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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je ne me doutais pas en m'emparant de ce livre couleur safran, maison d'édition oblige, je suppose, en le choisissant justement pour son orangé qui invariablement chez moi ravive le doux souvenir d'un célèbre dinosaure télévisuel (tant pis, j'assume), je ne me doutais pas, disais-je, à sa couverture soyeuse et à son titre fleuri (tiré d'une magnifique citation de Pablo Neruda) que l'auteure allait proposer de nous plonger à l'opposé du doux, du soyeux et du fleuri, dans un univers d'acier, de bruit, d'incandescence et de métal en fusion, le tout avec un arrière-plan de crise et de lutte ouvrière.
En Moselle, la vallée de la Fensch déroule ses usines sidérurgiques et ses menaces de fermeture. Des logiques financières de grands groupes sont à l'oeuvre, dépassant complètement voire méprisant la volonté farouche de centaines d'ouvriers de maintenir l'activité du dernier haut-fourneau d'Aublange, la volonté de poursuivre un métier qui avait été garanti à vie aux générations précédentes, récompense attendue, telle un accord tacite inoxydable pour prix de la dureté et du danger. Des logiques qui font fi d'une rentabilité pourtant immédiate et d'une demande mondiale évidente sur l'acier. Derrière l'histoire d'Aublange, c'est celle, réelle, mouvementée, douloureuse de Florange (son usine, son projet de nationalisation temporaire, sa loi du même nom) qui nourrit l'inspiration de l'auteure.
Trois hommes vont se retrouver au coeur de la lutte et donner une dimension chorale au roman.
Pierre Artigas, fils d'immigrés espagnols venus tenter leur chance en Lorraine à l'époque où elle embauchait, est tombé amoureux du métier à la minute où il a assisté au spectacle de la fonte en fusion (le lecteur aussi est fasciné tant l'auteure sait magnifiquement le décrire et le faire partager). D'abord ouvrier « par défaut », pour cause d'ascenseur social bloqué, Pierre s'est efforcé de devenir un excellent fondeur, fier de ses gestes et de son expérience, conscient du savoir-faire hérité. le syndicalisme est une affaire de famille chez les Artigas (parfois payée au prix fort). Lorsque la menace de fermeture de l'usine à chaud se concrétise, Pierre s'implique sans compter pour l'empêcher. Avec sa bouille charismatique et son verbe haut, il devient vite le chouchou des médias tout autant qu'un symbole. C'est l'ouvrier qui refuse de se soumettre tandis qu'Aublange et son avenir incertain font figure de miroir du déclin industriel français.
Daniel Longueville, fils d'ouvriers lui aussi mais pas spécialement fier de l'être. A eu très vite la volonté chevillée au corps de s'extirper de son milieu, est devenu avocat d'affaires puis est entré dans la carrière politique : député, ministre et ne compte pas s'arrêter là. A le verbe haut lui aussi mais ne le met pas au service des mêmes causes. Vivait assez bien son statut de transfuge social (pour employer un terme cher à Annie Ernaux) jusqu'à ce que le dossier Aublange et ses enjeux lui rappellent que dignité ouvrière ne forme pas un oxymore.
Max Oberlé, sculpteur coté dont les oeuvres monumentales sont commandées par les salles d'exposition les plus prestigieuses. Issu de la grande bourgeoisie, il n'a jamais eu à se préoccuper du sort des ouvriers, a accompli son parcours professionnel en solitaire en rencontrant certes reconnaissance et notoriété mais sans jamais éprouver la joie de la fraternité, de l'appartenance au groupe et des "espoirs partagés". Âgé et malade, il est ému par le combat des "Aublanges" et aimerait que son Monumenta, tout en acier lorrain, témoigne de leur savoir-faire et serve leur cause.
C'est avec une très belle qualité d'écriture qu'Isabelle Stibbe rend compte de l'âpreté de cette lutte et des enjeux humains qui lui sont attachés. le vocabulaire est juste, pertinent, riche ; le style s'autorise quelques envolées lyriques ou musclées mais toujours bien dosées. L'auteure semble à l'aise dans la pugnacité (des réflexions bien senties sur les dommages du libéralisme et de la mondialisation) comme dans l'évocation poétique, presque nostalgique déjà d'un monde ouvrier appelé à se justifier d'exister encore. Mais l'on perçoit que, tel un chevalier, elle bataille justement contre une nostalgie possible qui signifierait que cette activité se conjugue au passé, activité qu'elle veut présente, réelle et non masquée par des parcs d'attraction ou des musées, des ouvriers qu'on laisse travailler, tout simplement.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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Petite découverte de ce livre à l'écriture ciselée, au charme poétique, d'humeur familière, aux cris Cyniques, d'un sujet brulant touchant notre société présente, notre quotidien, c'est le combat entre l'humanité et le pouvoir de l'argent.
Les maîtres du printemps, d'Isabelle Stibbe, est un roman qui retrace le combat d'une région, la Lorraine, d'une ville, Aublange, de ces ouvriers, des Hauts fourneaux d'Aublange, et de l'histoire de ces trois hommes que tout oppose. Un métallurgiste syndicaliste d'origine espagnol, un politicien socialiste ministre de l'Industrie issu d'une famille ouvrière et un Sculpteur de renom octogénaire atteint d'un cancer dans sa dernière oeuvre Antigone... Un chassé-croisé entre ses trois personnages où leurs pensées tissent la toile de l'intrigue de ce roman. Isabelle, dans cette recherche de proximité, entremêlent les diverses émotions de ces trois hommes entre réflexions, réponses à des questions, discours, lettres, avec cette écriture plus intime. le sujet fait écho à celui de Florange et de la lutte des ouvriers pour garder en vie cette région avec la préservation de ses emplois…
Nous pénétrons dans les coulisses et les états d'âme de tous ses protagonistes dans la lutte humaine face au pouvoir des finances, ce combat de certains hommes face à leur destin et leur passé, source d'un avenir marqué au fer rouge, prisonnier incertain de cette enfance perdu dans l'abime de leur carrière...
Ce roman court pose cette question sociétale de l'argent, du chômage, du choix, d'avenir, de l'espérance, de la lutte, des ambitions, de la politique, de ces maux qui gangrènent la vie.
La poésie du portrait de ces hauts fourneaux où la lave chante, où la mélodie prosaïque d'Isabelle Stibbe caresse avec émotion la chaleur fusionnelle de cette naissance de l'acier. Un roman juste à la saveur légère du roman d'Émile Zola, Les Rougon-Macquart, tome 13 : Germinal.
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Magnifique roman choral sur les Hauts Fourneaux de Florange en Lorraine. Trois personnages : Un métallurgiste, un sculpteur et un député aux dents longues. A priori, ils n'ont aucun point commun...seule l'envie de sauvegarder ces Hauts Fourneaux qui ont fait vivre des centaines de familles pendant plusieurs générations et qui malheureusement vont partir en fumée. Tiré d'une histoire vraie...
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Très directement inspiré de la fermeture du denier haut fourneau lorrain, le site continue d'ailleurs aujourd'hui à fournir de l'acier très haut de gamme élaboré à froid, Isabelle Stibbe nous livre un roman à trois voix, qui racontent dans un laps de temps très réduit entre l'annonce de l'extinction par l'indien désormais propriétaire du groupe fleuron des Wendel, la dernière coulée et le suspens sur l'avenir du site juste après l'élection du président Hollande où la nationalisation était presque décidée ?...
Ce temps de tensions sociales extrêmes est en fait l'occasion de trois méditations, introspectives, entrecroisées sur le destin individuel, les marqueurs de l'enfance, l'ambition, les doutes, les regrets aussi, qui tiennent une place centrale.
Pierre le syndicaliste veut y croire et lutte contre son désespoir lucide, c'est aussi un ancien excellent ouvrier passionné pour la fonte "phase liquide ". Max artiste sculpteur très bourgeois-équilibré découvre la solidarité et se demande s'il n'est pas passé à côté de l'essentiel en croyant avoir réussi sa vie , il a 80 ans.... L'heure du bilan.... Daniel homme politique,
ministrable, puis ministre répond au questionnaire de Proust, ce qui structure son récit, ses doutes, sa honte d'être d'origine sociale populaire et ouvrière, honte qui le sublime au fond dans son combat pour tenter de donner un avenir au site.
Ce roman a une vraie force poétique sur ce monde des usines, des hauts-fourneaux lorrains , de la force de la culture ouvrière vue de l'intérieur.
J'ai aimé cette manière originale, structurée de traiter le sujet, par le lien entre des personnes et des événements qui à la fois les dépassent et les forgent pour devenir des héros. Pour finir et pour vous donner un aperçu de la tonalité que je trouve très juste du roman, eu égard à l'échelle des problèmes sociaux engendrés par ces suppressions de grands sites industriels régionaux et dont la rationalité économique de long terme nous échappe, je m'autorise à citer la phrase qu'Isabelle Stibbe a choisit de mettre en exergue de son dernier chapitre :
" Faire au sort violence est l'humeur des héros . Et ce désespoir-là seul et grand et sublime Qui donne un dernier coup de talon a l'abîme "
Victor Hugo
Combattre et résister c'est aussi se donner de l'air pour affronter la vie, ses nouvelles donnes subies, parfois subites ... Pour soi ou pour les autres .

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J'ai lu ce livre un peu par hasard, il fait parti de la sélection Prix Merlieux des Bibliothèque 2016.
J'ai quitté ma Lorraine natale depuis trop longtemps mais en me plongeant dans ce roman j'ai pu retourner à nos repas de famille dans la vallée des "Anges".
Ce fut un grand moment d'émotion que le destin de ces trois hommes que tout oppose mais aussi une belle leçon de solidarité.
Je serai ravie de rencontrer l'auteure en septembre prochain à Merlieux.
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l'écriture énergique de l'auteure rend attachant le monde de l'industrie métallurgique tout en faisant des portraits percutants de ses personnages.

C.Meaudre
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Le lecteur est prévenu dans les toutes premières pages du roman d'Isabelle Stibbe : ce qui va suivre est de la littérature qui salit, qui cogne et qui fait du bruit ; celui que cela effraie est prié d'en rester là ou de ne pas se plaindre. Mise en garde maligne qui suscite bien sûr la curiosité et l'envie de tourner la page... Bien lui en prendra, au lecteur !

Fiction sociale, économique et politique, Les maîtres du printemps relate le combat des métallurgistes lorrains pour empêcher la fermeture des derniers hauts-fourneaux d'Aublange (incarnation romanesque de Florange), d'octobre 2011 à novembre 2012. Pivot chronologique et dramaturgique : la victoire socialiste de mai 2012, avec les espoirs, les promesses et les ambitions qu'elle fait naître.

La romancière a choisi trois voix et trois couleurs, pour personnifier et symboliser les réactions de différents milieux au démantèlement industriel qui menace le pays :

* Pierre Artigas (le rouge)
Fils d'ouvrier syndicaliste espagnol installé en Lorraine, ouvrier et syndicaliste lui-même sur le site d'Aublange, il est fidèle et fier de ses origines prolétaires. Entiché à force du dur travail du métal en fusion (rouge), il met toute sa volonté à se battre et à entraîner ses compagnons dans la lutte. Ses qualités de meneur en font très vite la coqueluche des médias.

* Max Oberlé (le gris)
Le vieux sculpteur a toujours eu le coeur à gauche malgré sa naissance privilégiée, une carrière enviable et de nombreux succès artistiques.Tardivement et naïvement, il prend conscience de l'existence de la classe ouvrière et décide d'une action à sa mesure pour soutenir le combat des métallos : réaliser une sculpture en acier (gris) pour l'exposition Monumenta au Grand Palais. A l'occasion de la marche des ouvriers sidérurgistes sur Paris (Tour Eiffel) en mars 2012, il fait la connaissance des deux autres.

* Daniel Longueville (le blanc)
Ce fils d'ouvrier s'est extrait tout seul d'une condition modeste qu'il a voulu renier en faisant des études supérieures, en devenant avocat, puis politicien (col blanc). Son engagement politique à gauche et ses compétences lui valent d'être appelé dans le premier gouvernement socialiste, et de jouer un rôle important dans la recherche d'une solution au problème Aublange.

Sujet fort, personnages puissants, écriture et construction magistrales : une lecture exigeante, mais passionnante.
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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Petite pause au coeur de cette rentrée littéraire avec un livre exhumé au hasard de ma PAL, un roman roman social choral inspiré par la fermeture des hauts-fourneaux de Lorraine.

Isabelle Stibbe dresse le portait de trois hommes que tout sépare et dont les vies vont s'entrechoquer. Les ambitions personnelles des uns nourrissant les espoirs des autres.

Pierre Artigas, est métallurgiste-syndicaliste dans le dernier haut-fourneau de Moselle, à Aublange. Cet homme charismatique, fils d'une famille d'immigré espagnol, élevé aux valeurs du travail et de la solidarité ouvrière, s'implique envers et contre tout pour tenter de sauver son entreprise.

Daniel Longueville, fils d'ouvrier lui aussi mais en rupture avec ses origines sociales est un député ambitieux qui convoite le portefeuille du ministère de l'Industrie dans l'espoir de nationaliser le site d'Aublange et de sauver la production d'acier locale.

Max Oberlé, sculpteur, octogénaire atteint d'un cancer a bâti sa réputation sur des oeuvres monumentales et a pour ultime projet une sculpture pour la nef du Grand Palais à Paris.

Les pensées des trois protagonistes tissent la toile de l'intrigue de ce roman. Pierre, Daniel et Max vont se retrouver coeur de la lutte. Les espoirs des ouvriers entrent en résonance avec les trahisons des politiques et des actionnaires, la lutte humaine fait face au pouvoir implacable de la finance … la bataille est-elle perdue d'avance ?

Très largement inspiré par la fermeture des hauts-fourneaux de Florange, ce roman porte à réflexion sur la condition ouvrière, la mondialisation … et sur le monde de l'art.
D'une écriture soignée, juste, Isabelle Stibbe relate l'âpreté de cette lutte avec parfois de belles envolées lyriques. J'ai dévoré la première partie, m'immergeant dans cet univers d'acier en fusion, « ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable », monde de bruit et de fureur. Une belle découverte.
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Aublange, 1992. Comme dans l'ensemble du Pays Haut, l'industrie va à vau l'eau, laissant des travailleurs dans l'attente et l'inquiétude, avec toutefois une lueur d'espoir quant à l'avenir proche de leur usine.
C'est cela qu'Isabelle Stibbe nous livre dans ce très beau roman à 4 voix : le syndicaliste, le sénateur devenu Ministre de l'Industrie fils d'ouvrier reniant ses origines mais totalement investi dans son mandat pour tenter de sauver le site d'Aublange, l'artiste en fin de vie et, enfin, la voix off de l'écrivain.
A lire sans modération !
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