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3,58

sur 801 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Au chapitre des lectures de vacances, j'y vais moi aussi de ma petite contribution. On sait tous que le choix d'un lieu de vacance n'est jamais complètement dû aux seules boucles du hasard. Ceci est particulièrement vrai pour nous autres lecteurs acharnés qui glanons ici ou là, au gré de nos découvertes littéraires, des idées ou des envies particulières.

N'échappant évidemment pas, une fois encore, à cette règle, c'est l'envie de découvrir un livre qui m'a poussée à lire une contrée (ou l'inverse). Sans grande surprise, vous aurez compris de quel livre et de quelle région je veux parler puisque le titre est suffisamment évocateur.

Nous voici donc en chemin sur les sentiers cévenols au début de l'arrière-saison (fin septembre — début octobre) de l'année 1878. Robert Louis Stevenson est alors un jeune homme écossais de bientôt vingt-huit ans qui n'a encore écrit aucun des grands succès que nous lui connaissons aujourd'hui.

Il n'a entrepris jusqu'à présent que des voyages ou des séjours paisibles, en Angleterre, en Allemagne ou dans le nord de la France. Voici donc sa première véritable aventure en territoire sauvage, celle qui en appellera beaucoup d'autres par la suite, en Amérique ou dans la zone pacifique notamment.

On y côtoie un jeune Stevenson, inexpérimenté en matière de baroudage, ayant soif d'aventure et de découverte, assez attachant dans sa façon de voir le monde, mais aussi, avons-le parfois un peu présomptueux et imbu de lui-même, notamment dans sa manière de juger à l'emporte-pièce les naturels du pays.

À la vérité, c'est encore loin d'être une expédition au Klondike, seulement un voyage très bref — pas plus de treize jours — allant en gros du Puy-en-Velay à Alès en passant par Florac, bien qu'au sens strict, le voyage mentionné dans le titre débute au Monastier-sur-Gazeille et se termine à Saint-Jean-du-Gard.

Ce qui fait la renommée de ce voyage, outre la célébrité acquise ensuite par son auteur, outre qu'il ait été minutieusement relaté par écrit dans un récit de voyage, c'est bien évidemment qu'il ait été entrepris à pied et en solitaire, avec pour seul compagnon un âne — en l'espèce une ânesse baptisée par l'auteur lui-même, Modestine.

Dans toute la première partie du récit, les efforts déployés et les mésaventures cocasses tournant autour de Modestine constituent le sel de la narration. On y voit dans ce premier tiers de voyage un Stevenson malhabile avec l'animal, volontiers colérique et même parfois violent, qui passe son temps à médire tant de l'âne que de la population locale, que du mauvais temps ou de la traîtresse obscurité nocturne.

Il faut attendre les Cévennes véritables, et notamment le petit village du Bleymard, pour sentir un changement positif d'attitude. Une complicité s'installe peu à peu entre l'homme et l'animal. Les paysages commencent à trouver grâce à ses yeux, même jusqu'à l'émerveillement. Autour du Pont de Montvert et de Florac, l'auteur semble tombé sous le charme de la région et, vous l'imaginez, amoureux de sa compagne quadrupède.

Ce récit de voyage se caractérise aussi par de fréquentes (trop fréquentes à mon goût) digressions où l'auteur recrache sa science sur les guerres de religion qui ensanglantèrent les Cévennes à l'époque des Camisards autour de l'année 1703.

À force de nous parler de l'absurdité de ces conflits entre Catholiques et Protestants, à force de nous seriner que ses origines protestantes le rapprochent plus des Protestants d'ici que des Catholiques, on finit par s'ennuyer un petit peu sur ces considérations, bâties auprès d'une maigre poignée d'individus, fréquentés pendant quelques minutes ou quelques heures (au mieux) et qui seraient censés représenter un échantillonnage valable de la teneur réelle de ces populations. — Bref, des considérations religieuses de l'auteur qui m'ont un peu barbée.

En revanche, ce qui est à mettre au crédit de ce diable d'Écossais, c'est son talent de conteur déjà grand à l'époque. Sa plume est alerte, parfois drôle ou caustique et, dans des moment grâce, capable d'une évanescente randonnée lyrique.

J'en terminerai donc en concluant qu'il ne s'agit peut-être pas du meilleur de Robert Louis Stevenson mais assurément d'un premier pas vers la grandeur.

Si par hasard, comme moi, vous vous aventurez sur les traces locales laissées par l'auteur et ce récit, vous vous apercevrez qu'il existe depuis vingt ans une association qui fait la promotion de ce voyage pédestre et que tout au long du parcours emprunté par Stevenson, on voit fleurir sur les bars, boutiques ou restaurants un petit panonceau à son effigie.

On vent aussi des guides, des cartes détaillées ou des cartes postales présentant le parcours, une manière de mini chemin de Saint Jacques de Compostelle cévenol pour randonneurs amis des lettres.

J'ai eu l'occasion de constater durant mon séjour que parmi tous ces commerçants qui collent sur leur vitrine le portrait de Stevenson, bien peu ont effectivement lu le livre, quoique l'ouvrage soit de taille modest(in)e. (Je dis " bien peu " car je n'ai pas poussé le vice jusqu'à sonder exhaustivement chaque tenancier d'échoppe, mais sur tous ceux que j'ai interrogés, aucun n'a encore lu le livre...)

En somme, une impression de lecture bonne mais pas exceptionnelle que je suis très contente d'avoir entreprise sur le théâtre même des événements car cela a constitué pour moi un plus, tant pour le voyage que la lecture. Toutefois, gardez à l'esprit qu'il s'agit là d'un petit âne d'avis, grêle et têtu comme la sus-nommée Modestine, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Dans ce récit, l'auteur nous emmène sur les sentiers, traversant les Cévennes en compagnie de sons ânesse, Modestine. Il s'agit de notes qu'il a prises consciencieusement chaque jour tout au long de son périple.

Après les préparatifs du départ, les bagages qui s'amoncèlent, il faut bien trouver un porteur et après avoir hésité entre les avantages et les inconvénients du cheval, de l'âne, il opte pour Modestine, une ânesse avec laquelle le courant ne passe guère ; après avoir chargé le bât, il faut apprendre comment la faire avancer !

« Je vous prie de le croire, le gourdin ne demeurait point inactif. J'estime que chaque pas convenable que faisait Modestine doit m'avoir coûté au moins deux coups bien appliqués. On n'entendait d'autre bruit dans les alentours que celui de ma bastonnade infatigable. »

J'ai bien aimé toute cette partie (le premier tiers du livre), où Robert Louis Stevenson nous raconte ses démêlés avec Modestine, sa manière de l'apprivoiser, si l'on peut dire, passant du gourdin à l'aiguillon ; cependant on sent peut de complicité entre lui et l'animal. C'est une association en quelque sorte !

« Elle était assez gentille à voir, mais aussi avait-elle donné preuve d'une foncière stupidité, rachetée, à dire vrai, par sa patience, mais aggravée par des accès de légèreté sentimentale déplacés et navrants. »

J'ai eu du plaisir à traverser les Cévennes, avec lui, sous la pluie, dans les sous-bois, à la rencontre de certains lieux : le Cheylard, le Gévaudan et sa fameuse bête, la Lozère, le Tarn…

Par contre, j'ai moins apprécié ses considérations sur les religions, ses jugements parfois à l'emporte-pièces, comme s'il se considérait comme un être à part, lui l'Écossais en terre de France.

Cependant, on le voit changer peu à peu au fil des rencontres, apprécié la beauté des paysages, la nature, le silence.

C'est le premier écrit de Robert Louis Stevenson avec un style particulier qui m'a plu et qui laisse entrevoir son oeuvre future. Bien-sûr, j'ai pensé au livre de Sylvain Tesson: « Sur les chemins noirs » que je lisais en même temps et que j'ai préféré…

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Ce voyage-là est un modèle d'excentricité britannique, dont nous les Français aimons bien nous moquer. Il s'agit en l'occurrence d'un Ecossais, sans kilt ni cornemuse, qui se choisit comme compagne une ânesse pour partir bivouaquer dans les sombres forêts de châtaigners et arpenter les causses désolés autour de Langogne et du Monastier, autant dire le bout du monde.
Notre touriste cherche la solitude, la nature, la lenteur, l'odeur de la terre et le bruit des ruisseaux. Il marche au pifomètre, s'égare, se fourvoie, croise des indigènes étranges, et dort comme les bergers, à la belle étoile. Il ne se préoccupe ni du pittoresque, ni de sociologie ou de géographie. Il connait le folklore local: la bête du Gévaudan, la mémoire des Camisards, quelques légendes. Mais au fond il s'en fiche, il est venu là pour presque rien, juste pour se sentir accordé à la marche du soleil, de la Terre et des étoiles, pour avoir mal aux reins, sentir la faim ou la soif, la fatigue, l'inquiétude de la nuit, du chemin trop long, des amis trop loin.
Si Robert Louis nous amuse au début en narrant ses déboires de novice dans l'art de bâter et de diriger un âne, le ton devient plus pensif, presque méditatif au fil du voyage. Bien des marcheurs ont suivi ses traces depuis, et il pourrait revendiquer le titre d'ancêtre des routards modernes.
Le récit de voyage reste un succès de librairie, que l'écrivain revienne de Sibérie ou de Patagonie, il a de bonnes chances d'assurer ses ventes. Certains en ont fait leur fonds de commerce.
Rien à voir avec ce qui pousse les vrais poètes de la route, chemineaux, trimardeurs et vagabonds poursuivant les étoiles filantes, tels des Clochards Célestes.
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En septembre 1878, le jeune R. L. Stevenson entreprend de traverser à pieds les Cévennes, seul avec son âne. Pendant douze jours, sur les chemins des bergers, il note les lignes sensuelles et pittoresques de la nature qu'il prend pour refuge.

Invitation au voyage, ode à la liberté, ce livre sert d'éclatant prélude à la poésie d'un des plus grands romanciers en devenir.

Dans ce récit, remis au gout du jour grâce au film Antoinette dans les cevennes qui a connu un vrai succès l'an passé, l'auteur nous emmène sur les sentiers, traversant les Cévennes en compagnie de sons ânesse, Modestine. Il s'agit de notes qu'il a prises consciencieusement chaque jour tout au long de son périple.

Robert Louis Stevenson nous raconte ses démêlés avec Modestine, sa manière de l'apprivoiser, passant du gourdin à l'aiguillon

On prend énormément de plaisir à traverser les Cévennes, avec lui, sous la pluie, dans les sous-bois, à la rencontre de certains lieux : le Cheylard, le Gévaudan et sa fameuse bête, la Lozère, le Tarn…, tous ces formidables lieux traversés par l'écrivain à son époque!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un must read pour les amoureux des wild trip et du slow travel. Trop d'anglicismes en une seule phrase, désolée, mais c'était pour rendre hommage à la langue natale de l'auteur bien sûr !

Sinon, il s'agit d'un agréable carnet de voyage, tout en sincérité, sans mise en scène, dans des décors montagnards de toute beauté, et grâce auquel on en apprend plus sur la guerre des Cévennes, un soulèvement de paysans protestants début 1700.



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Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson a été écrit en 1879 , quelques années plus tard , l'auteur publiera son célèbre roman L'île aux trésors .
Stevenson entreprend un voyage dans les Cévennes et surprend tout le monde par sa destination atypique , nous sommes bien loin de notre société actuelle de voyages , de périples divers . Les habitants se demandent qui est cet étrange écossais et quel est le but de son voyage . le démet est annoncé , les préparatifs de voyage s'enchaînent , puis c'est la rencontre avec Modestine , l'âne qui va l'accompagner sur ce chemin difficile , sa découverte des villages qu'il rencontre , de ses habitants , les merveilleux paysages qui se méritent .
Les éditions De Borée ont eu une idée lumineuse , reprendre le texte intégral de Stevenson en y adjoignant dès les splendides photographies de Nils Warolin qui refait le chemin de Stevenson pour notre plus grand plaisir .
Un grand merci à Babelio pour ce Masse critique qui m'a enchanté .
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Ce récit de Stevenson me faisait de l'oeil depuis fort longtemps , il aura fallu une masse critique graphique et ce récit publié aux éditions De Borée en qualité de périple illustré pour que je fasse le voyage en compagnie de Modestine. Quel joli voyage !
Je ne savais rien ou presque de Robert Louis Stevenson, je ne connaissais pas l'homme et encore moins ses écrits. Je sens le cri d'indignation qui s'élève mais j'assume ...
Arrivée à Saint-Jean-du-Gard les choses ont bien changé. I
Stevenson a 28 ans en 1878 quand il entreprend ce périple. Chagrin d'amour, envie de faire la connaissance de la terre cévenole qui abrita les Camisards, envie d'aventure et de solitude avec juste un carnet pour noter rencontres et impressions de voyage. En tout état de cause je dirais un mixte de tout cela. Ecossais, protestant dans le coeur et dans l'âme, Stevenson retourne aux sources de sa foi. Et comme il est homme de dialogue il va écouter les gens qu'ils croisent même ceux qui, fervents catholiques, font preuve de prosélytisme ..Un voyage qui le verra émerger de sa mélancolie au fil des kilomètres avalés au rythme lent de son ânesse. Un voyage qu'il a entrepris désabusé et qu'il termine le regard vif et clair avec l'envie de retourner dans le monde, dans son monde fin prêt pour la grande aventure de l'écriture.
Une bien jolie édition que celle qui nous est proposée par les éditions De Borée. Les illustrations qui accompagnent le texte sont des cartes postales du début des années 1900 et nous montrent ce que Stevenson a du voir et ce qu'il a ignoré sciemment ou non.
Un ouvrage plein d'enseignement qui offre au lecteur curieux la possibilité de voyager dans le temps avec un guide hors pair.
Merci aux éditions De Borée et à babelio pour ce joli voyage en terres cévenoles.
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Quand Robert Louis Stevenson décide d'entreprendre un voyage dans les Cévennes, il n'est pas encore l'auteur célèbre de l'Île au trésor, il n'a écrit que quelques essais et nouvelles... Il a surtout besoin de ce dépaysement pour oublier Fanny Osborne, une américaine de dix ans son aînée, dont il est éperdument amoureux, repartie aux États-Unis pour finaliser son divorce. Francophile, ce bon vivant n'a pas choisi la France par hasard, il a déjà voyagé en canot en compagnie de Sir Walter Simpson en 1875 (En canoë sur les rivières du Nord). Mais cette fois-ci, il décide de partir seul pour une douzaine de jours en commençant par Monastier pour se diriger vers Alès. C'est donc un départ vers l'aventure qu'il débute le 22 septembre 1878, après avoir choisi sa monture, - une ânesse qu'il nomme Modestine - et après avoir rassemblé le matériel nécessaire pour camper, notamment avoir bricolé un sac de couchage, une première à l'époque.

Durant ces douze jours, Stevenson rédige son journal de bord, et, au gré d'un grand nombre de rencontres, obtient toujours de l'aide auprès d'habitants quelquefois rudes et toujours taiseux. Malgré quelques moments difficiles - quand il se perd et doit dormir à la belle étoile - il garde toujours un regard bienveillant sur ses aventures et ses rencontres. C'est également l'occasion pour lui de se confronter à l'histoire des camisards, ces huguenots poursuivis, chassés et exécutés du temps de Louis XIV - des protestants avec lesquels il se sent énormément de points communs. de son périple, il retient des rencontres, la découverte de paysages et de vallées qui évoquent pour certaines, son Écosse natale et une introspection qui lui permet de reprendre de l'énergie, douze jours dans sa vie qu'il a partagé avec Modestine, qu'il aura de la peine à quitter.
Voyage avec un âne dans les Cévennes est une longue randonnée, apaisante bien que quelquefois tourmentée, mais le caractère agréable et bienveillant de Robert Louis Stevenson en fait un récit plein de charme et de philosophie.
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Je projetais depuis longtemps de lire ce livre culte qui a ouvert la voie à la mode de la randonnée.
Voilà qui est fait.
L'auteur décrit la nature et les personnages rencontrés avec beaucoup de détails. Je suis avec lui, tout au long de ce voyage. Il dort où il peut, s'accommode des aléas rencontrés, fait contre mauvaise fortune bon coeur.
Ce livre est une merveilleuse ode à la nature, mais pas que.
En effet, les gens rencontrés n'étaient pas avares de confidences. La guerre menée par les catholiques contre les Camisards faisait encore le sujet des conversations.
Ce ne fut pas une guerre " en dentelles ".
Que d'exactions commises au nom de Dieu !
J'ai une pensée aussi pour cette pauvre, pauvre Modestine, aiguillonnée tout le long du chemin, y perdant ses forces au point d'être vendue par son maître, puisqu'elle ne lui sert plus à rien.
Pour cela, je lui enlève une étoile. ( oui, je sais, je fais preuve de sensiblerie, mais il faut vous y faire, je suis ainsi faite )
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Quant à la raison qui l'a poussé à partir par monts et par vaux sur les sentiers du Massif Central, Stevenson se contente de nous dire dans l'ouvrage qu'il avait d'abord intitulé Voyages avec un âne au travers des Highlands françaises : "Je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager. L'important est de bouger, d'éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le lit douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs occupants." (page 93 Editions de Borée). Nombre de supputations tenteront d'y voir en réalité la manière de réprimer une peine de coeur, et la solitude choisie une condition nécessaire pour faire le point sur sa vie. Peut-être n'ont-ils pas tort car à la page 141, on peut lire cette rare confidence : "Et pourtant, alors même que je m'exaltais dans ma solitude, je pris conscience d'un manque singulier, je souhaitais une compagne qui s'allongerait près de moi au clair des étoiles, silencieuse et immobile, mais dont la main ne cesserait de toucher la mienne."

Protestant de foi, francophile de sensibilité, d'autres y verront pour le futur inventeur du Docteur Jekyll qu'il est en 1878 l'occasion de se plonger en une contrée qui a eu son lot de querelles de religion et y faire le constat in situ que si les guerres ne sont plus à l'ordre du jour, les tensions restent latentes dans les campagnes conservatrices. N'a-t-il pas force de symbole ce parcours dont le départ au Puy-en-Velay est aussi un de ceux des chemins de Compostelle et l'arrivée en Cévennes, pays camisard lequel conserve ancré dans sa mémoire le massacre de tant d'innocents perpétré par les troupes de Louis XIV animées de la folle illusion d'expurger les montagnes arides de l'hérésie protestante.

Dans un périple qui lui a fait revivre ces tensions entre confessions, l'officielle de Rome et la réformée, les questions de foi ne constituent-elles pas un second niveau de lecture à qui ne voudrait y voir qu'un récit d'excursion bucolique tant elles sont présentes d'un bout à l'autre de l'ouvrage. C'est peut-être la raison pour laquelle Stevenson a appliqué le pluriel au mot voyage, pour nous faire comprendre qu'il y avait aussi ces aspects historique et sociologie des religions dans sa conception de cette itinérance. A ce propos, l'étape à Notre-Dame-des-neiges est révélatrice de l'ancrage des croyances dans les gènes.

Et une conclusion de tout ça, que Stevenson connaissait d'avance mais dont il se rengorge, pour confirmer qu'après autant de sang versé au motif de divergence de convictions religieuses de par le monde, "l'Irlande est toujours catholique et les Cévennes toujours protestantes".

Maintenant que l'itinéraire est balisé aux couleurs des Sentiers de grande randonnée, il est fort heureusement moins question de ces manifestations d'intolérance sur ce qui est devenu pour nous-autres randonneurs du 21ème siècle le GR 70, le chemin de Stevenson. La première lecture de cet ouvrage reste donc possible et même enviable avec son ode à la nature et aux vertus de la méditation sous la voute étoilée. Superbe récit d'une équipée homme-animal, d'un coeur qui se livre non sans une certaine retenue et d'un esprit qui quant à lui nous dresse un compte rendu quasi journalistique de la France profonde en cette fin de XIXème siècle, dans laquelle le chemineau solitaire restait quand même sur ses gardes. La bête du Gévaudan avait-t-elle bien été tuée ?

Loin d'être exempt de sensibilité et de poésie le voyageur et écrivain célèbre qu'il deviendra sait nous toucher au coeur et faire de ce texte un aiguillon de nostalgie à l'instar de celui avec lequel il piquait la croupe de Modestine pour la stimuler dans les apathies récalcitrantes propres à son espèce : "Il était délicieux d'arriver, après si longtemps, sur un théâtre de quelque charme pour le coeur humain. J'avoue aimer une forme précise là où mes regards se posent et si les paysages se vendaient comme les images de mon enfance, un penny en noir, et quatre sous en couleurs, je donnerais bien quatre sous chaque jour de ma vie." Et s'il fallait encore douter de la sensibilité du bonhomme, il n'est que de l'entendre nous dire les larmes lui descendre sur les joues lors de l'adieu à Modestine.
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