Je voulais connaitre l'histoire de cette icône fictive qu'est
Tom Joad à qui
Woody Guthrie consacre une jolie ballade et
Bruce Springsteen un album entier ...
C'est chose faite, et j'avoue que je n'arrive pas à me décider sur mon ressenti tellement je suis restée mitigée et frustrée après lecture.
On est en pleine grande dépression dans un coin pauvre de l'Oklahoma soumis aux Dust Bowl (tempêtes de poussière des années 30 dans les campagnes américaines) et dont les terres sont peu fertiles. Les Joad (dont Tom, devenu symbole de lutte sociale), famille de métayers ruinés par la sécheresse et chassés de leurs terres par les propriétaires agricoles, vont en Californie chercher de quoi vivre. Sauf que tous les paysans ruinés par la crise de 29, devenus chômeurs affamés et sans abri, suivent aussi la route de l'Ouest, où abondent les récoltes et fleurit le travail.
Mais la terre promise n'offre aux Joad que misère et déception. Les propriétaires agricoles de l'Ouest profitent de la misère des migrants à la recherche d'un gagne-pain. Ils baissent les salaires à mesure que des familles de crève-la-faim affluent des 4 coins du pays.
Les migrants se multiplient, les salaires chutent, la pauvreté s'intensifie et la famine avec, la colère contre le système fermente et la rage monte, monte, monte ... puis ... RIEN. Livre fini. Tout le cheminement de l'histoire contribue à alimenter le feu de la révolte mais au final ... rien ! La colère n'a rien produit.
Les Raisins de la colère, il n'y en a guerre.
On vit avec les Joad tous les malheurs d'une génération en crise et on attend impatiemment un renversement, une grève, des représailles, quelque chose ! On se surprend à espérer quand on décèle l'ombre d'une vengeance en éclosion chez le pasteur Jim Casy (leader d'opinion le temps d'une soirée, ce fut très bref !) puis chez
Tom Joad, pendant ses heures d'isolement après la mort de Jim Casy. Mais en vain. Rien ne se passe.
Ceci reflète mon ressenti à chaud, juste après lecture, un sentiment de frustration quant à un dénouement absent. Mais avec un peu de recul, le livre glisse de plus en plus dans ma perception vers une sorte de témoignage du laissé-pour-compte, une dénonciation sociale, une prise de position politique. Ce n'est pas un roman au sens moderne du terme, sens qui inclut presque toujours le schéma classique : intrigue + résolution de l'intrigue.
Il faut donc le lire avec les bonnes dispositions d'esprit, ce qui n'était pas mon cas, celles qui tiennent moins compte des personnages (car tous ces migrants sont potentiellement des Joad) que des intentions de l'auteur, à savoir dénoncer et pointer du doigt (est-ce cela qui lui a valu le prix Pulitzer ?).
Ceci dit,
Les Raisins de la colère sont à mon sens dans la lignée de
Des souris et des hommes et dans une moindre mesure, de
la Perle : on y retrouve les paysages chauds californiens à l'époque de la grande dépression et les malheurs de la classe ouvrière, dont
J. Steinbeck est manifestement très proche.
Bref, si vous lisez du Steinbeck pour la première fois, ne commencez pas par celui-là !