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EAN : 9782200278298
128 pages
Armand Colin (19/09/2012)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Depuis l’entrée dans la modernité à la fin du XIXe siècle, et surtout depuis les années 1960, les individus doivent s’émanciper des liens hérités et faire la preuve de leurs qualités personnelles. La force de ce processus d’individualisation questionne bien des manières habituelles de penser la société.
Si cette problématique est centrale dans les traditions sociologiques allemande et anglo-saxonne, c’est en France que s’est constituée depuis une vingtaine d... >Voir plus
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« La société des individus » de Norbert Elias

Contrairement aux apparences, l’ouvrage de Norbert Elias, La Société des individus ne constitue pas un livre de sociologie de l’individu, mais il peut être lu comme un des supports de la réflexion sur la notion de « société individualiste ». Quel est donc le projet du livre ? Elias vise à donner une représentation globale permettant d’expliquer comment la réunion de plusieurs personnes peut former quelque chose de différent de l’addition de chacune d’entre elles. C’est donc au dépassement de cette dichotomie entre la société et l’individu qu’est voué son travail par sa proposition de la notion de configuration. Pour Elias, il est indispensable de sortir autant de l’illusion de l’homo clausus (fermé en lui-même et libre) que de celle d’une société (système hypostasié imposant sa volonté sur les acteurs), au profit de la reconnaissance d’une large chaîne d’interdépendances constituant différentes configurations sociales. La notion de configuration est donc inséparable d’une vocation critique : elle se définit contre la représentation d’un individu séparé du social et contre la représentation d’une société statique et indépendante des hommes.

À l’origine de cette funeste dichotomie entre la société et l’individu, Elias place le processus de civilisation lui-même et l’intériorisation normative et culturelle qui mène à un sentiment d’une autonomie du jugement et des émotions face à un monde perçu comme un « paysage » ou comme un « objet ». Plus la socialisation prend la forme d’un contrôle intériorisé, plus l’individu se perçoit comme l’auteur de sa vie et de ses choix, plus il se vit comme un sujet, plus il perçoit le monde social comme une réalité extérieure à lui-même. Le processus de civilisation se manifeste par l’intériorisation progressive des interdits et des contrôles pulsionnels, ce qui provoque un degré psychique sans cesse croissant d’autocontrôle. Et c’est cet autocontrôle qui fournit aux sujets les bases de la représentation d’un individu pensable en dehors du collectif, d’un « je » séparé d’un « nous » et opposé à lui, refermé sur lui-même et sur son intériorité.

C’est donc la conscience de soi, propre à l’homme civilisé, qui rend compte de la coupure entre son moi et le monde. Les individus ont le sentiment que leur véritable moi, leur « moi en soi » comme écrit Elias, est enfermé dans un cachot dénommé « société ». L’histoire de la conscience humaine ressemble alors à un escalier en colimaçon, l’individu ayant la capacité de parvenir à des degrés supérieurs de réflexivité au fur et à mesure que le processus de civilisation se répand. Lentement, un tel mouvement de détachement, de recul par l’observation des autres et de soi-même devient une attitude constante. Au bout du processus, les individus en viennent même à se sentir coupés de tous les autres, existant indépendamment d’eux.

Pour Elias, la généralisation de l’autocontrôle propre au processus de civilisation est à la racine d’une des conceptions les plus erronées que les hommes se font de leur rapport au monde, celle de la dissociation entre la société et l’individu. À ses yeux, rien n’est plus faux que la volonté d’établir une antériorité, voire une extériorité de l’individu à la société, tout comme, à l’inverse, la prétention de décrire une société qui fonctionnerait comme une entéléchie indépendamment des individus. Étudier la société et les individus consiste alors à rendre compte, comme il l’a fait lui-même pour le processus de civilisation, des configurations, des dépendances réciproques tissées par les individus.

La proposition d’Elias constitue une proposition épistémologique particulière. Tout en reconnaissant l’importance des individus à l’issue du processus de civilisation, son analyse ne forme pas une variante d’une sociologie de l’individu puisque l’analyse ne prend les individus, leurs représentations et leurs émotions intimes, que comme un « symptôme » d’un modèle d’évolution et d’un type de configuration sociétale et historique. Le point focal de l’analyse est toujours la société et ses configurations, où chaque action sociale dépend de l’action effectuée par un autre acteur, l’une et l’autre placée dans un système d’interdépendances réciproques, opérant comme une suite de chaînes invisibles, dont le nombre augmente, paradoxalement, le sentiment d’autonomie individuelle. Pour Elias, la société n’est alors que cet ensemble de fonctions que les hommes remplissent les uns par rapport aux autres : « c’est à l’intérieur du réseau d’interdépendance que l’homme s’insère à sa naissance, que se développe et s’affirme – à des degrés et selon des modèles variables – son autonomie relative d’individu indépendant ».
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