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Un roman intrigant , moderniste traitant d'un moment colonial, narré dans un état d'esprit postcolonial. Nous sommes en Papouasie -Nouvelle-Guinée dans les îles Trobriand en 1959, alors qu'elle est sous le statut de Territoire australien. Ce livre publié vingt ans plus tard en 1979, lorsque le pays a déjà gagné son indépendance est écrit par un auteur australien, Randolph Stow qui s'y trouvait à la même époque dans ces même îles où se passe l'histoire.

Un roman choral au total avec huit voix distinctes dont celles des indigènes , dont la majorité sont les domestiques des Dimdims , les Blancs, et celles des Dimdims en mission du gouvernement australien et d'un propriétaire de plantation. Dans un rapport de force entre les deux partis , propre à l'ère coloniale, à travers le clash des cultures on suit l'histoire de leurs rencontres de huit différentes perspectives. La structure chorale est intéressante mais labyrinthique , car les problèmes évidents entre les deux cultures mais aussi entre chaque culture et ses personnages ne se révèlent que par bribes . Donc une relecture est souvent nécessaire pour apprécier les subtilités des conflits , le tragique des métissages culturelles et les superstitions qui régissent ces sociétés indigènes , “Ta coutume est différente. Pour nous, si la boîte d'une femme passait par-dessus nos jambes comme ça, ça serait la fin.”, la fin étant l'impuissance sexuelle.
Pour les Dimdims la vie sur ces îles c'est l'isolation qui finit dans l'alcool, beaucoup d'alcool. Quand à leurs relations avec les femmes indigènes, pas très compliqué ,”Tu sais qu'y a jamais d'enfant….Et jamais beaucoup d'amour non plus. Tout ce qu'il y a, c'est de la curiosité, et ça, ça laisse pas de complication.” Vu que leur mission ou leur travail semble aussi assez léger , reste peu de consistance dans le sens de leur existence dans ces lieux où tout est “Sexe et ignames”, d'après leur propre aveu.
Or pour les Papous , c'est pire, « Ils vont, ils viennent,…..Hommes noirs, hommes blancs, pirogues, steamers. Ils apportent leurs quelques-choses. Mais nous… nous restons et observons, c'est tout. Chaque jour pareil. »
Mais le coeur de l'histoire est tout autre : l'incident de Boianai, décrit au prologue, que je vous laisse découvrir, une histoire vraie largement couvert par la presse en 1959. Or cet incident ravivera les mythes et traditions de type « cargo » qui font probablement partie de l' expérience millénaire et de la mémoire ancestrale des Papous, entraînant la suite du récit dans une turbulence incroyable qu'on lit d'une traite.
Le titre « The Visitants » ici laisse perplexe. Entre les visiteurs qui débarquent en steamer sur ces îles, ou ceux qui apparaissent et repartent comme ceux de l'incident du Boianai , les vrais visiteurs réellement effrayants seraient plutôt ceux qui se logent en nous : les nouvelles coutumes propagées dans la nouvelle génération.
Ne passez pas à côté de ce livre très particulier récemment publié en français, et Bonne Année à toute la communauté babeliote !

“Ce soir-là, entre Kaga et Kailuana, la mer s'est dissoute en une lisse courbe de bleu sans fond et le bleu du ciel s'est estompé et mué en vert : un ciel vert pomme et vert paon déversant une lumière rose et dorée. L'Igau s'est nimbé de rose dans cette lueur qui colorait aussi la mer, si bien que celle-ci est passée du bleu lavande au violet profond pendant que les visages et les silhouettes des gens viraient au fantomatique et à l'étrange.”
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De l'intérêt des bouées.


J'ai attaqué bille en tête The Visitants, grisé par les belles critiques d'Idil@Bookycooky et de Pat@Patsales .
Ce livre me faisait top envie :
Un écrivain australien quasi-inconnu, un livre publié en 1979 mais se situant dans les îles Trobiand en 1959, des voix papoues audibles depuis l'indépendance en 1975, un récit de mythes, de coutumes et de colonisation. C'est tout fait mon truc.
La couverture, magnifique avec son bel oiseau, est la marque de fabrique des éditions Au Vent Des îles (que j'aime beaucoup). La couverture, donc, n'attendait que d'être tournée par mes doigts fébriles mais précautionneux. Je tenais là une pépite, comme on dit aujourd'hui dans les billets-coups de coeur.
J'ai longuement caressé le papier de ces pages, à la texture si agréable.
Je tourne la première et c'est les dithyrambes de huit critiques qui m'accueillent avec « Un roman brillant et ambitieux » ou « un art de la narration à son plus haut niveau » et encore « En le relisant, quarante-trois ans après, The Visitants résonne plus neuf que jamais » etc;
Miam miam !

J'ai relu quatre ou cinq fois l'introduction intitulée « Ils apportent leurs quelques choses » signée par une certaine Drusilla Modjeska.
Disons-le tout net, une fois qu'on a compris ce dont il s'agit, remis un peu les choses en ordre, on s'aperçoit, un brin interloqué, que cette brave dame vient de nous raconter tout le livre, absolument tout le livre, résumé du début à la fin.
L'action ( enfin, façon de parler) se déroule sur une île périphérique de l'archipel des Trobiand, en Papouasie alors australienne où Randolph Stow a séjourné : Kailuana.
La note de la traductrice me laisse perplexe. Je la relis aussi plusieurs fois.
La Papouasie-Nouvelle Guinée est l'état le plus linguistiquement diversifiés au monde avec 851 langues connues.
« Nous avons en règle générale respecté la syntaxe et l'orthographe voulues par Randolph Stow pour rendre les prises de paroles des personnages en langue kiriwina.
Nous avons néanmoins consulté l'écrivain papou Russell Soaba pour vérifications et conseils. Concernant la prononciation du kiriwina, les voyelles se prononcent comme en italien et les consonnes comme en français.
Les groupes vocaliques ai, oi, au sont des diphtongues qui se prononcent aï, oï, aou. L'apostrophe placée entre deux voyelles (ex: a'i) indique qu'il faut les prononcer séparément (a-i) et non pas les fondre comme dans une diphtongue (ai) (ex: Naibusi/Tobeba'i). L'accent tonique tombe presque toujours sur l'avant-dernière syllabe.
Pour une approche de la complexité de la langue kiriwina, tant sur le plan syntaxique que conceptuel, et afin de rendre au mieux en français l'anglais métissé de kiriwina que nous donne à entendre l'auteur, nous avons consulté les ouvrages universitaires suivants: The making of the Kiriwina to English dictionary de Ralph Stanley Lawton (thèse de doctorat, Australian National Uni-versity, 2012) et les dictionnaires ¤££¤30De Ralph Stanley Lawton21¤££¤ et ¤££¤15De Ralph Stanley Lawton10¤££¤ anthropologue Edwin Hutchins . »


Nous voilà armés pour affronter ce roman polyphonique. Après un autre prologue qui dévoile qui sont The Visitants, on nous présente les cinq personnages auxquels on va donner la parole : deux blancs et trois papous. le personnage principal n'est qu'évoqué à la troisième personne. Il s'agit d'Alistair Cawdor, l'officier australien au triste sort. Autre légère singularité, aucun des personnages n'est appelé par son nom mais par des surnoms selon leur nationalité et la langue du locuteur. Cawdor devient par exemple Misa Kodo mais bon, c'est en fait un peu plus compliqué que cela.
Je lis une soixantaine de pages, m'arrête, vais boire un coup et les relis intégralement. Rien compris, je n'ai rien compris.
Il en faut beaucoup plus pour m'arrêter. J'ai lu Joyce et ce norvégien qui ne met aucune ponctuation pendant des milliers de pages (non, je frime , je n'ai pas encore lu Jon Fosse…). Donc je reprends en mode semi-méditatif. le roman n'est pas si long. Je vois que certaines phrases sont à peine traduites genre « Mon chagrin pour toi »…
Miracle, en quelques phrases tout s'éclaircit et nonobstant la difficulté à identifier certains protagonistes, je commence à cheminer à bonne allure.
Je fais le tour de l'île et je fais des tours en bateau. Je crois même, mais ce n'est pas si clair, être allé dans une autre île.

Mais, me direz-vous avec à propos, de quoi et de qui parle-t-on dans ce roman australo-papoue ? Alors en gros :
Un vieux planteur blanc s'est installé dans l'île au début du XXe siècle, il est entouré et servi par quelques locaux dont l'étonnante Salina, qui dégage une forte charge érotique. Il pleut tout le temps.
Des officiers et élèves officiers s'installent pour recenser et déterminer l'impôt.
Comme dans une tragédie shakespearienne hybridée au « Problème à trois corps », le sort de Cawdor est scellé. L'effet syncrétique du culte du Cargo, du christianisme et de l'atterrissage d'un OVNI donne à cette civilisation perdue et figée une formidable occasion sacrificielle.
Je ne sais pas ce qu'est réellement la morale de l'histoire, ni même si cela a de l'importance, ni même si elle existe : retour à la matrice originelle grâce à de grands orgies incestueuses; incommunicabilité entre hommes, familles, clans et peuples; tragédie des colonisations australes malgré de supposées transitions douces; prévalence des mythes sur la modernité…ou l'inverse ?

Je remercie infiniment la traductrice Nadine Gassie qui a du s'arracher quelques cheveux.
C'est grâce à elle que la lumière surgit parfois, lorsque les pluies tropicales s'arrêtent enfin, pour laisser respirer le ciel, ce ciel violet, baroque, couleur de mangue. .
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J'ai lu les premières pages dans un profond sentiment d'incompréhension. Roman polyphonique, ce livre fait alterner les voix de trois hommes blancs et de trois Papous, et il faut se familiariser un peu avec le parler des habitants de ces îles de la mer des Salomon, comprendre que l'officier Cawdor est appelé « Misa Kodo », que le jeune Mr. Dalwood ne fait qu'un avec « Misa Dolu'udi » et que le planteur McDonnel a pour nom « Misa Makadoneli » chez les Kiriwinas. le texte est émaillé de mots, voire de phrases, non traduits et quand ils le sont, c'est littéralement, sans effort de transposition, tels « Mon chagrin pour toi ».
Voici donc le lecteur (en l'occurrence la lectrice), balancé comme si ça ne suffisait pas in medias res, qui tente de comprendre désespérément quelque chose à la situation avant de saisir que l'essentiel est justement là: ces cinq hommes (dont un traducteur) et cette femme vivent les uns à côté des autres et ne se comprennent pas. Ils s'observent, s'étudient, interprètent. Mais ils ne se comprennent pas.
Le lecteur, au début, se raccroche à ce qu'il connaît et met cette étrangeté sur le compte du décalage culturel:
« — Vieille femme, j'ai dit, tu m'es toujours étrangère.
— Et tu m'es étranger », elle a dit. La lampe a balancé au bout de son bras grêle et elle a baissé les yeux sur mon corps, en souriant à demi. « La peau d'un étranger, elle a dit. Ô ta peau. Il n'y avait rien d'aussi doux, autrefois. Tu étais comme un porcelet nouveau-né. »
Mais les lignes de fracture ne se contentent pas d'opposer trois sujets de la reine Élisabeth II et trois Papous dubitatifs: haines, désirs, rivalités, suspicions font naître des alliances éphémères qui masquent mal la solitude des protagonistes. Cawdor, qui parle la langue des Kiriwinas, est aussi celui qui, en abandonnant toute posture, est le plus démuni: colonisateur qui se fond dans la culture du dominé, mâle cocufié et abandonné, il est considéré comme un "Martien" totalement étranger à la vie sur Terre.
Or, le culte du cargo, forgé par l'abondance des biens apporté par les Occidentaux par mer puis par air a créé un syncrétisme particulier dans les îles Salomon où le Christ en croix peut être remplacé par un pilote mort dans sa cabine de pilotage. Quand, en 1959, un O.V.N.I. est observé par plusieurs communautés, que faut-il en penser? Est-ce un Spoutnik ou la confirmations des croyances messianiques? Pour Cawdor, la révélation est sidérante: "On n'est pas seuls, il a gueulé. Ah, gros ballot, tu le vois donc pas? On n'est pas seuls."
Il s'agit donc de réparation: du retour au temps ancestraux où les Blancs n'avaient pas encore volé ce qui appartenait en commun à l'humanité; du retour à la matrice où les êtres étaient unis et non séparés.
C'est l'histoire d'un homme qui s'effondre en même temps qu'une génération figée dans ses coutumes, incapables de faire face aux changements et d'aller de l'avant.
C'est l'histoire d'un peuple et c'est aussi celle d'un homme, et la force de ce roman incomparable est que le récit ethnographique n'est jamais la métaphore de la dérive de Cawdor; ils existent fermement tous deux, se complètent et se répondent sans que jamais l'un soit au service de l'autre.
Qui sont ces "visitants" du titre? Sans doute la figure de l'altérité, qui nous interroge et peut nous détruire, et à laquelle pourtant nous devons bien nous confronter.
Cawdor n'y parviendra pas: sa mort annoncée dès le prologue, et dont l'enquête ne parviendra pas à éclaircir les zones d'ombres, ajoute à la tragédie de l'incommunicabilité, tandis que de plus jeunes -et de plus forts- deviendront les nouveaux héros de ce qui se définit finalement comme un roman de formation. Les forts vivront mais c'est le plus faible qui nous déchire le coeur.
Alors, pourquoi Stow est-il si peu connu? Ça me dépasse. Ce livre est un concentré d'intelligence à lire et à relire en sachant qu'on n'en épuisera jamais les mystères.
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Voici un étrange voyage proposé par Babelio et les éditions Au vent des îles, je les en remercie. Étrange, car le texte devient assez rapidement envoutant, peut-être cela est dû au principe particulier de la narration, à l'atmosphère envoutante, aux personnages très singuliers. Quoi qu'il en soit le sentiment d'être hypnotisé est là. Dans cette Papouasie, colonie australienne de la fin des années 50, le monde de l'homme blanc est encore entouré de mystère pour le papou. Pourtant, on sent percer les premiers signes qui mèneront certainement à l'indépendance.

Au-delà de l'écriture, Randolph Stow, a une belle idée, faire raconter des faits par différents individus, mais il touche au génie quand ces points de vue sont apportés par le colon et le colonisé. Cinq témoignages vont se croiser sur les journées qui précédent le décès d'Alistair Cawdor, un officier, représentant le gouvernement sur l'île de Kailuana. Les cinq personnages, un planteur blanc, Saliba sa domestique, l'élève officier Dalwood, l'interprète officiel Osana et Benoni, l'ambitieux papou héritier de l'île, vont être auditionnés.

Dès le début du roman, une ambiance moite et oppressante imprègne le lecteur jusqu'au trouble entre réalité et mythe. Randolph Stow, décrit avec des passages magnifiques l'environnement naturel de ces îles et aussi subtilement les caractères des personnages. Même si le roman n'est pas forcément facile à appréhender dès le début, avec des textes comportant des termes papous, on se laisse porter par la musique des mots.

Enfin, qui sont ces mystérieux visiteurs qui hantent les îles, des hommes des étoiles, les hommes blancs ou des fantômes ? Sans la proposition de Babelio et des éditions Au vent des îles, je n'aurais pas découvert cette oeuvre totalement hors normes.

❓Connaissez-vous d'autres romanciers australiens ?

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Un roman déstabilisant. C'est le seul terme que je trouve pour parler de cet objet littéraire qui m'a tenue en éveil des jours durant - il n'est pourtant pas bien long - et qui m'a entraînée dans les tours, les détours, les spirales d'une bien étrange histoire.
Ou de plusieurs. Car le récit de Randolph Stow se partage entre plusieurs voix, comme un chant polyphonique. La voix d'hommes blancs, la voix d'hommes noirs. Des femmes, aussi. C'est que la situation est inextricable, et chacun a son point de vue.
Nous sommes à la fin des années 1950, sur l'île de Kaliuana, archipel des Trobriand. Chez les Papous, pour faire simple. Sous tutelle australienne, pour compliquer un peu les choses. Alistair Cawdor et son stagiaire fraîchement débarqué, Tim Dalwood, viennent faire le tour des villages locaux pour le compte de l'administration. Logés chez un vieux planteur, MacDonnell, ils vont inspecter les alentours, recueillir les doléances des autochtones, prendre la température de ce bout de terre au bout du monde.
La fièvre, voilà ce qui les attend. Car le vieux chef local est un rusé renard, qui s'accroche au pouvoir tant qu'il le peut et contrarie les plans de son neveu, son successeur naturel, pour favoriser un homme étrange venu d'on ne sait où. Un homme aux yeux immenses, qui vous fixe comme s'il voulait vous jeter un sort. Et puis il y a cette rumeur insistante, qui parle d'autres visiteurs encore que les dimdims, les hommes blancs. Des visiteurs venus des étoiles. Quelque chose de terrible se prépare, en tout cas. N'a-t-on pas retrouvé les pierres sacrées déplacées de leur arrangement coutumier ? La peur transpire de tous les témoignages. Même la jeune servante du planteur, habituellement insouciante, commence à ressentir un malaise persistant. Cawdor lui-même, qui a pourtant une longue habitude des tribus et de la politique locale, s'y perd quelque peu; alors que dire de Tim, qui multiplie les bévues par ignorance des coutumes ? Et l'assistant papou qu'ils sont contraints de traîner à leur suite ne leur facilite pas les choses, avide qu'il est de la moindre parcelle de pouvoir ...
Au total, on est désorienté autant que ces visiteurs , et l'on ressent un sentiment d'urgence qui croît inéluctablement, doublé d'un sentiment d'impuissance, jusqu'au tragique dénouement.
Une grande histoire au total, magistralement racontée, et qui a valu un prix bien mérité à son auteur.

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Vertigineux, incontournable. Ouvrez-le, lisez-le, plus rien ne sera comme avant cette lecture polyphonique.
Les voix annoncent, dévoilent l'idiosyncrasie d'une île de Papouasie, celle de Kailuana, australienne. Les habitus, les étoiles dans les yeux, les battements d'ailes d'une île empreinte de force, de ténacité, de courants d'air et d'évènements qui vont tout brusquer.
On aime l'aura d'Alistair Cawdor. Cinq témoins sont interrogés par l'administration coloniale. Apprendre le nom : Alistair Cawdor. Dévoiler cet homme emblématique. Chacun (e) apporte sa pierre à l'édifice. du sable en main qui va s'écouler. L'épars d'une vie entre leurs lèvres. le rideau se lève sur un récit d'une beauté inouïe, doux et triste. Intransigeant de par son style, magnifique et engagé, précieux et inclassable. La poésie comme un chant triste. le déroulement de la vie d'Alistair Cawdor et tout ce qui a contré ou enchanté cette île d'une fraternité exemplaire. Un homme debout. Une figure inestimable et érudite. Un être épris de valeurs. Des myriades de délivrances. D'aucuns somment. Tous dévoilent une île et ses risques et complications. Jusqu'à cette machine-étoile aperçue en pleine voûte lactée et qui a dévoré trois des leurs. Serait-ce un mythe ? La vérité ? Une métaphore ? La trame est époustouflante.
« La lumière tombe à travers les persiennes, toute verte de feuilles. La piste de ses pas brille sur les nattes. Si tu ne savais rien de cette maison, tu saurais quelque chose de lui par ce scintillement. Tu dirais : il y a quelqu'un ici qui marche, marche entre les persiennes ».
La narration est un parchemin. L'imprévisibilité de l'advenir. le temps présent tiré au cordeau. Les voix chorales sont des fleurs qui s'entrouvrent subrepticement. Les parfums comme des illusions. La beauté comme point fixe. Alistair Cawdor, par lui tout arrive. L'électrochoc des dires et Randolf Stow élève ce macrocosme verbal avec une maîtrise au paroxysme des possibilités. L'art majeur et les connaissances exquises de cette île sont ici souffle réel et d'une valeur spéculative. L'île est l'épicentre de ce récit fabuleux et protégé, comme un parc naturel classé. Les rémanences des paroles annonciatrices sont un chant méconnu des lecteurs. On est sonné sous le charme et cette capacité extraordinaire (c'est bien le mot), d'écriture.
C'est le culte qui retourne le sablier. Magistral et dans cette temporalité, chère à la littérature. « The Visitants » est un chef-d'oeuvre indescriptible. Ce serait le trahir que de dire son poids immense sur nos vies. Julian Randolf Stow a publié ses premiers poèmes à l'âge de six ans. Il reçoit une deuxième Médaille d'or de la Société littéraire australienne, ainsi que le Miles Franklin Award : prix littéraire le plus prestigieux d'Australie. Il est salué par la critique comme « le plus invisible des grands romanciers australiens du XXe siècle ».
« The Visitants » est salutaire. L'épiphanie d'une île et de ses hôtes. Époustouflant, il est une chance éditoriale hors norme. Traduit à la perfection par Nadine Gassie. L'introduction par Drusilla Modjeska « Ils apportent leurs quelques-choses » est apprenante. On aime retenir cette dédicace d'Alistair Cawdor sur un livre « Histoire de la conquête du Mexique » laissé pour Dalwood avant son suicide : « Ne regrette rien. Tout ira bien, oui, toutes sortes de choses iront bien ».
Le génie littéraire !
Publié par les majeures éditions Au Vent des îles.
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C'est encore une fois une aventure dépaysante que nous proposent les éditions Aux vents des îles , avec une enquête sur une reculée l'île de Papouasie, appartenant encore à l'Australie, afin de faire la lumière sur le suicide d'Alistaire Cawdor.

Cinq voix, cinq témoins se relaient afin de reconstituer les événements et les mystères des jours précédents ce tragique événement.

Une construction narrative originale qui permet d'étudier différents points de vue, sur l'environnement naturel flamboyant, mais aussi sur les différentes relations, les tentions, les secrets, les non-dits entre les différents protagonistes. Ce livre tisse avec brio les liens culturels et sociaux qui divisent et qui rassemblent les colons et les autochtones.

Une île envoûtante tant dans l'éclat de sa flore et sa faune local, que dans ses traditions, son langage propre fidèlement restitué, que dans la force de ses personnage, notamment de cet Alistair Cawdor, personnage central de cette histoire, qui telle une étoile flamboyante ébloui ceux qui croisent sa route tout comme le lecteur.

Il faut aussi vous parler de cette étrange machine-étoile, objet non identifié aperçu par une quarantaine d'habitants de l'île... Est-ce une piste à envisager, une diversion, une métaphore...

Un livre incroyablement construit, envoûtant, déconcertant, profondément humain tout en restant proche de la nature, un roman polyphonique d'une modernité incroyable (écrit en 1979) que fait revivre pour nous les éditions @ , maison d'édition qui fait ressurgir du passé comme elle fait nous offre, ces voix océaniques accompagnées de toute leur culture.
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Randolph Stow est un auteur pratiquement inconnu en Europe alors que c'est un auteur culte en Australie. Il a remporté le prestigieux Prix Patrick White en 1979. Ce prix a été créé par Patrick White à l'issue du prix Nobel qu'il a reçu en 1973. Il récompense un écrivain pour l'ensemble de sa carrière mais dont l'oeuvre n'a pas été suffisamment reconnue.

Grâce à son parcours professionnel, Randolph Stow a pu approcher de près les cultures autochtones de Papouasie, au point d'apprendre leur langue, le kiriwina. Ce roman témoigne d'une grande sensibilité et de bienveillance à l'égard de ce peuple, ainsi que d'une volonté de rendre compte de leur structure sociale sans l'aseptiser ni la caricaturer.

Deux officiers du district d'Osiwa, sur une île reculée du Pacifique, doivent aller à la rencontre des différents villages dans les îles alentours pour effectuer un recensement. le plus aguerri, Cawdor, doit initier la nouvelle recrue, Dalwood. Cawdor connaît déjà tout le monde et assume son rôle de représentant du gouvernement tout en entretenant des relations cordiales voire amicales avec les Papous.

Dalwood est plutôt chien fou, excité par cette nouvelle aventure. Il doit encore apprendre les codes, manque souvent de tact. Mais rapidement, il est fasciné et intéressé par la culture indigène. Il n'a que dix-neuf ans et on sent qu'il fera un très bon agent, sachant se faire respecter tout autant qu'il respecte les Papous.

Une ombre au tableau cependant : Cawdor s'est suicidé. Tout le roman raconte les jours qui ont précédé ce tragique évènement. Cinq voix témoignent tour à tour, apportant leur éclairage sur les faits et sur l'atmosphère. Il y a les Blancs (dimdims) Dalwood et Macdonnell, un planteur installé depuis si longtemps qu'il fait partie du décor. Osana, le traducteur. Et Saliba et Benoni, deux Papous. Salina travaille pour Macdonnell et a un caractère de feu. Quant à Benoni, il est pressenti pour remplacer son oncle en tant que chef, mais des querelles intestines risquent de compromettre son avenir.

The visitants touche aussi à une croyance autochtone, le culte du cargo, qui tend à penser que des biens vont arriver, à l'instar des cargaisons immenses des blancs arrivées comme par magie, grâce à des rites. Il y a même une église avec un aviateur suspendu, ce qu'on peut trouver chez certains peuples païens. Les visiteurs qui donnent son titre au roman sont ces blancs, ces étrangers, mais aussi des visiteurs venus du ciel, car il semblerait qu'un objet volant non identifié avec des êtres visibles à bord survole parfois les plages de l'archipel.

Il n'est pas évident de rentrer dans le roman mais une fois la phase d'acclimatation passée, on est totalement aspiré par le souffle épique vertigineux, extrêmement dépaysant. Grâce à son attrait sincère pour la culture indigène, Randolph Stow parvient à créer une histoire qui nous ancre dans ce coin du monde, avec ses différences, ses particularités. L'emploi de la langue kiriwina et de ses expressions, utilisées avec une régularité qui nous les rend familières, est habile et colore agréablement le récit, lui donne encore plus d'authenticité.

Il y a vraiment de tout dans ce roman : une excellente intrigue, une polyphonie admirablement orchestrée, une écriture savoureuse, des personnages charismatiques et attachants malgré eux.

C'était une lecture magnifique, qui m'a totalement transportée et conquise. Une lecture d'autant plus marquante que je ne m'attendais pas à un tel coup de coeur.

Bravo et merci aux éditions polynésiennes Au vent des îles pour ce bel ouvrage qui me donne envie de poursuivre ma découverte de leur catalogue.
Lien : https://lejardindenatiora.wo..
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Mon avis se casse un peu les dents sur celui-là. Je ne peux pas dire que j'ai aimé… pas plus que je n'ai pas aimé. Je me sens déstabilisée. Une fois refermé, c'est le genre de roman dont les multiples messages continuent d'infuser et dont la profondeur se dévoile. Qui sont les « visitants » : les Blancs, les hommes des étoiles, les démons au fond de nous ?

Je ne peux que saluer la construction chorale, le papou qui se mêle à l'écriture pour une immersion très réussie et tout ce que ce livre véhicule de la presque-fin de l'ère coloniale. Six voix principales se renvoient la balle comme de rapides échanges de ping-pong. le propriétaire d'une plantation, sa jeune domestique, un interprète, un prince-héritier papou et deux officiers du gouvernement australien. Il faut s'accrocher pour démêler les sentiments troubles de chacun et voir se construire la fin funeste… L'atmosphère moite, angoissante et légèrement surnaturelle nous colle à la peau. Mais ça vaut le coup d'aller au bout !
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J'ai vite abandonné ce livre, mais je ne le juge pas. C'est juste que le style ne me convenait pas, le rythme très lent, les propos assez mystérieux, ce n'est pas ce que je recherchais.
Mais je ne voudrais pas surtout pas le dénigrer et décourager les autres.
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