AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,48

sur 43 notes
5
5 avis
4
5 avis
3
4 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En 2016, Jerry Stahl, plus dépressif que jamais, le moral, le couple et la carrière dans les chaussettes, décide de se confronter à pire. Il devient passager d'un bus qui le conduit pendant deux semaines dans les camps de concentration polonais et allemands en compagnie d'un groupe hétéroclite de touristes, des homosexuels sexagénaires, un conducteur de bulldozer australien, un couple de Texans dynamiques … aux motivations très variées (dont un fameux « j'ai vu La liste de Schindler »).
Nein Nein Nein! - sous-titre: "La dépression, les tourments de l'âme et la Shoah en autocar" - est donc le récit gonzo de cette expérience de Dark Tourism, par un Stahl bientôt sexagénaire, seul, et désespéré, qui traine non seulement ses casseroles existentielles, mais le passé de sa famille ashkénaze dont une partie n'a pas survécu à la guerre, et dont le propre père a fini par arriver seul à l'âge de neuf ans aux Etats-Unis en évitant miraculeusement pogroms en Lituanie et déportation.

L'échec de la transmission de l'Histoire que le romancier israélien Yishai Sarid avait évoqué dans l'excellent le Monstre de la mémoire, Stahl l'évoque aussi à sa manière, avec beaucoup de recul et d'humour bien noir. Atterré par la « disneylisation » des sites - « De mes précédentes virées, j'ai déjà rapporté un magnet des camps de la mort, ainsi qu'une poignée de cartes postales d'Auschwitz - qui n'a pas envie de voir Arbeit Macht Frei épinglé sur son frigo?- mal à l'aise à l'idée de se rendre dans les sanitaires du camp (« Les toilettes à l'extérieur du musée d'Auschwitz sont payantes (1 zloty); celles dans l'enceinte du musée (Bloc 18 et derrière la chambre à gaz) sont gratuites. » dixit Tripadvisor), Stahl, qui semblait vouloir trouver un lieu au contact duquel sa dépression serait tout à fait appropriée, un peu comme un cancéreux qui entreprendrait un court séjour à Tchernobyl, découvre l'Humanité dans toute sa splendeur. Ancien toxicomane au passé agité, il semblait pourtant avoir tout vécu.

L'image d'une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des Juifs et aussi de l'Humanité , ravivée par l'une des obsessions de Stahl, le mandat de Trump et son cortège d'horreur, dont la stérilisation de femmes migrantes, alliée à son sentiment de culpabilité -« mon pauvre père a t-il esquivé des pogroms, transité par Ellis Island, lutté pour gravir les échelons, tout ça pour que son fils, une fois son diplôme en poche, se retrouve à écrire de faux courriers de cul pour le forum Penthouse? » - parcourt le texte, qui n‘est pourtant ni un pamphlet, ni un réquisitoire.

Nullement inapproprié, le récit de ce voyage dans lequel on retrouve l'acidité d'un Marc Behm dans La Reine de la Nuit, est du Stahl pur jus, un Stahl cultivé et caustique dont les blagues et les interventions tombent souvent à plat, un Stahl assez tolérant et stoïque quand on songe à tout ce qu'il voit et qu'il entend, un Stahl fidèle à lui-même, qui consulte alt, le site des fantasmes BDSM pour savoir si les déviances sexuelles de ses membres vivant près des camps sont particulières.

Corrosif et désespéré.
Commenter  J’apprécie          6623
Quel est le point commun entre Alf (mais si, l'extra-terrestre baffreur de chats!), Trump et les camps de la mort ? C'est Jerry Stahl bien sûr ! Ecrivain et scénariste pour la télé, dépressif, ex-héroïnomane et juif, il manie l'humour noir- pétrole dans un des récits les plus décapants et forts qu'il m'ait été donné de lire.
Son aventure commence par un message d'alerte au mot-clé « Holocauste » sur Google, qui entraîne Jerry Stahl à contacter un tour operator spécialisé dans les circuits de la 2de Guerre Mondiale. La brochure annonce : « vous visiterez certains des camps de concentration […] vous découvrirez les plus infâmes : Auschwitz et Birkenau où vous verrez des souvenirs glaçants de l'Holocauste. » Ni une ni deux, Stahl s'embarque dans ce périple de 2 semaines, « pour voir de l'intérieur le fief des authentiques nazis du cru. » et traverse l'Allemagne et la Pologne dans un car de tourisme.
Ce qui commence par une blague de mauvais goût se poursuit pourtant comme une réflexion essentielle et profonde sur les lieux de mémoire, et « l'humanité sous son pire jour ». Stahl raconte son périple, les habitants qu'il rencontre, ses compagnons de voyage et les autres touristes avec un humour à vous faire grincer des dents mais ses réflexions s'appuient également sur une documentation conséquente pour aboutir à un constat d'indignité : « Avant mon séjour, j'avais passé des mois à éplucher des ouvrages et des témoignages, à m'immerger dans la Shoah […] Tout ça pour attester, dès mon arrivée, non pas la mascarade que constituent ces camps, mais ma propre et déconcertante incapacité à le comprendre en profondeur. Pour quelles raisons nos pensées ne peuvent être aussi nobles que nos intentions ? »
Stahl nous abreuve ainsi d'anecdotes historiques passionnantes et dit son malaise aussi. Par exemple, il est interpellé par le snack-bar à la sortie du camp d'Auschwitz : « La déconnexion totale entre dureté du passé et décontraction du présent truffé de sacs banane, malbouffe et cartes postales achetées au magasin de souvenirs est si flagrante qu'elle se passe de commentaires. » et par l'incongruité de certaines remarques qu'il entend. Mais sa conclusion est sans appel : « Rien, en définitive, ne saurait diminuer la cuisante gravité émanant des lieux arpentés par les martyrs, nos ancêtres. » et de nous mettre en garde « la Shoah n'était guère une exception. L'exception, ce sont les laps de temps entre chaque holocauste. Alors un conseil : savourez-les, ces moments. »

Un texte décapant et intelligent, à découvrir absolument !
Commenter  J’apprécie          90
THE PLACE TO BE

Dans le film de SF le jour où la Terre s'arrêta, un extraterrestre, Klaatu, se pose sur le sol de notre planète et s'interroge si oui ou non il faut sauver notre espèce. de nos jours, je ne crois qu'il fera le déplacement en contemplant les gens, au bout de leur perche à selfie, se portraiturant numériquement devant une chambre à gaz.

J'ai officié au Folio des libraires et l'un des excellents bouquins que j'y ai lu est le Serge de Yasmina Reza. le corps de ce livre, son coeur nucléaire, est le périple qu'effectue Serge et sa famille à Auschwitz. La noria d'autocars déversant les touristes à Bob dans ce qui devrait être le temple de la décence.

Lecture malaisante, grinçante mais qui n'est rien, rien, face à la furia comique, tragique et profonde du récit de Jerry Stahl. Stahl qui aux prises avec ses démons, dépressif absolu, accepte la rédaction d'un article sur les voyages organisés dans les camps de la mort, un Shoah tour.

Juif cynique et angoissé, Stahl est un Charon existentiel, hilarant et acerbe. IL nous interroge. il est facile de condamner celles et ceux qui vont arpenter les étendues d'herbe rare d'Auschwitz et Treblinka, certains ont une démarche sincère, sans doute, mais je peine à comprendre... Il faut dire que je ne saisis pas qu'on photographie son petit-déj alors un selfie à Auschwitz !

Lire Stahl nous rappelle notre humaine condition, peu reluisante, éloignée des plus hautes considérations. Il nous immerge dans une odyssée tragiquement comique, terrible reflet de notre époque. La seule chance qui nous reste est que Klaatu lise Jerry Stahl.
Lien : https://micmacbibliotheque.b..
Commenter  J’apprécie          50
Quelque temps avant l'épidémie de Covid 19, Jerry Stahl – écrivain (9 romans et récits, dont ses mémoires adaptées au cinéma par David Veloz en 1998, sous le titre Permanent Midnight) et scénariste pour la télévision et le cinéma (Alf, Twin Peaks, Bad Boys 2…) –, confronté à son troisième divorce et en pleine dépression, décide de partir en Europe de l'Est pour visiter les camps de concentration et d'extermination, dans le cadre d'un tour opérateur. Objectif de la démarche : étouffer son mal être sous le poids tragique de l'histoire. Réalité du projet : deux semaines à côtoyer la mort entouré de touristes fantasques, décérébrés ou angoissés, parfois les trois en même temps, dont l'auteur ne s'exclut jamais, voire au sein desquels il trouve parfaitement sa place. À l'origine, carnet de bord réalisé pour Vice, le récit de ce voyage a peu à peu muté pour devenir Nein, Nein, Nein !, publié en France par Rivages et traduit par Morgane Saysana.

Plongé dans l'horreur nazie, Jerry Stahl, l'un des rares Juifs parmi les touristes, s'interroge sur comment rendre hommage aux victimes et respecter les morts, sans nier la réalité de ses émotions propres. L'auteur analyse ce qu'il devrait ressentir vs ce qu'il ressent, le tout empli d'humour et de culpabilité juifs. « C'est mon métier, explique-t-il. […] Cultiver l'aspect "foufou" des choses, le côté fun de la vie, en dépit des circonstances. Souriez si vous avez envie de chanter en choeur quand votre coeur s'émiette, et maintenez ce rire le plus longtemps possible. » Mais comment réagir quand les circonstances en question sont celles de la Shoah ?

Impossible alors pour Jerry Stahl de parler des camps de la mort après tout ce qui a été dit et écrit dessus sans opter pour l'approche la plus personnelle possible, même si celle-ci doit s'accompagner de ses blagues ratées, d'anecdotes déplacées, le tout parasité par son mal être intime. Tout ce que produit l'auteur – une vanne, une pensée, un geste courageux – débouche sur un regret, une honte, voire une pulsion suicidaire.

Jerry Stahl s'en veut d'avoir envie de pisser à Auschwitz, d'avoir peur de prendre un coup de soleil. Il méprise l'ignorance et la bêtise des autres touristes, ceux qui s'exclament tout haut que les fours où l'on brûlait les corps ressemblent à des fours à pizza, tout en étant lui-même traversé par des pensées idiotes. Tout cela risquant de le mener à « Un burn out à base de camp de concentration ».

Le texte mélange passages historiques, journalisme gonzo et autobiographie. Ancien addict à la drogue, Jerry Stahl écrit comme s'il était sous acide. Il digresse, expose des réactions de personnages dénuées de sens, à la lisière de l'absurde. Il se répète, ne respecte pas sa propre chronologie, opte pour le foisonnement – « Coupez-moi si j'en ai déjà parlé », nous dit-il parfois. Mais ce bordel textuel disparaît soudainement quand il se cogne à l'Holocauste, comme si cette indépassable abomination était la seule chose au monde à même de canaliser la folie de l'auteur, à le ramener sur terre, vide tout humour, obligé de raconter avec précision et sérieux les atrocités de l'histoire.

Hilarant, déconcertant, gênant – le chapitre « Gueuleton post-traumatisme » sur le snack qui ravitaille les touristes qui visitent Auschwitz via une carte dénuée de plats kasher, et où le cochon est à l'honneur, est édifiant – Nein, Nein, Nein ! montre en filigrane comment on peut être choqué par l'humour juif sur la Shoah, alors que dans le même temps, on tolère son exploitation commerciale (tourisme, magasins souvenirs...) Mais le texte n'est pas vindicatif pour autant. Au contraire, Jerry Stahl ne juge pas. À l'heure de la recrudescence du néonazisme en Allemagne et ailleurs, il s'interroge sur comment guérir collectivement de ce traumatisme, et comment celui-ci peut nous amener à plus d'empathie pour l'ensemble des martyrs du monde. Bref, un immense chaos sombre dont finit par jaillir la lumière.



Lien : https://www.playlistsociety...
Commenter  J’apprécie          50
Nein nein nein! la dépression, les tourments de l'âme et la Shoah en autocar de Jerry Stahl ( oui je sais le titre est super long)
Bon on va pas se mentir j'adore cet auteur depuis des lustres.Alors quand il sort un truc je me jette dessus sans hésitation car ce qu'il écrit est toujours drôle, cynique, complètement barré et jubilatoire.
Pour ce coup ici pas de Polar mais une immersion de l'auteur dans les méandres de son cerveau. Premier constat il est pas tout seul là dedans mais quel panard.
L'auteur nous raconte son voyage organisé en Europe sur la route des camps de concentration dont il a une sorte de fascination morbide depuis sa plus tendre enfance ! Bon ça situe déjà le personnage, en plus de ça le monsieur est un ancien heroïnoman, cocainoman et tout autres substances en man, il est en pleine dépression suite a une rupture amoureuse de plus dans son parcours sentimental . Niveau boulot il est sur un scénario pour Hollywood de cette relation amoureuse mais en rigolos et pour finir il fait aussi ce voyage pour comprendre ce qu'on subit là bas ces ancêtres. Brefs il est pas au mieux le monsieur mentalement et pas sûr qu'un voyage au pays de la Shoah lui redonne la patate où peut être que si en fait ?
En tout cas moi il m'a mis en joie après la lecture de ce roman.
Son écriture trempée dans l'arsenic est flamboyante, alors oui ça peut être déstabilisant pour un novice, il part dans tous les sens utilise la digression mais il arrive toujours à récupérer son lecteur et au final on prend un vrai plaisir. En gros si je devais écrire des bouquins j'aimerais bien raconter les histoires comme lui.
Il parle de ses démons, il parle d'histoire et de cette période pas très glorieuse , il parle de la société actuelle et des gens qui l'a compose et pour le coup c'est gratiné car il y a un bon panel dans l'autocar avec lui. On rit, on grince des dents et l'auteur lui même ne s'épargne rien sur ses pensées borderline.
Grand bouquin d'un grand auteur américain qui se fait trop rare. Partez en voyage avec Jerry vous ne le regretterez pas.
Commenter  J’apprécie          40


Lecteurs (164) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20262 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}