(Assassinat du ministre Georges Mandel)
- Mais pourquoi t'as arrosé la tire? questionne Lambert.
L'homme au Luger secoue ses larges épaules.
- Ça aussi c'était prévu. On va raconter qu'on a été attaqués par les terros. Et que le malheureux youdi a été atteint par malchance...
- Lui seulement? Par sept ou huit balles? riposte Boero incrédule. Et personne d'autre de touché? Mais qui va avaler cette fable à la con?
En son for intérieur, Sadorski approuve le scepticisme du milicien. La police effectuera une enquête approfondie, s'agissant d'un personnage aussi important que Georges Mandel. Les experts du service technique du professeur Sannié procèderont à des études balistiques, le docteur Paul sera désigné pour pratiquer l'autopsie. La victime a été touchée principalement dans le dos, alors que les balles tirées contre la carrosserie ont pénétré par le côté! Ça ne colle pas; le scénario d'une attaque par des maquisards lui apparait comme totalement invraisemblable. Et même si l'enquête est truquée, les détails du meurtre camouflés, l'opinion accusera forcément la Milice -comme pour le rapt de Jean Zay où les autorités n'ont su fournir qu'une explication vaseuse du même genre. ..
- Cher Monsieur, retenez bien ceci, qui pourrait être mon ultime message. C’est le fruit de mes réflexions en captivité en Allemagne. Il y a deux guerres : l’une a commencé le 1er septembre 1939 et va être gagnée dans quelques mois. L’autre,sourde, sournoise, avait débuté bien avant,et ne s’achèvera pas avec la victoire. (Il à élevé la voix et semble s’adresser au public de la Chambre des députés.) Si nous ne la gagnons pas, la fin victorieuse de la première aura été vaine ! L’enjeu : la liberté politique, l’égalité des citoyens, l’amélioration du sort des masses par les moyens pacifiques que doit assurer la démocratie.
Si encore il se trouvait dans une cellule de résistants. Des vrais. Il pourrait nouer des contacts, se créer des relations utiles pour l’après-guerre. Ou bien - l’un n’empêchant pas l’autre-les dénoncer, jouer les « moutons », négocier en échange un aménagement de peine avec la Justice...
Sadorski étudie la question.
- Pas faux. Tu n'es pas si con que je le pensais.
- Merci, chef.
Debout à contre-jour, sous le halo du plafonnier, dans sa longue robe couleur de sang il parait bon pas comme l’émissaire de Berlin, ou du haut commandement de la police de sécurité, mais de la ville ténébreuse...toute brûlante de soufre et de bitume, où n’existe que l’effrayante vue des diables et de l’enfer. Où ne se font entendre que pleurs, lamentations, désespoir....et où trône celui qui cherche à perdre l’âme des hommes. Le destructeur d’âmes.
Les gens ordinaires , c'est d'eux qu'il faut se méfier le plus
Si encore il se trouvait dans une cellule de résistants. Des vrais. Il pourrait nouer des contacts, se créer des relations utiles pour l'après-guerre. Ou bien - l'un n'empêchant pas l'autre - les dénoncer, jouer les 'moutons', négocier en échange un aménagement de peine avec la Justice.