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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La vallée de la Fensch en Moselle n'est plus la vallée des anges, elle va devenir la vallée de la mort. La mort de la sidérurgie, l'arrêt des hauts-fourneaux pour une vile question d'argent. Il faut le savoir, à Florange, pardon Aublange dans le livre, il y a des commandes, il y a du travail, mais l'indien comme ils l'appellent en a décidé autrement.
« Cette journée qui aurait dû être radieuse sous le soleil aguicheur mais non, putain de journée de juin, se lever et entendre ça, se prendre ce coup de poing dans la gueule qui les laisse là, sonnés, au bord de l'asphyxie, avec ce sentiment de vide qui doivent connaître au réveil les soldats amputés ». le ton est donné, ce sera brut du côté du syndicaliste. Il parle avec ses tripes, avec sa peur au ventre, son désir de continuer ce travail si dur, si rude, mais qu'il aime, le mot est presque faible « C'est extraordinaire, quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable et que tu assistes à ça, c'est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au mode, et là tu l'aimes ton usine, tu l'as dans la peau. Après tu as beau revoir ce spectacle cent mille fois, tu ne t'en lasses jamais »
Alors, ils se battent et Isabelle Stibbe nous raconte cette bataille.
Ce livre écrit à partir de faits réels est ancré dans la réalité politique de l'élection présidentielle, la victoire du parti socialiste et, surtout, les espoirs que cette élection, suite aux promesses faites, a induit.
Livre à 3 voix et 3 couleurs.
Max (gris), le sculpteur au vocabulaire plus littéraire, plus sensuel « J'applique mes paumes contre la surface cimentée, comme un pianiste plaquerait un accord final. Je plonge dans le gris, m'en imbibe, deviens gris moi-même, m'étonne que ce soit si simple ». Son coeur est à gauche, mais, venant d'un milieu privilégié, il ignore le monde ouvrier, non pas par mépris, mais simplement parce que cela ne fait pas partie de son environnement. Il découvre Pierre « … quand un homme d'une cinquantaine d'années a accroché mon attention…. Ce type se bat pour sa peau. » et décide de créer sur le site d'Aublange sa sculpture gigantesque
Avec Pierre, le syndicaliste (rouge), c'est du brut, ça cogne mais ça pleure aussi. Ce fils d'immigré espagnol, syndicaliste dans l'âme, est l'incarnation de l'ouvrier selon Saint Media. « Ils viennent tous là pour nous interviewer, nous filmer, nous photographier, mais ils ne regardent pas l'usine comme nous. » Il se bat, avec ses camarades et les autres, pour sauver leur outil de travail, pour sauver leur vie, leur peau.
Daniel (blanc), ministre est souvent dans l'introspection, dans le doute. Fils d'ouvriers, il a tout fait pour oublier ses origines mais ressent dans ses fibres la fermeture des aciéries. Il est chargé de trouver une solution au problème d'Aublange.
Isabelle Stibbe nous raconte cette bataille. Son tour de force ? Changer de ton, de vocabulaire, de style pour chacun des trois intervenants, d'y avoir mis de la tripe, de l'humanité, de la poésie, de la beauté, de la vraisemblance.
J'ai vu vivre ces 3 personnages si différents qui, chacun à sa façon, lutte t pour ne pas que « l'Indien de mes couilles » ferme les hauts-fourneaux. Max, Pierre, Daniel nous livrent leurs états d'âme, leurs combats, le cheminement, la maturation de leurs pensées.
Un sacré bouquin, une belle écriture. Isabelle Stibbe se fait peintre, poète lorsqu'elle décrit le fer en fusion, se fait journaliste, polémiste, conteuse.
Une lecture passionnante où j'ai ressenti l'urgence, le temps de la lutte, de l'espoir. le temps de l'analyse viendra plus tard.
« Tout à coup le silence. La boucheuse a injecté la masse d'argile réfractaire dans le trou de coulée. Un couvercle sur leur tombe. Cette fois, c'est vraiment la dernière coulée. »

Isabelle Stibbe écrit en exergue de son livre une très belle phrase pleine d'espoir de Pablo Neruda : « Nos ennemis peuvent couper toutes les fleurs mais ils je seront jamais les maîtres du printemps ».

J'aime le toucher de la couverture de ce livre tout de douceur dans sa couleur orange. Oui, comme le dit la 4ème de couverture, ce livre a du Zola, du Victor Hugo dans les veines. Quelles descriptions, quelles envolées ! C'est beau car vivant.
Vous l'avez compris : C'est un coup de coeur

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Ce livre est une force et sa poésie, glorieuse. Lutte sociale mais aussi, à travers les trois personnages que l'on découvre peu à peu jusqu'en leur pensée intime, des idées liées à l'identification de classe à laquelle on appartient de naissance ou pas. Des politiques censés représenter le peuple et dont certains n'en connaissent que la bourgeoisie, l'élite. Des mondes, dont certains sont fracturés comme celui des ouvriers, qui ne se rencontrent pas : des castes en somme. Comment dans cette situation peut-on espérer compréhension, bienveillance, reconnaissance et considération ? L'humanité a encore un long chemin à parcourir avant de se révéler. Ce livre est aussi un véritable plaidoyer pour une gauche pourvue de valeurs de gauche et un avertissement bien d'actualité…
Après son magnifique roman « Bérénice 34-44 » c'est un grand pavé dans la mare sociétale que jette Isabelle STIBBE
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« Les Maîtres du printemps « est un roman choral, articulé à partir de trois personnages principaux, dont les vies vont s'entrechoquer, se répondre, se faire écho.
Le premier acteur, Pierre Artigas, est métallurgiste à Aublange, localité de Moselle , de la vallée de la Fentsch, région de tradition industrielle autrefois propriété du comité des forges, et par voie de conséquence de la dynastie des de Wendel .Pierre, ainsi qu'il est nommé dans le récit, est syndicaliste, descendant d'immigrés espagnols ; il croit à la solidarité ouvrière, à l'importance de la perpétuation de l'industrie, à la perpétuation de la dignité ouvrière .Il s'implique sans compter dans des actions de toutes sortes : piquets de vigilance, interview auprès des médias pour faire céder « L'Indien » le propriétaire des hauts-fourneaux d'Aublange, peu désireux de prolonger l'activité industrielle en Lorraine
Le second acteur est Max OBerlé, sculpteur de renom, atteint d'un cancer qui lui laisse peu de chances de survie vu son grand âge –quatre-vingts ans, a pour dernier projet unes statue d'Antigone dans la nef du Grand-Palais .Il se laisse convaincre par des membres du ministère de la Culture, qu'il peut contribuer à la survie du site en sculptant à partir de l'acier produit à Aublange.

La dernière partie prenante est Daniel Longueville, homme politique, député du parti socialiste. Il convoite un maroquin, le portefeuille du ministère de l'Industrie, qui, il l'espère, lui permettra d'imposer nationalisation provisoire du site d'Aublange, et de sauver la production d'acier locale .Cet homme est en rupture, par rapport à ses origines modestes, il tente d'acquérir les codes pour s'imposer dans cet univers politique, cruel, implacable, surtout vis-à-vis de ceux non issus du sérail …
Isabelle Stibbe décrit l'intimité des réflexions de ces trois hommes, leurs ressorts les plus secrets, les plus intimes ; chacun contribuant pour sa part à enrichir cette réflexion sur le monde moderne, sur la condition ouvrière, sur l'art, sur le monde moderne, la nécessité de rêver grand, si l'on ne veut pas capituler en rase campagne et renoncer à ses idéaux, à transformer le monde.

L'un des grands mérites de ce roman est d'associer de nouveau la notion de beauté à l'univers ouvrier : celui de la production pure, brute : »Ne me branche pas là-dessus parce que je ne peux plus m'arrêter. C'est extraordinaire quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable(…) C'est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au monde, et tu l'aimes ton usine, tu l'as dans la peau. »
Par ailleurs, les personnages nous attachent en ce qu'ils sont en situation, pour des raisons différentes tenant à leur parcours, de donner le meilleur d'eux-mêmes pour sauver ce site industriel.
Le sculpteur Max OBerlé y voit comme un rempart contre sa propre maladie « L'humanité contre la rigueur de la loi, le coeur contre le calcul politique. La violence de l'histoire d'Antigone faite de morts et de rébellion me paraît la plus proche de la violence en oeuvre à Aublange. (…) Antigone, celle qui dit non, c'est peut-être aussi ma façon, j'y songe soudain, de refuser mon cancer. »

On le voit, le roman d'isabelle Stibbe est un hommage aux héros positifs, au principe espérance .Il renoue avec des courants de la littérature française, Zola, Hugo, Aragon, Vailland, dont certaines citations sont, à bon droit, en exergue de certains paragraphes …Il instille l'idée, saugrenue de nos jours, que l'on ne doit pas, sous prétexte de courber l'échine sous un faux réalisme, renoncer à espérer, à changer le monde, à l'embellir .Peut-on décliner une telle proposition ?Assurément non .
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"Le P3 a été mis à l'arrêt."
Le P3 c'est l'avant-dernier haut fourneau encore en activité à Aublange. Quand la menace de fermeture définitive se précise, trois hommes se lancent dans une lutte éperdue pour empêcher l'arrêt. Trois hommes venus d'univers opposés mais tendus vers le même combat désespéré alors que la campagne présidentielle bat son plein.
Daniel, le député ambitieux, honteux de ses origines ouvrières, Max, le sculpteur célèbre qui, au seuil de la mort, fait le constat désenchanté de "n'avoir jamais connu la fraternité" et Pierre, le syndicaliste en colère au charisme flamboyant, remontent, dans de courts chapitres, aux origines de cette résistance.
Car la fermeture des hauts-fourneaux n'est pas seulement synonyme de chômage, de précarité et de désertification. Ce qui tremble de colère et de chagrin, dans le roman d'Isabelle Stibbe, c'est aussi la négation et la destruction brutales de l'histoire et de la culture des métallurgistes. Son écriture porte le drapeau de Zola, d'Hugo, de Jaurès lorsqu'elle décrit les hauts-fourneaux en marche, l'effrayante beauté de la coulée de fonte en fusion, le savoir-faire des hommes et leur "dignité combattante" malgré la fatigue des corps. Elle fouille les ressorts cachés des histoires singulières aussi bien qu'elle embrasse d'un mouvement ample et lyrique les paysages exsangues, privés des hommes qui leur ont donné une âme, génération après génération.
"Les maîtres du printemps" rend aux métallurgistes de Lorraine la part d'honneur et de dignité qui leur a été arrachée. C'est un grand et un très beau roman !
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" Le P3 a été mis à l'arrêt." Chronique d'une mort annoncée, celle du dernier haut-fourneau de Moselle, inspiré de l'histoire de Fondrange. Beauté et grandeur de la fonte en fusion, dans une vallée démantelée par les plans sociaux.
Dès l'avant-propos, Isabelle Stibbe, dont c'est le deuxième roman, nous met en garde:
" mais si les cieux de Lorraine vous paraissent gris et humides, si vous préférez des paysages plus riants. Japon florissant ou élégante Italie - ,attention ! Habitués des soirées à l'opéra, des cocktails et de l'entre-soi, amateurs d'histoires de couples qui s'enflamment, se délitent ou se trompent, ou de quêtes existentielles d'intellos nombrilistes du café de Flore ou de ses succédanés, vous risquez de vous égarer. Ici vous entendrez parler acier, métallurgistes, syndicalistes, ici vous entendrez parler usines,, nationalisations, chômage. Si pour vous ces mots sont synonymes de nuisances et de laideur, s'ils vous font l'effet de répulsifs....,refermez aussitôt ce livre ou, pour les plus modernes d'entre vous, éteignez votre liseuse, en tout cas passez votre chemin, ce texte n'est pas pour vous, autant vous prévenir tout de suite. Entre le ciel et la boue , préférez le ciel, c'est moins salissant."
Voilà c'est gonflé! Mais c'est tiré de l'avant-propos de ce magistral ouvrage "Les Maîtres du Printemps" L'auteure nous aura prévenu, elle ne fait ni dans la dentelle ni dans la mièvrerie et ça laisse augurer de la suite. Et c'est beau. La poésie n'est jamais loin car Isabelle Stibbe sait tout au long de ces pages rendre belle cette Lorraine moribonde à force de plans sociaux multipliés, d'oublis et de trahisons des gouvernants successifs. Beaux aussi sont les hommes qui y vivent et surtout y travaillent, l'aiment et la défendent, croient en elle coûte que coûte.
Roman choral: Trois hommes que tout semble sinon opposer du moins séparer, vont se rejoindre et se faire echo autour du dernier haut fourneau sur le point de fermer. Ils prennent la parole tour à tour, se mettent à nu.
Il y a d'abord Max, quatre-vingts ans, sculpteur internationalement reconnu, à qui la vie a toujours souri. Issu de la grande Bourgeoisie, il n'a jamais eu à se soucier de son quotidien. Aujourd'hui atteint d'un cancer, diminué, il rejette les ravages de la maladie sur son corps. Son dernier projet, une statue d'Antigone pour le Grand Palais, devient rempart contre la maladie. Le ministère de la culture lui propose ainsi de contribuer à la survie du Site en réalisant la sculpture à partir de l'acier produit à Aublange, oeuvre qui témoignera su savoir faire de ces métallurgistes bientôt condamnés au chômage. Le vieil homme solitaire est confondu par la beauté fraternelle et virile de ces hommes qui se battent pour leur emploi, leur usine, la Lorraine. Il se laisse gagner par leur cause. Mais la vie qui lui a jusque là tout donné, lui laissera-t-elle le temps determiner sa Monumenta en acier lorrain?
Il y a également Pierre, délégué syndical (il refuse les termes édulcorés de partenaires sociaux) sincère et charismatique qui sous la plume d'Isabelle Stibbe représente le syndicaliste dans ce qu'il a de noble, fils d'émigrés espagnol, il est arrivé en Moselle au plus fort du plein emploi, sans y être préparé, il va être l'objet d'un véritable coup de foudre pour l'acier, la fonte et le métal en fusion. Il s'implique corps et âme dans l'action syndicale, galérant entre joies et désillusions des luttes collectives. Il croit dur comme fer en un avenir pour la sidérurgie et pour le site.
Le troisième homme c'est Daniel, l'homme politique. Issu lui aussi du monde ouvrier, il a honte de ses origines, les renie même. Devenu avocat d'affaires à force de travail, il est entré en politique pour assouvir ses ambitions démesurées. Député, il aspire à la consécration en briguant le portefeuille de ministre de l'industrie, la fermeture du dernier haut fourneau pourrait lui offrir une voie royale, en défendant l'potion d'une nationalisation provisoire, tous les espoirs lui semblent permis. mais il n'est pas issu du sérail, on ne lui fera pas de cadeau, les codes pour s'imposer au sein de ses pairs en politique, il doit les acquérir tout seul et c'est une peinture d'un monde implacable et cruel qui nous est dévoilée. L'expérience lui permettra de redécouvrir la dignité et la fierté de la classe ouvrière.
Splendeurs et misères de la vallée de la Fensch, dans un concentré de beautés quasi toujours présentes en dépit des laideurs et dégâts de la Finance essaimés en filigrane, l'auteure au travers des propos de trois protagonistes, nous invite à une réflexion en profondeur sur la notion de beau associée à l'univers de l'usine et de l'ouvrier, mais aussi sur l'art, l'évolution du monde et le besoin de continuer à rêver, parce que malgré tout les drames humains sous jacents ce livre est un livre d'espoir, d'espoir en l'homme surtout. Chacun des trois hommes va trouver en lui ce qu'il a de meilleur pour sauver Aublange, l'humanité en réponse à la loi, le cœur contre la bassesse politique. Le Héros est ici toujours positif et c'est une véritable invitation à l'espoir que ce livre. Invitation vraie à l'espoir de pouvoir changer le monde, pouvoir le rendre beau et plus humain .
Dans un style épuré et fluide c'est une lettre d'amour à la Lorraine, terre déchue à la robe déchirée, violentée, terre en colère que nous offre Isabelle Stibbe
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