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Fausta Garavini (Préfacier, etc.)Anne Schoysman (Éditeur scientifique)Anna Lia Franchetti (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070387595
768 pages
Gallimard (22/02/1996)
3.03/5   29 notes
Résumé :
Francion, premier roman picaresque en France, offre un tableau coloré de la société française, pendant les premières années du règne de Louis XIII. On y trouve mendiants et courtisans, écrivains, juristes et collégiens. Le héros, qui annonce Gil Blas et Figaro, ressemble à son créateur : c'est ainsi qu'il se moque de la noblesse. Dans la seconde partie du livre, Sorel décrit aussi l'existence qu'il aurait aimé avoir, avec la faveur du Roi et les faveurs des femmes, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le statut du roman était ambiguë au XVIIe siècle. Il n'appartenait pas à la « belle littérature » qui se conformait aux enseignements des humanistes et qui s'inspirait des modèles antiques, et à ce titre était sujet aux railleries des doctes. Mais c'était un genre à succès : dès la première décennie du XVIIe siècle, plus de soixante romans paraissent, et ce phénomène va se poursuivre tout au long du siècle. Genre s'adressant à un lectorat féminin en priorité, et dont de nombreux auteurs sont des femmes, il ne laisse pas indifférents les hommes ; même ceux qui les dénigrent les lisent pourtant. le roman du XVIIe siècle est sentimental, mais aussi héroïques, d'aventures, historique. Jusque dans les années 60 du siècle, c'est souvent un roman fleuve, de plusieurs milliers de pages, comme les célèbres Astrée (Honoré d'Urfé) Clélie ou le Grand Cyrus (Mlle de Scudéry), il a tendance à se réduire ensuite.

A côté de ces livres romanesques et où la vraisemblance n'est pas le souci premier des auteurs, s'est développée une veine plus en prise avec son temps : les romans comiques. Plus réalistes, ils se situent dans un temps plus proche, dont les lecteurs peuvent se souvenir, ou avoir entendu parlé. Ces romans font une satire des défauts des hommes, des moeurs, du siècle. C'est à ce type d'ouvrages qu'appartient l'Histoire comique de Francion de Charles Sorel. La première partie paraît en 1623, alors que l'auteur était âgé d'à peine plus de vingt ans (mais la date de sa naissance n'est pas certaine), l'auteur fera paraître la suite tout en effectuant des changements dans le texte originel, ce qui rend les éditions actuelles complexes : le texte originel est souvent considéré comme le plus intéressant, et les changements ultérieurs attribués à un changement de climat politique de l'époque qui rendait dangereux pour les écrivains une trop grand liberté de plume (l'emprisonnement de Théophile de Viau survient quelques mois à peine après la parution de la première version de Francion).

L'Histoire comique de Francion s'inspire de nombreux modèles (l'originalité au XVIIe siècle n'est pas du tout une valeur positive) : des sources antiques (Apulée, Pétrone), mais aussi Rabelais, Boccace, les Cent nouvelles nouvelles, les Historiettes de Tallemant des Réaux, les romans picaresques espagnols… Mais Sorel transforme tout cela, son héros n'est pas par exemple un picaro (misérable futé) mais un gentilhomme, qui même s'il connaît des misères et vicissitudes et se livre à des plaisanteries douteuses et des libertinages, garde toujours un fond de noblesse. de même, si le livre est souvent « licencieux », l'auteur ne reste pas à une lecture grivoise des rapports amoureux, le personnage principal évolue, la simple recherche du plaisir va finir par lui apparaître comme décevante au final.

Nous faisons connaissance avec notre héros alors qu'il recourt à un stratagème pour passer la nuit avec la belle Laurette en abusant son mari. le procédé tourne court à cause de l'intervention malencontreuse de voleurs. Francion blessé doit s'enfuir en s'étant couvert de ridicule. Il est secouru par un jeune homme noble. Passant la nuit dans une hôtellerie, ils y rencontrent une vieille, qui leur raconte son histoire, et celle de Laurette qu'elle a élevée. Ensuite Francion raconte au jeune homme (Raymond) son histoire à lui. Francion n'a pas reconnu Raymond, mais ils ont été condisciples dans un collège ; en outre Raymond a volé sa bourse à Francion ce qui l'a plongé pour un temps dans une grande misère. Mais il veut se faire pardonner : entre autres, il organise une grande fête libertine, dans laquelle il s'assure de la venue de Laurette, ce qui permet à Francion de réussir ce qu'il a manqué précédemment.

Suite à cela, Laurette, ne l'intéresse plus vraiment, et il s'attache à une jeune veuve italienne, qu'il découvre d'abord en portrait, et qu'il s'arrange à rencontrer en vrai. Même si Francion plaît à Nays, plus que ses autres et nombreux prétendants, elle est sage, et le mariage est la seule éventualité qu'elle envisage. Francion la suivra dans son pays, devra faire face aux autres prétendants prêts à tout pour le perdre, devra aussi faire face à lui-même et à ses désirs contradictoires avant de pouvoir convoler avec sa belle.

Entre temps il y aura eu pléthore d'aventures, drôlatiques, libertines, mais aussi parfois dangereuses. le roman cultive une veine de truculence gauloise, mais se livre aussi à des satires de la justice, des collèges, des milieux des gens de lettres, des palais des nobles et de leurs cours, de la cour royale (censée être celle de Henri II) etc. Un vrai portrait satirique du siècle.

Malgré nombre de péripéties, de détours, de divers épisodes, le roman est au final très cohérent (tout au moins dans la version proposée dans le volume de la Pléiade par Antoine Adam). Deux pôles s'opposent, représentés par deux femmes : Laurette et Nays. Laurette est le pôle négatif, par qui le roman commence. Elle symbolise le plaisir en tant que tel, dont la recherche, même satisfaite, s'avère au final décevante, et n'aboutit qu'à un nouveau désir, et laisse en fin de compte un sentiment de vide. Nays, le pôle positif vers lequel Francion va tendre dans la deuxième partie du roman, nécessite de vaincre l'adversité, des rivaux, mais il s'agit aussi de se vaincre soi-même, les penchants qui poussent par une forme de facilité vers l'immédiatement agréable. Francion finira par soumettre ses désirs plutôt que de se soumettre à eux.

C'est une plaisante découverte, le roman est avant tout très drôle, et au final, malgré tous les méandres et digressions, qui semblent égarer le lecteur, l'auteur finit par le faire arriver au port où il voulait l'amener.
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L'un des plus magnifiques romans qu'il m'ai été donné de lire. Je laisserai de côté l'intrigue en elle même, car elle peut être promptement vidée : Francion, petit noble, continuellement en quête de jouissance, et plus particulièrement d'amour, et qui connaît toutes les aventures liées à une telle recherche. Trame banale ( quoique singulière lorsqu'elle fut publiée ). Ce qui en fait un livre immense, pour moi j'entends, c'est l'utilisation et la maîtrise parfaite qu'a l'auteur ( Charles Sorel ) de l'esthétique baroque. Deleuze, dans son essais sur Leibniz et le Baroque, définit celui-ci comme étant un pli. C'est exactement ce qu'est ce roman. Dans son livre premier par exemple, avec le noble mystifié par Francion qui cherche à rejoindre la femme de ce malheureux, tandis que simultanément, une bande de brigand assaille la demeure de ce noble pour en dérober un trésor. Pli sur pli. Baroque, il l'est aussi dans l'exubérance, avec des digressions à n'en plus finir. C'est ce qui fait qu'il peut déplaire à une sensualité non faite pour savourer ce style bien particulier ( le baroque ), mais au contraire réjouir ses amateurs. Un livre qui n'est donc pas fait pour tous. Mais n'est ce pas le lot de tous les bons livres, qu'ils soient dans un cas non compris, dans un autre non goûtés ?
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Je dois avouer que je n'ai pas du tout accroché à l'histoire. J'ai dû m'y reprendre à deux fois pour finir ce livre qui, au final, m'a plus ennuyée qu'autre chose. le roman picaresque est habituellement quelque chose qui me divertit. Il se doit d'être structuré, d'avoir une trame. Avec Sorel, j'ai eu une impression de fouillis, tout me semble partir dans tous les sens. En dépit du titre, je n'ai rien trouvé de comique. Il revendiquait de se donner un style rabelaisien. Non, franchement non, c'est du Rabelais au rabais. Rien n'est vraiment comique et les scènes grivoises - très nombreuses (trop ?) - desservent, je pense, l'histoire. Si, au moins, elles étaient ponctuées d'humour ! le but de l'auteur, à travers son personnage et ses tribulations fantaisistes, était de faire passer une certaine philosophie. Malheureusement, on ne retient que les fanfaronnades.
Lien : http://livresetmanuscrits.e-..
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Pas terrible, cet ancêtre du "Capitaine Fracasse", foisonnant, baroque et ... mal fichu. Seul intérêt : montrer qu' XVIIème siècle, il n'y avait pas que les "classiques"
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Quel long récit ! Je me suis beaucoup ennuyée à la lecture de ce roman, déjà difficile du fait de la langue utilisée (français du XVIIe siècle) et de la narration plutôt complexe, voire beaucoup trop fouillis à mon goût. Ce roman qui cherche pourtant à faire rire n'a pas réussi à me captiver. On perd très vite le fil de l'histoire.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Vous riez, messieurs, de m'entendre parler de la sorte. Eh quoi ! ne sçauriez vous croire que j’aie été belle ? ne se peut- il pas faire qu’en un lieu de la terre raboteux, plein d’ornières et couvert de boue, il y ait eu autrefois un beau jardin, enrichi de toutes sortes de plantes et émaillé de diverses fleurs ? Ne peut-il pas être aussi que ce visage ridé, couvert d'une peau sèche et d’une couleur morte, ait eu en ma jeunesse un teint délicat et une peinture vive ? lgnorez-vous la puissance des ans, qui ne pardonne à rien ? Oui, oui, je puis dire qu’alors mes yeux étoient l’arsenal d’amour, et que c'étoit là qu'il mettoit l’artillerie dont il foudroie les cœurs. Si j’y eusse pensé alors, j’eusse fait faire mon portrait: il m'eût bien servi à cette heure, pour vous prouver cette vérité ; mais, las! en récompense - il me feroit plus jeter de larmes maintenant que mes amants n’en jetoient pour moi, car je regretterois bien la perte des attraits que j’ai eus. Néanmoins, ce qui me console, c’est que, tant que j’en ai été pourvue, je les ai assez bien employés, Dieu merci. ll n’y a plus personne en France qui vous en puisse parler que moi ; tous ceux de ce temps-là sont allés marquer mon logis en l’autre monde. Celle qui en sçavoit le plus y est allée presque des premières; c’est la dame Perrette, qui me vint accoster à la halle. Elle me donna autant de riches espérances qu’une fille de ma condition en pouvoit avoir, et me pria de venir chez elle tout aussitôt que j’aurois pris mon congé de ma maîtresse. Je ne faillis pas à le demander dès le jour même, sur l'occasion qui se présenta, après avoir été criée pour avoir acheté de la marée puante. Le paquet de mes hardes étant fait, j’allai trouver celle dont les promesses ne me laissoient attendre rien moins qu’un abrégé du paradis. Voyez comme j’étois simple en ce temps-là ; je lui dis: Ma bonne mère, comment est-ce que vous n’avez pas pris la bonne occasion que vous m’avez adressée ? Pourquoi est-ce que vous n’allez point servir ce monsieur, avec qui l'on fait si bonne chère, sans travailler que quand l’on en a envie ? C’est que je t’aime plus que moi- même, dit·elle en se prenant à rire. Ah ! vraiment tu n'en sçais guère : je vois bien que tu as bon besoin de venir à mon école. Ne t’ai-je pas appris qu’il t’aime, et ne vois-tu pas que pour moi je ne suis pas un morceau qui puisse chatouiller son appétit ? ll lui faut un jeune tendron comme toi, qui lui serve aussi bien au lit qu’à la table. Là-dessus, elle chassa de mon esprit la honte et la timidité, et tâcha de me représenter les délices de l’amour. Je prêtai l'oreille. En tout ce qu’elle me dit, je goûtai ses raisons et suivis ses conseils, me figurant qu'elle ne pouvoit faillir, puisque Page et l’expérience l’avoient rendue experte en toutes choses. M. de la Fontaine (ainsi s’appeloit ce galant homme à qui je plaisois) ne manqua pas de venir dès le jour même chez Perrette, d’où il ne bougeoit, tant il avoit hâte qu’elle eût accompli la charge qu’il lui avoit donnée de me débaucher. Quand il me vit, il témoigna une allégresse extrême; et, me trouvant toute résolue à faire ce qu’il voudroit, après avoir bien récompensé sa courratière, il me fit monter en une charrette, qui me porta jusqu’à un gentil logis qu’il avoit aux champs. Tout le temps que je fus là, s’il me traita pendant le jour comme sa servante, il me traita la nuit en récompense comme si j’eusse été sa femme. Alors je sçus ce que c'est que de coucher avec les hommes, et ne me fâchois que de ce que je n’avois pas plus tôt commencé à en goûter ; je m’y étois tellement accoutumée, que je ne m’en pouvois non plus passer que de manger et de boire. Le malheur pour moi fut que M. de la Fontaine devint malade. Il me fut force de souffrir la rigueur du jeûne, encore que je couchasse toujours auprès de lui, parce qu’il disoit qu'il m'aimoit tant, qu’il lui sembloit qu'en me touchant seulement un peu il trouvoit de l'allégement en son mal ; mais tout cela ne me rassasioit pas. Je fus contrainte de me laisser gagner par la poursuite du valet, qui étoit si ambitieux, qu’il désiroit être monté en pareil degré que son maître. Nous ne demeurâmes guère à forger ensemble les liens d’une amitié lubrique, et je reconnus par effet qu’il ne faut point faire état de la braverie et de la qualité, lorsque l’on veut jouir des plaisirs de l‘amour avec quelqu'un ; car celui-ci, avec ses habits de bure, me rendoit aussi satisfaite que son maître avec ses habits de satin. Enfin, M. de la Fontaine revint en convalescence, et paya tout au long les arrérages d’amour. Son serviteur occupoit aussi la place, lorsqu’il lui étoit possible, de façon que mon champ ne demeuroit point en friche, et que, s’il ne produisoit rien, ce n’étoit pas à faute de n’être bien cultivé. Je ne sçais quelle mine vous faîtes, Francion, mais il me semble que vous vous moquez de moi. Êtes-vous étonné de m’entendre parler si librement ? La sotte pudeur est-elle estimée d’un si brave chevalier comme vous ?
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[...] Un désir me venant alors de m’en aller à la terre, je demandai le chemin à l’ermite, et lui aussitôt me fit prendre à deux mains la corde que tenoient les dieux, et je me laissai couler jusques au bas, où je me gardai bien d’entrer dans une grande ouverture où elle passoit ; car, pour éviter ce précipice, je ne sais de quelle façon l’air me soutint, dès que j’eus remué mes bras, comme si c’eussent été des ailes. Je prenois plaisir à voler en cette nouvelle façon, et ne m'arrêtai point jusques à tant que je fus las.



Je me trouvai près de deux petites fosses pleines d’eaux, ou deux jeunes hommes tout nus se plongeoient, en disant. par plusieurs fois qu’ils étoient dans les délices jusques à la gorge. Désirant de jouir d’un bonheur pareil au leur, je me déshabillai promptement, et, voyant une fosse dont l’eau me sembloit encore plus claire que celle des autres, je me voulus baigner aussi ; mais je n’y eus pas sitôt mis le pied, que je chus dans un précipice, car c’étoit une large pièce de verre qui se cassa, et m’écorcha encore toutes les jambes.



Je tombai pourtant en un lieu où je ne me froissai point du tout. La place étoit couverte de jeunes tetons collés ensemble deux à deux, qui étoient comme des ballons sur lesquels je me plus longtemps à me rouler. Enfin, m’étant couché lâchement sur le dos, une belle dame se vint agenouiller auprès de moi, et, me mettant un entonnoir en la bouche, et tenant un vase, me dit qu’elle me vouloit faire boire d’une liqueur délicieuse. J’ouvrois déjà le gosier plus large que celui de ce chantre qui avala une souris en buvant, lorsque, s’étant un peu relevée, elle pissa plus d’une pinte d’urine, mesure de Saint-Denis, qu’elle me fit engorger. Je me relevai promptement pour la punir, et ne lui eus pas sitôt baillé un soufflet que son corps tomba tout par pièces. D’un côté étoit la tête, d’un autre côté les bras, un peu plus loin étoient les cuisses : bref, tout étoit divisé; et ce qui me sembla plus merveilleux, c`est que la plupart de tous ces membres ne laissèrent pas peu après de faire leurs offices. Les jambes se promenaient par la caverne, les bras me venoient frapper, la bouche me faisoit des grimaces, et la langue me chantoit des injures. La peur que j’eus d’être accusé d’avoir fait mourir cette femme me contraignît de chercher une invention pour la faire ressusciter. Je pensai que, si toutes les parties de son corps étoient rejointes ensemble, elle reviendrait en son premier état, puisqu’elle n’avoit pas un membre qui ne fut prêt à faire toutes ses fonctions. Mes mains assemblèrent donc tout, excepté ses bras et sa tête, et, voyant son ventre en un embonpoint aimable, je commençai de prendre la hardiesse de m’y jouer, pour faire la paix avec elle ; mais sa langue s’écria que je n'avois pas pris ses tetons mêmes, et que ceux que j’avois mis à son corps étoient d’autres que j’avois ramassés emmi la caverne. Aussitôt je cherchai les siens, et, les ayant attachés au lieu où ils devoient être, la tête et les bras vinrent incontinent se mettre en leur place, voulant avoir part au plaisir, comme les autres membres. La bouche me baisa et les bras me serrèrent étroitement, jusqu’à ce qu'une douce langueur m’eût fait quitter cet exercice.
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Voici le plus fort de cette besogne achevé, dit-il ; plaise à Dieu que je puisse aussi facilement m’acquitter de celle de mon mariage ; je n’ai plus qu’à faire deux ou trois conjurations à toutes les puissances du monde, et puis tout ce qu’on m’a ordonné sera accompli. Après cela, je verrai si je serai capable de goûter les douceurs dont la plupart des autres hommes jouissent. Ah ! Laurette, dit—il en se retournant vers le château, vraiment tu ne me reprocheras plus, les nuits, que je ne suis propre qu’à dormir et à ronfler. Mon corps ne sera plus dedans le lit auprès de toi comme une souche; désormais il sera si vigoureux, qu'il lassera le tien, et que tu seras contrainte de me dire, en me repoussant doucement, avec tes mains: Ah ! mon cœur, ah ! ma vie, c’est assez pour ce coup. Que je serai aise de t’entendre proférer de si douces paroles, au lieu des rudes que tu me tiens ordinairement ! En faisant ce discours, il entra dans un grand clos plein de toute sorte d’arbres, où il déploya le paquet qu’il avait apporté de son logis. Il y avait une longue soutane noire, qu’il vêtit par-dessus sa robe de chambre ; il y avait aussi un capuchon de campagne, qu’il mit sur sa tête, et il se couvrit tout le visage d’un masque de même étoffe, qui y était attaché. En cet équipage, aussi grotesque que s’il eût eu envie de jouer une farce, il recommença de se servir de son art magique, croyant que, par son moyen, il viendrait à bout de ses desseins.
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Je n'ay point trouvé de remede plus aysé ny plus salutaire à l'ennuy qui m'affligeoit il y a quelque temps que de m'amuser à descrire une histoire qui tienst davantage du folastre que du serieux, de maniere qu'une melancolique cause a produit un facetieux effect.
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Je lui demandai, à cette heure-là, pourquoi les sentimens des hommes sont-ils tous divers, vu que les âmes sont toutes composées de même étoffe ? Sçachez, me répondit-il, que cette matière-ci est faite des excrémens des dieux, qui ne s’accordent pas bien ensemble ; si bien que ce qui sort de leurs corps garde encore des inclinations à la guerre éternelle ; aussi voyez-vous que la liqueur de ce bassin est continuellement agitée, et ne fait que se mousser et s’élever en bouillons, comme si l’on souffloit dedans.
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