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EAN : 9782070372775
320 pages
Flammarion (13/03/1981)
2.66/5   16 notes
Résumé :
Dans le pays des fées, il y avait deux animaux privilégiés : l'un était un chien fée, qui avait obtenu le don qu'il attraperait toutes les bêtes sur lesquelles on le lâcherait ; l'autre était un lièvre fée, qui de son côté avait eu le don de n'être jamais pris par quelque chien qui le poursuivit. Le hasard voulut qu'un jour le chien fée fût lâché sur le lièvre fée. On demanda là-dessus quel serait le don qui prévaudrait : si le chien prendrait le lièvre, ou si le li... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Tout lecteur qui commence à s'intéresser au XVIIe siècle tombe inévitablement très vite sur le nom d'Antoine Furetière. Dans les notes qui explicitent le vocabulaire de l'époque, les définitions de son dictionnaire font autorité : son ouvrage est la référence. Il lui a valu en son temps pas mal de déboires : l'Académie, qui avait le privilège royal pour cette entreprise, a vu d'un très mauvais oeil la publication par un de ses membres d'un dictionnaire « concurrent », même si ses propres travaux peinaient à aboutir. Furetière s'est vu attaqué, accusé de plagiat, mis au banc de l'illustre institution. Il faut dire que le bonhomme ne semblait pas commode, qu'il entretenaient des relations difficiles ou conflictuelles avec beaucoup de gens et qu'il a été un pamphlétaire redoutable. Mais si l'entreprise du dictionnaire est au final son grand ouvrage, il n'a pas écrit que cela : le roman bourgeois est parmi ses autres livres celui qui a le moins mal survécu, et il paraît même connaître un regain d'intérêt depuis quelques années, comme en témoigne une édition en poche.

Le roman bourgeois, composé de deux parties, est publié en 1666. Il n'a pas eu de succès auprès de ses contemporains, ce qui a peut-être dissuadé Furetière de lui donner une suite, comme cela se faisait couramment à l'époque. Les deux parties du livre sont par ailleurs sans grand lien l'une avec l'autre, tout au moins du point de vue narratif.

Le titre indique clairement le projet de l'ouvrage : il s'agit d'évoquer le milieu de la petite et moyenne bourgeoisie parisienne. Les personnages ne sont pas de nobles personnages héroïques, mais de simples bourgeois que l'on croise tout les jours sans y faire attention et que le lectorat principal des livres méprise fortement. Furetière est issu de ce milieu, qu'il connaît donc parfaitement, et il peut en parler en pleine connaissance de cause. Il indique comme projet de son livre :
« Je vous raconterai sincèrement et avec fidélité plusieurs historiettes ou galanteries arrivées entre des personnes qui ne seront ni héros ni héroïnes, qui ne dresseront point d'armées, ni ne renverseront point de royaumes, mais qui seront de ces bonnes gens de médiocre condition, qui vont tout doucement leur grand chemin, dont les uns seront beaux et les autres laids, les uns sages et les autres sots ; et ceux-ci ont bien la mine de composer le plus grand nombre. »

Dans la première partie nous suivons des hommes qui tournent autour de la belle Javotte, fille de Vollichon, procureur de son état. D'abord le jeune et galant Nicodème, qui obtient des fiançailles. Mais une promesse de mariage, qu'il a signé naguère à une certaine Lucrèce resurgit. La jeune femme lui préférait un marquis, mais celui-ci après l'avoir mise enceinte disparaît. Lucrèce du coup n'aurait rien contre épouser Nicodème pour sauver les apparences. Mais un accommodement financier obtenu par son père, qui ignore sa situation, permet à Nicodème de tenter de nouveau sa chance auprès de Javotte. Mais un autre prétendant est maintenant sur les rangs : Bedout, un vieux bourgeois avare à l'ancienne mode. le père de la jeune fille le préfère, car il est plus riche et sa façon de vivre traditionnelle lui convient plus. Au final Javotte mettra tout le monde hors jeu en s'éprenant dans un salon bourgeois d'un certain Pancrace, qui lui fera lire des romans. Les deux amoureux vont s'enfuir, au grand dam des parents.

Dans la deuxième partie, nous suivons Charoselles, entrevu dans le salon de la première partie, homme de lettres sans grand succès, et ses démêlés amoureux avec une certaine Collantine, une plaideuse effrénée. Un troisième larron viendra essayer d'épouser cette dernière : le ridicule Belastre.

Le roman décrit un milieu peu présent dans les textes littéraires de l'époque, celui des bourgeois. Furetière en étant originaire, le roman est qualifié généralement de réaliste, d'autant plus qu'il moque les romans de son temps, dans leurs aspects chimériques et déconnectés de toute véridicité. Je suis un peu réservée quand à cette dénomination, car le livre est surtout satirique, et donc force le trait d'une manière évidente : tous les personnages sont ridicules et antipathiques : les bourgeois d'un certain âge avares, malhonnêtes, intéressés uniquement par l'argent, vivant d'une façon étriquée. Les filles sont sottes, les jeunes gens qui essaient de vivre un peu différemment (à la mode) pas plus futés en réalité. de façon évidente, il ne s'agit pas de véritables personnes, mais de personnages grotesques qui rassemblent en eux le maximum de défauts et vices de leurs congénères. J'ai la sensation qu'il doit en être de même pour certaines pratiques sociales dépeintes d'une façon outrée, même si cela part de comportements et usages réels. Furetière met en évidence deux aspects de la bourgeoisie de l'époque : l'importance de l'argent, et du droit. L'argent est la seule valeur qui semble avoir cours dans ce milieu. Il faut dire que c'est l'acquisition de richesses qui permet progressivement à la bourgeoisie montante de concurrencer la vieille noblesse  et lui permettra à un moment de prendre sa place. de même les études de droit sont une façon de faire carrière, d'acheter une charge et de monter dans la hiérarchie sociale. le roman de Furetière est donc fidèle : lui-même a été procureur fiscal, charge qu'il a dû abandonner dans des circonstances peu claires.

Le roman de Furetière a donné lieu à de très nombreuses analyses et études, qui s'intéressent à sa construction si particulière et aux procédés narratifs qu'il utilise. L'auteur s'adresse en effet beaucoup à son lecteur, raille un certain type de romans de son époque de façon répétée, en indiquant qu'il se refusera à utiliser les mêmes ficelles, quitte à frustrer ceux qui le lisent. Il règle aussi un certain nombre de compte, tout particulièrement avec Charles Sorel ( Charoselles) et moque longuement Mlle de Scudéry, entre autres, et pour ce faire insère dans son texte des récits secondaires, dont on se demande par moments ce qu'il ont à faire là. La trame du roman, en deux parties distinctes, avec de nombreuses parenthèses (un catalogue de livres d'un auteur mort etc..) les nombreuses interventions de l'auteur, lui font régulièrement attribuer la dénomination de l'anti-roman. Furetière serait ainsi un précurseur, de Diderot et de toute une partie du roman du XXe siècle. Il aurait eu le projet de mettre en cause le roman en tant que tel, récit avec un début, et une fin qui arrive après toute une série de péripéties quelques peu conventionnelles et attendues par le lecteur. C'est cette lecture de l'oeuvre de Furetière qui intéresse aujourd'hui et qui lui permet un regain d'intérêt.

Je n'aurais pas la prétention de me prononcer sur la question mais j'ai malheureusement plutôt tendance à partager l'opinion des contemporains de Furetière qui ont semble-t-il, trouvé son livre ennuyeux. J'ai trouvé son trait lourd, cela ne m'a pas vraiment fait rire ; la deuxième partie avec ses descriptions minutieuses d'affaires de justice et de la stupidité des personnages m'a presque fait décrocher (j'ai même sauté quelques passages, ce qui m'arrive très rarement). Les intentions d'un auteur, quelle que soit leur ambition et originalité, ne le dispensent pas à mon sens de l'effort (ou du talent) d'une réalisation un peu séduisante pour le lecteur.
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La lecture de "Le roman bourgeois" de Furetière a radicalement changé la maigre perception que j'avais du genre romanesque du XVIIe siècle. Loin de moi l'idée qu'un auteur puisse déjà s'amuser des codes d'un genre à la manière d'un Diderot dans "Jacques le Fataliste" ou des premières oeuvres d'un Le Clézio. Pourtant, c'est bien ce que fait avec beaucoup d'adresse et de talent Antoine Furetière.
Se moquant des tendances du public de son époque à vouloir s'identifier aux personnages des romans pastoraux tels ceux de "L'Astrée" d'Honoré d'Urfé, Furetière s'applique constamment à soulever le voile des illusions de ces fictions en tournant en ridicule leur style souvent grandiloquent et emporté. Plutôt que de narrer l'histoire « exemplaire » de héros nobles et vertueux, il dresse le portrait de vils bourgeois parisiens, cyniques, idiots et grotesques. Souvent issus du milieu de la justice (procureurs, avocats ou juges), ces personnages m'ont rappelé ceux, plus célèbres, des comédies de caractère de Molière. Comme chez le grand dramaturge, Furetière touche à l'universel par la fausse banalité des scènes décrites. Et c'est le grand paradoxe de cette oeuvre : décriant les leurres de la fiction, elle rapproche le lecteur des personnages, comme le ridicule Charroselles ou l'insupportable Collantine qui, comme tout un chacun, ne cherchent dans la rencontre qu'un moyen de parler de soi et par la même occasion de s'écouter parler. N'est-ce donc pas ce que je fais moi-même dans Babelio ?
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Aussi bien je sçais que quelque soin qu'on prenne à s'adjuster, particulierement pour les gens de la ville, on y trouvera toujours à redire : car comme la mode change tous les jours, et que ces jours ne sont pas des festes marquées dans le calendrier, il faudroit avoir des avis et des espions à la Cour, qui vous advertissent à tous moments des changements qui s'y font ; autrement on est en danger de passer pour bourgeois ou pour provincial.
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L’amour n’est pas opiniâtre dans une tête bourgeoise comme il l’est dans un cœur héroïque ; l’attachement et la rupture se font communément et avec une grande facilité ; l’intérêt et le dessein de se marier est ce qui règle leur passion.
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[L]e mariage fut proposé et conclu ; mais, hélas ! qu'il y eut auparavant de contestations ! Jamais traité de paix entre princes ennemis n'a eu des articles plus débattus ; jamais alliance de couronnes n'a été plus scrupuleusement examinée. Collantine voulut excepter nommément de la communauté de biens, qu'on a coutume de stipuler dans un tel contrat, qu'elle solliciterait ses procès à part ; qu'à cette fin son mari lui donnerait une générale autorisation, et qu'elle se réservait ses exécutoires de dépens, dommages et intérêts liquidés et à liquider, et autres émoluments de procès, qu'elle pourrait faire valoir comme un pécule particulier. (...) Mais ce qu'il y eut de plaisant, c'est que les autres personnes, quand elles font des contrats, tâchent d'y mettre des termes clairs et intelligibles, et toutes les clauses qu'elles peuvent s'imaginer pour s'exempter de procès ; mais Collantine, tout au contraire, tâchait de faire remplir le sien de termes obscurs et équivoques, même d'y mettre des clauses contradictoires, pour avoir l'occasion, et ensuite le plaisir, de plaider tout son saoul.
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Que si vous êtes si désireux de voir comme on découvre sa passion, je vous en indiqueray plusieurs moyens qui sont dans l'Amadis, dans l'Astrée, dans Cirus et dans tous les autres romans, que je n'ay pas le loisir ni le dessein de coppier ny de derober, comme ont fait la plupart des auteurs, qui se sont servis des inventions de ceux qui avoient écrit auparavant d'eux. Je ne veux pas mesme prendre la peine de vous en citer les endroits et la pages ; mais vous ne pouvez manquer d'en trouver à l'ouverture de ces livres.
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Il était fort en peine de savoir avec quoi on (...) faisait [des vers], et après avoir feuilleté quelques livres, le hasard le fit tomber sur un certain endroit où un poète s'étonnait de ce qu'il faisait si bien des vers, vu qu'il n'avait pas bu de l'Hippocrène. Il crut, par la ressemblance du nom, que c'était une espèce d'hypocras, et il demanda à un juré apothicaire qui eut à faire à lui environ ce même temps qu'il lui donnât quelques bouteilles d'hypocras à faire des vers. Il n'en eut qu'une risée pour réponse (...). Une autre fois, ayant lu que pour faire de bons vers il fallait se mettre en fureur, s'arracher les cheveux et ronger ses ongles, il pratiqua cela fort exactement. Il mordit ses ongles jusqu'au sang, il se rendit la tête presque chauve, et il se mit si fort en colère (il ne connaissait point d'autre fureur) que son pauvre clerc et son laquais en pâtirent, et portèrent longtemps sur les épaules des marques de sa verve poétique.
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Video de Antoine Furetière (1) Voir plusAjouter une vidéo

Alain Rey : Antoine Furetière
A la Cité Internationale Universitaire de Paris, Olivier BARROT reçoit Alain REY pour sa biographie d'"Antoine Furetière", un précurseur des Lumières et un esprit rebelle.
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