un monde particulier. Conditions de travail pénibles, reconnaissance nulle, employés aveuglés par de belles paroles. Ses collègues et elles décident donc d'agir pour obtenir des avantages à la hauteur de leur travail, elles partent en grève.
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