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EAN : 9782812927164
Editions De Borée (08/04/2021)
3.58/5   800 notes
Résumé :
Edition du Rouergue, illustrée de photographies...

Photographe, historien d’art de formation, découvrant voici plusieurs années les Cévennes et la beauté libre de leurs paysages, Nils Warolin a séjourné à de nombreuses reprises dans cette région, y retrouvant les traces de Robert Louis Stevenson. Parcourir ce pays sauvage et secret, presque inchangé depuis le voyage de l’écrivain écossais en septembre 1878, du Monastier (près du Puy, en Haute-Loire) j... >Voir plus
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3,58

sur 800 notes
Au chapitre des lectures de vacances, j'y vais moi aussi de ma petite contribution. On sait tous que le choix d'un lieu de vacance n'est jamais complètement dû aux seules boucles du hasard. Ceci est particulièrement vrai pour nous autres lecteurs acharnés qui glanons ici ou là, au gré de nos découvertes littéraires, des idées ou des envies particulières.

N'échappant évidemment pas, une fois encore, à cette règle, c'est l'envie de découvrir un livre qui m'a poussée à lire une contrée (ou l'inverse). Sans grande surprise, vous aurez compris de quel livre et de quelle région je veux parler puisque le titre est suffisamment évocateur.

Nous voici donc en chemin sur les sentiers cévenols au début de l'arrière-saison (fin septembre — début octobre) de l'année 1878. Robert Louis Stevenson est alors un jeune homme écossais de bientôt vingt-huit ans qui n'a encore écrit aucun des grands succès que nous lui connaissons aujourd'hui.

Il n'a entrepris jusqu'à présent que des voyages ou des séjours paisibles, en Angleterre, en Allemagne ou dans le nord de la France. Voici donc sa première véritable aventure en territoire sauvage, celle qui en appellera beaucoup d'autres par la suite, en Amérique ou dans la zone pacifique notamment.

On y côtoie un jeune Stevenson, inexpérimenté en matière de baroudage, ayant soif d'aventure et de découverte, assez attachant dans sa façon de voir le monde, mais aussi, avons-le parfois un peu présomptueux et imbu de lui-même, notamment dans sa manière de juger à l'emporte-pièce les naturels du pays.

À la vérité, c'est encore loin d'être une expédition au Klondike, seulement un voyage très bref — pas plus de treize jours — allant en gros du Puy-en-Velay à Alès en passant par Florac, bien qu'au sens strict, le voyage mentionné dans le titre débute au Monastier-sur-Gazeille et se termine à Saint-Jean-du-Gard.

Ce qui fait la renommée de ce voyage, outre la célébrité acquise ensuite par son auteur, outre qu'il ait été minutieusement relaté par écrit dans un récit de voyage, c'est bien évidemment qu'il ait été entrepris à pied et en solitaire, avec pour seul compagnon un âne — en l'espèce une ânesse baptisée par l'auteur lui-même, Modestine.

Dans toute la première partie du récit, les efforts déployés et les mésaventures cocasses tournant autour de Modestine constituent le sel de la narration. On y voit dans ce premier tiers de voyage un Stevenson malhabile avec l'animal, volontiers colérique et même parfois violent, qui passe son temps à médire tant de l'âne que de la population locale, que du mauvais temps ou de la traîtresse obscurité nocturne.

Il faut attendre les Cévennes véritables, et notamment le petit village du Bleymard, pour sentir un changement positif d'attitude. Une complicité s'installe peu à peu entre l'homme et l'animal. Les paysages commencent à trouver grâce à ses yeux, même jusqu'à l'émerveillement. Autour du Pont de Montvert et de Florac, l'auteur semble tombé sous le charme de la région et, vous l'imaginez, amoureux de sa compagne quadrupède.

Ce récit de voyage se caractérise aussi par de fréquentes (trop fréquentes à mon goût) digressions où l'auteur recrache sa science sur les guerres de religion qui ensanglantèrent les Cévennes à l'époque des Camisards autour de l'année 1703.

À force de nous parler de l'absurdité de ces conflits entre Catholiques et Protestants, à force de nous seriner que ses origines protestantes le rapprochent plus des Protestants d'ici que des Catholiques, on finit par s'ennuyer un petit peu sur ces considérations, bâties auprès d'une maigre poignée d'individus, fréquentés pendant quelques minutes ou quelques heures (au mieux) et qui seraient censés représenter un échantillonnage valable de la teneur réelle de ces populations. — Bref, des considérations religieuses de l'auteur qui m'ont un peu barbée.

En revanche, ce qui est à mettre au crédit de ce diable d'Écossais, c'est son talent de conteur déjà grand à l'époque. Sa plume est alerte, parfois drôle ou caustique et, dans des moment grâce, capable d'une évanescente randonnée lyrique.

J'en terminerai donc en concluant qu'il ne s'agit peut-être pas du meilleur de Robert Louis Stevenson mais assurément d'un premier pas vers la grandeur.

Si par hasard, comme moi, vous vous aventurez sur les traces locales laissées par l'auteur et ce récit, vous vous apercevrez qu'il existe depuis vingt ans une association qui fait la promotion de ce voyage pédestre et que tout au long du parcours emprunté par Stevenson, on voit fleurir sur les bars, boutiques ou restaurants un petit panonceau à son effigie.

On vent aussi des guides, des cartes détaillées ou des cartes postales présentant le parcours, une manière de mini chemin de Saint Jacques de Compostelle cévenol pour randonneurs amis des lettres.

J'ai eu l'occasion de constater durant mon séjour que parmi tous ces commerçants qui collent sur leur vitrine le portrait de Stevenson, bien peu ont effectivement lu le livre, quoique l'ouvrage soit de taille modest(in)e. (Je dis " bien peu " car je n'ai pas poussé le vice jusqu'à sonder exhaustivement chaque tenancier d'échoppe, mais sur tous ceux que j'ai interrogés, aucun n'a encore lu le livre...)

En somme, une impression de lecture bonne mais pas exceptionnelle que je suis très contente d'avoir entreprise sur le théâtre même des événements car cela a constitué pour moi un plus, tant pour le voyage que la lecture. Toutefois, gardez à l'esprit qu'il s'agit là d'un petit âne d'avis, grêle et têtu comme la sus-nommée Modestine, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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"Je n'ai pas souvent éprouvé tant d'intime satisfaction en présence d'un site. Je me mouvais dans une atmosphère délicieuse et me sentais allègre et tranquille et heureux. Peut-être quelqu'un dans un autre pays pensait-il à moi. Ou peut-être une de mes pensées avait-elle surgi spontanément et s'était-elle évanouie à mon insu, qui me faisait du bien. Car certaines pensées , s'effacent avant qu'il nous soit possible d'en déterminer les traits exacts, comme si un Dieu, cheminant par nos grands-routes vertes, ne faisait qu'entrouvrir la porte de la maison, lancer un coup d'oeil souriant à l'intérieur et s'éloigner pour toujours. Est-ce Apollon ? Ou Mercure ? Ou l'amour aux ailes repliées ? Qui peut le dire ? Mais nous vaquons plus allègres à nos besognes et sentons paix et joie en nos coeurs. "
P213

lecture de ce passage gravée sur mon répondeur, sur le mémo des moments qui me tiennent à coeur....
La traversée des Cévennes, accompagné de mon âme et sans modestie, est plus douloureux mais aussi riche en couleurs que le pélerinage de Compostelle ... ils se parcourent dans la douceur avec infiniment de bonheur.

Trop de redondance, satisfaction de lecture avec 2 étoiles seulement !
Mais le coeur pleins d'étoiles et de bons moments, sous le firmament ...
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"Apprends à t'orienter de nuit
Apprends à t'orienter de jour
Trouver gite refuge ou sentier
Apprends à savoir t'orienter"*

Que savez-vous du sentier, de la Grande Route ? Etes-vous déjà parti, comme ça, un lourd sac au dos, sans être tout à fait sûr de pouvoir revenir ? Robert Louis Stevenson, un jeune homme chétif ayant passé la moitié de sa jeunesse cloué au lit, a un jour pris son sac et, en quelques jours, a traversé une chaîne difficile des Cévennes. Un chemin de Grande Randonnée porte encore aujourd'hui son nom, la-bas, quelque part entre les Cévennes et l'obscur Gévaudan.

De son voyage, Robert Louis Stevenson en a tiré un livre "Voyage avec un âne dans les Cévennes", publié en 1879, soit quelques années avant la publication de 'L'île au trésor" qui fera de lui l'un des plus grands auteurs de la littérature mondiale.

Quand il se rend en France, en 1878, Robert "Lewis" Stevenson a déjà transformé son nom en un plus francophile Robert "Louis" Stevenson. C'est que l'auteur aime la France et en parle couramment la langue. Avec des amis, il en a déjà traversé les vallées et les fleuves et même tiré quelques livres. Aucun de ses précédents voyages n'a cependant l'ampleur de celui qu'il s'apprête à effectuer. Il entend en effet marcher seul et, s'il le faut, dormir à la belle étoile. La randonnée, cette idée folle de marcher pendant des heures pour l'unique plaisir de marcher, est alors un phénomène assez nouveau. Ce n'est qu'à la fin du 19ème siècle qu'apparaissent les premiers guides et ce récit de Stevenson serait l'un des premiers ouvrages majeurs à raconter une telle expérience.

"Nu sous un nuage orageux
Qui te surprend chemin faisant
Dans ce printemps pluvieux et chaud
Sur ton GR chemin faisant"*


Ce récit prend la forme d'un journal écrit quotidiennement sur la route. Tous les matins, il s'efforce de noter ce qu'il a vécu la veille. Il a pris la route au Monastier, un minuscule village où les gens s'affairent autour de lui et l'aident à préparer son voyage. On lui propose une ânesse, Modestine, qui deviendra son compagnon tout au long de l'aventure. D'une source de préoccupation, d'abord, quand l'ânesse ne veut pas avancer et que l'Ecossais ne sait pas la diriger, l'ânesse devient rapidement sa meilleure et seule, unique amie.

Le récit commence ainsi, avec cette amitié naissante entre l'homme et l'animal. Un tiers du récit est consacré à Modestine. Avec elle, il va marcher plusieurs jours, se faire surprendre par la pluie, la nuit tombante, sans étoile. Il va trouver gîte dans un monastère, il va apprendre à s'orienter de nuit, à s'orienter de jour. A trouver refuge dans les abris les plus improbables. Ainsi, perdu au milieu de nulle part décide-t-il de s'installer pour la nuit :

" Je n'avais pas souvent éprouvé plus sereine possession de moi-même, ni senti plus d'indépendance à l'endroit des contingences matérielles. le monde extérieur de qui nous nous défendons dans nos demeures semblait somme toute un endroit délicieusement habitable. Chaque nuit, un lit y est préparé, eût-on dit, pour attendre l'homme dans les champs où Dieu tient maison ouverte. Je songeais que j'avais redécouvert une de ces vérités qui sont révélées aux sauvages et qui se dérobent aux économistes."

Superbe moment de littérature que ces pages nocturnes où Stevenson le fragile, le chétif, le tuberculeux, qui était à deux doigts de mourir dès qu'il franchissait la porte de sa chambre édimbourgeoise, Stevenson, l'auteur de romans d'aventures qui a passé sa jeunesse enfermé chez lui, passe une nuit dehors, découvre une autre vie, un autre lui. Il n'en moufte mot, bien sûr. Impossible de lire la moindre faiblesse dans les lignes qu'il écrit au matin. Stevenson fait figure d'aventurier exemplaire, toujours heureux de ses mésaventures, heureux de connaître autre chose, autre identité, autre chemin. Il n'a pour réponse aux quelques déconvenues qu'il rencontre qu'un simple verre de brandy et un peu d'amour.

"Vaï Vaï Vaï Vaï", dit la chose, que sais-tu du sentier
Faut faire semblant d'être un autre, seule façon d'exister"


La préface de Francis Lacassin nous permet d'apprendre d'autres détails précieux, que Stevenson se garde bien, lui, de dévoiler. On peut se demander pourquoi diable quitter son Ecosse pour quelques mauvaises terres françaises, même par passion pure pour la marche ? Lacassin, aidé par une correspondance désormais connue de Stevenson en donne la réponse : par dépit amoureux. Bien sûr. Son aimée est partie aux Etats Unis pour divorcer de son riche mari américain. Stevenson ne peut l'accompagner et s'inquiète de l'issue de ce voyage. Et donc, voyez-vous, c'est pour fuir son monde connu, qu'il décide de partir au loin. Ses lettres en attestent : il ne cessa durant tout son voyage de penser à elle. Il lui dédie chaque ligne et lui fait même certaines dédicaces à peine voilées ici ou là.
Je suis de ceux qui trouvent ça sublime : la femme au loin, partie régler ses comptes, et Stevenson, seul avec son corps de rien, s'enterrant dans les profondeurs de la France.

"Un homme seul fête l'automne
Le poids de l'âme fait le coeur lourd
La nuit nous tient en ciel d'orage"*


Lisez donc ce livre et vous aurez une sympathie infinie pour lui. Peu importe la destination et le voyage, finalement, c'est le coeur de Stevenson qui est le sujet de cet ouvrage. C'est sa sensibilité que l'on aime, pas de vulgaires descriptions de paysages, dont Stevenson se rend de toute façon rarement coupable.

On apprend, en lisant sa biographie, que Stevenson est mort à quarante quatre ans à Samoa. Pour avoir été avec eux quotidiennement pendant les dernières années de sa vie et pour leur avoir raconté tant d'histoires, les Samoans ont veillé sur son corps une nuit durant, ont porté son cercueil face à la mer et sur son tombeau inscrit cette épitaphe écrite par Stevenson lui-même :

Under the wide and starry sky,
Dig the grave and let me lie.
Glad did I live and gladly die,
And I laid me down with a will.
This be the verse you grave for me:
Here he lies where he longed to be;
Home is the sailor, home from sea,
And the hunter home from the hill.


*Les citations marquées d'une étoile sont de la plume de Jean-Louis Murat. Impossible de ne pas associer les deux hommes et leurs oeuvres respectives :

"Miss popeline, mazette, mais moi j'existe aussi
Au bout de combien de rêves changerait-on de vie ?"*

L'album Toboggan fait ainsi figure de compagnon idéal à cette lecture.
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En ces périodes de fêtes, voilà un extraordinaire album qui est un véritable feu d'artifice pour les yeux...en plus de la relecture de ce grand texte du futur auteur de "Dr Jekyl et Mr Hyde" !!! Bravo pour l'initiative des éditions du Rouergue !
Comme tant de personnes, le portefeuille est quelque peu plat, en cette fin d'année... alors je vais me défaire ce mon exemplaire pour faire plaisir à un couple d'amis , qui devrait être enchanté par ce livre magnifique...qui fait
tellement de bien, tant par la tolérance du récit de notre voyageur, Stevenson que par notre photographe, qui a su ajouter en "merveilleux", par les clichés tous plus beaux les uns que les autres ...!!..

"Je crois avoir lu pour la première fois - Voyages avec un âne dans les Cévennes- alors que j'étais encore adolescent. C'est l'âge où l'on rêve d'émancipation, où l'on souhaite franchir les murs qui nous encerclent
pour partir seul, loin, sac au dos, avec simplement quelques sous en poche et de l'imaginaire plein la tête. On rêve de rencontres, d'amitiés sincères, de terres vierges pour une vie nouvelle, plus intense, affranchie
des conventions... Pour tous ceux qui recherchent ce dépaysement aussi bine intérieur qu'extérieur, la lecture de ce récit ne déçoit pas. Tout ici sonne vrai, juste. Stevenson n'est pas un écrivain romantique,
peintre d'une nature reconstituée. le jeune écossais est un aventurier véritable, il dort à la belle étoile au coeur de la forêt, il se lave dans les torrents, il s'ouvre avec une générosité débordante à toutes les rencontres, à tous les imprévus. [p.9 / Nils Warolin ]


Nils Warolin nous explique fort bien ce premier coup de coeur, jeune, pour ce texte de Stevenson, qui au delà du récit de voyage , est un véritable manuel de vie. Nils Warolin dédie ce travail de photographe à ses grands-parents , eux-mêmes, photographes ! Il choisira l'automne pour parcourir le même chemin que Stevenson a réalisé également en automne...
Je n'en dirais pas plus car cet album allie avec un talent certain la sensibilité d'un écrivain écossais du 19e au fond de notre campagne française et celui d'un artiste-photographe contemporain... et c'est une magnifique réussite...A ne pas manquer !!

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Dans ce récit, l'auteur nous emmène sur les sentiers, traversant les Cévennes en compagnie de sons ânesse, Modestine. Il s'agit de notes qu'il a prises consciencieusement chaque jour tout au long de son périple.

Après les préparatifs du départ, les bagages qui s'amoncèlent, il faut bien trouver un porteur et après avoir hésité entre les avantages et les inconvénients du cheval, de l'âne, il opte pour Modestine, une ânesse avec laquelle le courant ne passe guère ; après avoir chargé le bât, il faut apprendre comment la faire avancer !

« Je vous prie de le croire, le gourdin ne demeurait point inactif. J'estime que chaque pas convenable que faisait Modestine doit m'avoir coûté au moins deux coups bien appliqués. On n'entendait d'autre bruit dans les alentours que celui de ma bastonnade infatigable. »

J'ai bien aimé toute cette partie (le premier tiers du livre), où Robert Louis Stevenson nous raconte ses démêlés avec Modestine, sa manière de l'apprivoiser, si l'on peut dire, passant du gourdin à l'aiguillon ; cependant on sent peut de complicité entre lui et l'animal. C'est une association en quelque sorte !

« Elle était assez gentille à voir, mais aussi avait-elle donné preuve d'une foncière stupidité, rachetée, à dire vrai, par sa patience, mais aggravée par des accès de légèreté sentimentale déplacés et navrants. »

J'ai eu du plaisir à traverser les Cévennes, avec lui, sous la pluie, dans les sous-bois, à la rencontre de certains lieux : le Cheylard, le Gévaudan et sa fameuse bête, la Lozère, le Tarn…

Par contre, j'ai moins apprécié ses considérations sur les religions, ses jugements parfois à l'emporte-pièces, comme s'il se considérait comme un être à part, lui l'Écossais en terre de France.

Cependant, on le voit changer peu à peu au fil des rencontres, apprécié la beauté des paysages, la nature, le silence.

C'est le premier écrit de Robert Louis Stevenson avec un style particulier qui m'a plu et qui laisse entrevoir son oeuvre future. Bien-sûr, j'ai pensé au livre de Sylvain Tesson: « Sur les chemins noirs » que je lisais en même temps et que j'ai préféré…

Challenge XIXe siècle 1017
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Citations et extraits (164) Voir plus Ajouter une citation
Dans ce monde imparfait, nous accueillons avec joie des sympathies même partielles.
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Une étroite bordure de frênes cerclait la cime des monts comme du lierre sur des ruines. Sur les versants inférieurs et au-delà de chaque gorge, des châtaigniers, par groupes de quatre, montaient jusqu'au ciel sous leur feuillage épandu. Certains étaient implantés chacun sur une terrasse individuelle pas plus large qu'un lit ; d'autres, confiants en leurs racines, trouvaient moyen de croître, de se développer, de rester debout et touffus sur les pentes ardues de la vallée. D'autres, sur les bords de la rivière, restaient rangés en bataille et puissants comme les cèdres du Liban. Pourtant là même où ils croissaient en masse serrée, ils ne faisaient point penser à un bois, mais à une troupe d'athlètes. Et le dôme de chacun de ces arbres s'étalait, isolé et vaste d'entre les dômes de ses compagnons, comme s'il avait été lui-même une petite éminence. Ils dégageaient un parfum d'une douceur légère qui errait dans l'air de l'après-midi. L'automne avait posé ses teintes d'or et de flétrissures sur leur verdure et le soleil, brillant au travers, atténuait leur rude feuillage, en sorte que chaque épaisseur prenait du relief contre son voisin, non dans l'ombre, mais dans la lumière. Un humble dessinateur d'esquisse lâchait, ici, désespéré, son crayon.
Je voudrais pouvoir donner une idée du développement de ces arbres majestueux, comme ils étalaient leur ramure ainsi que le chêne, traînaient leurs branchages jusqu'au sol ainsi que le saule ; comment ils dressaient des fûts de colonnes, pareils aux piliers d'une église ou comment, ainsi que de l'olivier, du tronc le plus délabré, sortaient de jeunes et tendres pousses qui infusaient une vie nouvelle aux débris de la vie ancienne. Ainsi participaient-ils de la nature de plusieurs essences différents. Et il n'était pas jusqu'à leur bouquet épineux du faîte dessiné de plus près sur le ciel qui ne leur conférât une certaine ressemblance avec le palmier, impressionnante pour l'imagination. Mais leur individualité, quoique formée d'éléments si divers, n'en était que plus riche et plus originale. Et baisser les yeux au niveau de ces masses abondantes de feuillages ou voir un clan de ces bouquets d'antiques châtaigniers indomptables, " pareils à des éléphants attroupés " sur l'éperon d'une montagne, c'est s'élever aux plus sublimes méditations sur les puissances cachées de la nature.

LE PAYS DES CAMISARDS, III : Dans la vallée du Tarn.
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Le monde extérieur de qui nous nous défendons dans nos demeures semblait somme toute un endroit délicieusement habitable. Chaque nuit, un lit y était préparé, eût-on dit, pour attendre l'homme dans les champs où Dieu tient maison ouverte. Je songeais que j'avais redécouvert une de ces vérités qui sont révélées aux sauvages et qui se dérobent aux économistes. Du moins, avais-je découvert pour moi une volupté nouvelle. Et pourtant, alors même que je m'exaltais dans ma solitude, je pris conscience d'un manque singulier. Je souhaitais une compagne qui s'allongerait près de moi au clair des étoiles, silencieuse et immobile, mais dont la main ne cesserait de toucher la mienne. Car il existe une camaraderie plus reposante même que la solitude et qui, bien comprise, est la solitude portée à son point de perfection. Et vivre à la belle étoile avec la femme que l'on aime est de toutes les vies la plus totale et la plus libre.

p141
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Le commerçant s'intéressa beaucoup à mon voyage. Il pensait dangereux de dormir en rase campagne.
— Il y a des loups, dit-il. Et puis, on sait que vous êtes anglais. Les Anglais ont toujours bourse bien garnie. Il pourrait fort bien venir à l'idée de quelqu'un de vous faire un mauvais parti pendant la nuit.
Je lui répondis que je n'avais point peur de tels accidents et que, en tout cas, j'estimais peu sage de s'attarder à ces craintes et d'attacher de l'importance à de menus risques dans l'organisation de la vie. La vie en soi était au moins aussi dangereuse qu'un loup et qu'il n'y avait pas lieu de prêter attention à chaque circonstance additionnelle de l'existence. Il pourrait se produire, dis-je, une rupture dans votre organisme tous les jours de la semaine. Et c'en serait fini de vous, même si vous étiez enfermé dans votre chambre à triple tour de clef.

LE PAYS DES CAMISARDS, VI : Le cœur de la contrée.
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" Vous n'avez pas à avoir aucune pitié pour ces animaux ", fit-il. Et arrachant une verge à un buisson, il se mit à fouetter Modestine sur l'arrière-train, en poussant un cri. La malheureuse redressa les oreilles et partit sans façons à une vive allure qu'elle garda sans ralentir, sans témoigner du moindre symptôme de détresse, aussi longtemps que le paysan resta près de nous. Son premier essoufflement et son tremblement n'avaient été, j'ai regret de la dire, que comédie.
Mon " deus ex machina ", avant de me quitter me donna un excellent, quoique inhumain conseil. Il me le tendit, en même temps que la baguette qui, déclara-t-il, serait plus finement sentie que mon bâton. Finalement, il m'apprit le véritable cri ou mot maçonnique des âniers : " Prout ! " [...]
J'étais fier de mon savoir neuf et pensais que j'avais appris à la perfection l'art de conduire. Et, certes, Modestine accomplit des prodiges durant le reste de l'avant-midi et j'avais large espace où respirer et loisir de regarder. [...]
Je dépêchai mon repas de midi et bientôt en avant de nouveau ! Hélas ! tandis que nous grimpions l'interminable colline sur l'autre versant : " prout " semblait avoir perdu sa vertu. Je " proutais " comme un lion, je " proutais " doucereusement comme un pigeon qui roucoule, mais Modestine n'était ni attendrie ni intimidée. Elle s'en tenait, opiniâtre, à son allure. Rien, sinon un coup ne l'aurait fait bouger et encore pour une seconde. Je devais la talonner en lui cinglant les côtes sans cesse. Un arrêt d'un moment dans cette ignoble besogne et elle récidivait à son allure particulière.

VELAY, II : L'ânier inexpérimenté.
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