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Nadine Gassie (Traducteur)
EAN : 9782367345277
320 pages
Au Vent des Iles (22/08/2023)
4.09/5   16 notes
Résumé :
Avec Visitants, Randolph Stow a remporté le Prix Patrick White, le Nobel australien, en 1979. Ce roman brillant, à la construction narrative audacieuse, est d'une Modernité absolue. Il parle des tourments humains, aussi bien à l'échelle individuelle que collective, avec une force et une intelligence vertigineuses, et les descriptions de l'environnement naturel ne sont pas en reste. Loin d'être un simple décor, il participe à la narration, il est un coeur palpitant, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Un roman intrigant , moderniste traitant d'un moment colonial, narré dans un état d'esprit postcolonial. Nous sommes en Papouasie -Nouvelle-Guinée dans les îles Trobriand en 1959, alors qu'elle est sous le statut de Territoire australien. Ce livre publié vingt ans plus tard en 1979, lorsque le pays a déjà gagné son indépendance est écrit par un auteur australien, Randolph Stow qui s'y trouvait à la même époque dans ces même îles où se passe l'histoire.

Un roman choral au total avec huit voix distinctes dont celles des indigènes , dont la majorité sont les domestiques des Dimdims , les Blancs, et celles des Dimdims en mission du gouvernement australien et d'un propriétaire de plantation. Dans un rapport de force entre les deux partis , propre à l'ère coloniale, à travers le clash des cultures on suit l'histoire de leurs rencontres de huit différentes perspectives. La structure chorale est intéressante mais labyrinthique , car les problèmes évidents entre les deux cultures mais aussi entre chaque culture et ses personnages ne se révèlent que par bribes . Donc une relecture est souvent nécessaire pour apprécier les subtilités des conflits , le tragique des métissages culturelles et les superstitions qui régissent ces sociétés indigènes , “Ta coutume est différente. Pour nous, si la boîte d'une femme passait par-dessus nos jambes comme ça, ça serait la fin.”, la fin étant l'impuissance sexuelle.
Pour les Dimdims la vie sur ces îles c'est l'isolation qui finit dans l'alcool, beaucoup d'alcool. Quand à leurs relations avec les femmes indigènes, pas très compliqué ,”Tu sais qu'y a jamais d'enfant….Et jamais beaucoup d'amour non plus. Tout ce qu'il y a, c'est de la curiosité, et ça, ça laisse pas de complication.” Vu que leur mission ou leur travail semble aussi assez léger , reste peu de consistance dans le sens de leur existence dans ces lieux où tout est “Sexe et ignames”, d'après leur propre aveu.
Or pour les Papous , c'est pire, « Ils vont, ils viennent,…..Hommes noirs, hommes blancs, pirogues, steamers. Ils apportent leurs quelques-choses. Mais nous… nous restons et observons, c'est tout. Chaque jour pareil. »
Mais le coeur de l'histoire est tout autre : l'incident de Boianai, décrit au prologue, que je vous laisse découvrir, une histoire vraie largement couvert par la presse en 1959. Or cet incident ravivera les mythes et traditions de type « cargo » qui font probablement partie de l' expérience millénaire et de la mémoire ancestrale des Papous, entraînant la suite du récit dans une turbulence incroyable qu'on lit d'une traite.
Le titre « The Visitants » ici laisse perplexe. Entre les visiteurs qui débarquent en steamer sur ces îles, ou ceux qui apparaissent et repartent comme ceux de l'incident du Boianai , les vrais visiteurs réellement effrayants seraient plutôt ceux qui se logent en nous : les nouvelles coutumes propagées dans la nouvelle génération.
Ne passez pas à côté de ce livre très particulier récemment publié en français, et Bonne Année à toute la communauté babeliote !

“Ce soir-là, entre Kaga et Kailuana, la mer s'est dissoute en une lisse courbe de bleu sans fond et le bleu du ciel s'est estompé et mué en vert : un ciel vert pomme et vert paon déversant une lumière rose et dorée. L'Igau s'est nimbé de rose dans cette lueur qui colorait aussi la mer, si bien que celle-ci est passée du bleu lavande au violet profond pendant que les visages et les silhouettes des gens viraient au fantomatique et à l'étrange.”
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De l'intérêt des bouées.


J'ai attaqué bille en tête The Visitants, grisé par les belles critiques d'Idil@Bookycooky et de Pat@Patsales .
Ce livre me faisait top envie :
Un écrivain australien quasi-inconnu, un livre publié en 1979 mais se situant dans les îles Trobiand en 1959, des voix papoues audibles depuis l'indépendance en 1975, un récit de mythes, de coutumes et de colonisation. C'est tout fait mon truc.
La couverture, magnifique avec son bel oiseau, est la marque de fabrique des éditions Au Vent Des îles (que j'aime beaucoup). La couverture, donc, n'attendait que d'être tournée par mes doigts fébriles mais précautionneux. Je tenais là une pépite, comme on dit aujourd'hui dans les billets-coups de coeur.
J'ai longuement caressé le papier de ces pages, à la texture si agréable.
Je tourne la première et c'est les dithyrambes de huit critiques qui m'accueillent avec « Un roman brillant et ambitieux » ou « un art de la narration à son plus haut niveau » et encore « En le relisant, quarante-trois ans après, The Visitants résonne plus neuf que jamais » etc;
Miam miam !

J'ai relu quatre ou cinq fois l'introduction intitulée « Ils apportent leurs quelques choses » signée par une certaine Drusilla Modjeska.
Disons-le tout net, une fois qu'on a compris ce dont il s'agit, remis un peu les choses en ordre, on s'aperçoit, un brin interloqué, que cette brave dame vient de nous raconter tout le livre, absolument tout le livre, résumé du début à la fin.
L'action ( enfin, façon de parler) se déroule sur une île périphérique de l'archipel des Trobiand, en Papouasie alors australienne où Randolph Stow a séjourné : Kailuana.
La note de la traductrice me laisse perplexe. Je la relis aussi plusieurs fois.
La Papouasie-Nouvelle Guinée est l'état le plus linguistiquement diversifiés au monde avec 851 langues connues.
« Nous avons en règle générale respecté la syntaxe et l'orthographe voulues par Randolph Stow pour rendre les prises de paroles des personnages en langue kiriwina.
Nous avons néanmoins consulté l'écrivain papou Russell Soaba pour vérifications et conseils. Concernant la prononciation du kiriwina, les voyelles se prononcent comme en italien et les consonnes comme en français.
Les groupes vocaliques ai, oi, au sont des diphtongues qui se prononcent aï, oï, aou. L'apostrophe placée entre deux voyelles (ex: a'i) indique qu'il faut les prononcer séparément (a-i) et non pas les fondre comme dans une diphtongue (ai) (ex: Naibusi/Tobeba'i). L'accent tonique tombe presque toujours sur l'avant-dernière syllabe.
Pour une approche de la complexité de la langue kiriwina, tant sur le plan syntaxique que conceptuel, et afin de rendre au mieux en français l'anglais métissé de kiriwina que nous donne à entendre l'auteur, nous avons consulté les ouvrages universitaires suivants: The making of the Kiriwina to English dictionary de Ralph Stanley Lawton (thèse de doctorat, Australian National Uni-versity, 2012) et les dictionnaires ¤££¤30De Ralph Stanley Lawton21¤££¤ et ¤££¤15De Ralph Stanley Lawton10¤££¤ anthropologue Edwin Hutchins . »


Nous voilà armés pour affronter ce roman polyphonique. Après un autre prologue qui dévoile qui sont The Visitants, on nous présente les cinq personnages auxquels on va donner la parole : deux blancs et trois papous. le personnage principal n'est qu'évoqué à la troisième personne. Il s'agit d'Alistair Cawdor, l'officier australien au triste sort. Autre légère singularité, aucun des personnages n'est appelé par son nom mais par des surnoms selon leur nationalité et la langue du locuteur. Cawdor devient par exemple Misa Kodo mais bon, c'est en fait un peu plus compliqué que cela.
Je lis une soixantaine de pages, m'arrête, vais boire un coup et les relis intégralement. Rien compris, je n'ai rien compris.
Il en faut beaucoup plus pour m'arrêter. J'ai lu Joyce et ce norvégien qui ne met aucune ponctuation pendant des milliers de pages (non, je frime , je n'ai pas encore lu Jon Fosse…). Donc je reprends en mode semi-méditatif. le roman n'est pas si long. Je vois que certaines phrases sont à peine traduites genre « Mon chagrin pour toi »…
Miracle, en quelques phrases tout s'éclaircit et nonobstant la difficulté à identifier certains protagonistes, je commence à cheminer à bonne allure.
Je fais le tour de l'île et je fais des tours en bateau. Je crois même, mais ce n'est pas si clair, être allé dans une autre île.

Mais, me direz-vous avec à propos, de quoi et de qui parle-t-on dans ce roman australo-papoue ? Alors en gros :
Un vieux planteur blanc s'est installé dans l'île au début du XXe siècle, il est entouré et servi par quelques locaux dont l'étonnante Salina, qui dégage une forte charge érotique. Il pleut tout le temps.
Des officiers et élèves officiers s'installent pour recenser et déterminer l'impôt.
Comme dans une tragédie shakespearienne hybridée au « Problème à trois corps », le sort de Cawdor est scellé. L'effet syncrétique du culte du Cargo, du christianisme et de l'atterrissage d'un OVNI donne à cette civilisation perdue et figée une formidable occasion sacrificielle.
Je ne sais pas ce qu'est réellement la morale de l'histoire, ni même si cela a de l'importance, ni même si elle existe : retour à la matrice originelle grâce à de grands orgies incestueuses; incommunicabilité entre hommes, familles, clans et peuples; tragédie des colonisations australes malgré de supposées transitions douces; prévalence des mythes sur la modernité…ou l'inverse ?

Je remercie infiniment la traductrice Nadine Gassie qui a du s'arracher quelques cheveux.
C'est grâce à elle que la lumière surgit parfois, lorsque les pluies tropicales s'arrêtent enfin, pour laisser respirer le ciel, ce ciel violet, baroque, couleur de mangue. .
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J'ai lu les premières pages dans un profond sentiment d'incompréhension. Roman polyphonique, ce livre fait alterner les voix de trois hommes blancs et de trois Papous, et il faut se familiariser un peu avec le parler des habitants de ces îles de la mer des Salomon, comprendre que l'officier Cawdor est appelé « Misa Kodo », que le jeune Mr. Dalwood ne fait qu'un avec « Misa Dolu'udi » et que le planteur McDonnel a pour nom « Misa Makadoneli » chez les Kiriwinas. le texte est émaillé de mots, voire de phrases, non traduits et quand ils le sont, c'est littéralement, sans effort de transposition, tels « Mon chagrin pour toi ».
Voici donc le lecteur (en l'occurrence la lectrice), balancé comme si ça ne suffisait pas in medias res, qui tente de comprendre désespérément quelque chose à la situation avant de saisir que l'essentiel est justement là: ces cinq hommes (dont un traducteur) et cette femme vivent les uns à côté des autres et ne se comprennent pas. Ils s'observent, s'étudient, interprètent. Mais ils ne se comprennent pas.
Le lecteur, au début, se raccroche à ce qu'il connaît et met cette étrangeté sur le compte du décalage culturel:
« — Vieille femme, j'ai dit, tu m'es toujours étrangère.
— Et tu m'es étranger », elle a dit. La lampe a balancé au bout de son bras grêle et elle a baissé les yeux sur mon corps, en souriant à demi. « La peau d'un étranger, elle a dit. Ô ta peau. Il n'y avait rien d'aussi doux, autrefois. Tu étais comme un porcelet nouveau-né. »
Mais les lignes de fracture ne se contentent pas d'opposer trois sujets de la reine Élisabeth II et trois Papous dubitatifs: haines, désirs, rivalités, suspicions font naître des alliances éphémères qui masquent mal la solitude des protagonistes. Cawdor, qui parle la langue des Kiriwinas, est aussi celui qui, en abandonnant toute posture, est le plus démuni: colonisateur qui se fond dans la culture du dominé, mâle cocufié et abandonné, il est considéré comme un "Martien" totalement étranger à la vie sur Terre.
Or, le culte du cargo, forgé par l'abondance des biens apporté par les Occidentaux par mer puis par air a créé un syncrétisme particulier dans les îles Salomon où le Christ en croix peut être remplacé par un pilote mort dans sa cabine de pilotage. Quand, en 1959, un O.V.N.I. est observé par plusieurs communautés, que faut-il en penser? Est-ce un Spoutnik ou la confirmations des croyances messianiques? Pour Cawdor, la révélation est sidérante: "On n'est pas seuls, il a gueulé. Ah, gros ballot, tu le vois donc pas? On n'est pas seuls."
Il s'agit donc de réparation: du retour au temps ancestraux où les Blancs n'avaient pas encore volé ce qui appartenait en commun à l'humanité; du retour à la matrice où les êtres étaient unis et non séparés.
C'est l'histoire d'un homme qui s'effondre en même temps qu'une génération figée dans ses coutumes, incapables de faire face aux changements et d'aller de l'avant.
C'est l'histoire d'un peuple et c'est aussi celle d'un homme, et la force de ce roman incomparable est que le récit ethnographique n'est jamais la métaphore de la dérive de Cawdor; ils existent fermement tous deux, se complètent et se répondent sans que jamais l'un soit au service de l'autre.
Qui sont ces "visitants" du titre? Sans doute la figure de l'altérité, qui nous interroge et peut nous détruire, et à laquelle pourtant nous devons bien nous confronter.
Cawdor n'y parviendra pas: sa mort annoncée dès le prologue, et dont l'enquête ne parviendra pas à éclaircir les zones d'ombres, ajoute à la tragédie de l'incommunicabilité, tandis que de plus jeunes -et de plus forts- deviendront les nouveaux héros de ce qui se définit finalement comme un roman de formation. Les forts vivront mais c'est le plus faible qui nous déchire le coeur.
Alors, pourquoi Stow est-il si peu connu? Ça me dépasse. Ce livre est un concentré d'intelligence à lire et à relire en sachant qu'on n'en épuisera jamais les mystères.
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Un roman déstabilisant. C'est le seul terme que je trouve pour parler de cet objet littéraire qui m'a tenue en éveil des jours durant - il n'est pourtant pas bien long - et qui m'a entraînée dans les tours, les détours, les spirales d'une bien étrange histoire.
Ou de plusieurs. Car le récit de Randolph Stow se partage entre plusieurs voix, comme un chant polyphonique. La voix d'hommes blancs, la voix d'hommes noirs. Des femmes, aussi. C'est que la situation est inextricable, et chacun a son point de vue.
Nous sommes à la fin des années 1950, sur l'île de Kaliuana, archipel des Trobriand. Chez les Papous, pour faire simple. Sous tutelle australienne, pour compliquer un peu les choses. Alistair Cawdor et son stagiaire fraîchement débarqué, Tim Dalwood, viennent faire le tour des villages locaux pour le compte de l'administration. Logés chez un vieux planteur, MacDonnell, ils vont inspecter les alentours, recueillir les doléances des autochtones, prendre la température de ce bout de terre au bout du monde.
La fièvre, voilà ce qui les attend. Car le vieux chef local est un rusé renard, qui s'accroche au pouvoir tant qu'il le peut et contrarie les plans de son neveu, son successeur naturel, pour favoriser un homme étrange venu d'on ne sait où. Un homme aux yeux immenses, qui vous fixe comme s'il voulait vous jeter un sort. Et puis il y a cette rumeur insistante, qui parle d'autres visiteurs encore que les dimdims, les hommes blancs. Des visiteurs venus des étoiles. Quelque chose de terrible se prépare, en tout cas. N'a-t-on pas retrouvé les pierres sacrées déplacées de leur arrangement coutumier ? La peur transpire de tous les témoignages. Même la jeune servante du planteur, habituellement insouciante, commence à ressentir un malaise persistant. Cawdor lui-même, qui a pourtant une longue habitude des tribus et de la politique locale, s'y perd quelque peu; alors que dire de Tim, qui multiplie les bévues par ignorance des coutumes ? Et l'assistant papou qu'ils sont contraints de traîner à leur suite ne leur facilite pas les choses, avide qu'il est de la moindre parcelle de pouvoir ...
Au total, on est désorienté autant que ces visiteurs , et l'on ressent un sentiment d'urgence qui croît inéluctablement, doublé d'un sentiment d'impuissance, jusqu'au tragique dénouement.
Une grande histoire au total, magistralement racontée, et qui a valu un prix bien mérité à son auteur.

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Vertigineux, incontournable. Ouvrez-le, lisez-le, plus rien ne sera comme avant cette lecture polyphonique.
Les voix annoncent, dévoilent l'idiosyncrasie d'une île de Papouasie, celle de Kailuana, australienne. Les habitus, les étoiles dans les yeux, les battements d'ailes d'une île empreinte de force, de ténacité, de courants d'air et d'évènements qui vont tout brusquer.
On aime l'aura d'Alistair Cawdor. Cinq témoins sont interrogés par l'administration coloniale. Apprendre le nom : Alistair Cawdor. Dévoiler cet homme emblématique. Chacun (e) apporte sa pierre à l'édifice. du sable en main qui va s'écouler. L'épars d'une vie entre leurs lèvres. le rideau se lève sur un récit d'une beauté inouïe, doux et triste. Intransigeant de par son style, magnifique et engagé, précieux et inclassable. La poésie comme un chant triste. le déroulement de la vie d'Alistair Cawdor et tout ce qui a contré ou enchanté cette île d'une fraternité exemplaire. Un homme debout. Une figure inestimable et érudite. Un être épris de valeurs. Des myriades de délivrances. D'aucuns somment. Tous dévoilent une île et ses risques et complications. Jusqu'à cette machine-étoile aperçue en pleine voûte lactée et qui a dévoré trois des leurs. Serait-ce un mythe ? La vérité ? Une métaphore ? La trame est époustouflante.
« La lumière tombe à travers les persiennes, toute verte de feuilles. La piste de ses pas brille sur les nattes. Si tu ne savais rien de cette maison, tu saurais quelque chose de lui par ce scintillement. Tu dirais : il y a quelqu'un ici qui marche, marche entre les persiennes ».
La narration est un parchemin. L'imprévisibilité de l'advenir. le temps présent tiré au cordeau. Les voix chorales sont des fleurs qui s'entrouvrent subrepticement. Les parfums comme des illusions. La beauté comme point fixe. Alistair Cawdor, par lui tout arrive. L'électrochoc des dires et Randolf Stow élève ce macrocosme verbal avec une maîtrise au paroxysme des possibilités. L'art majeur et les connaissances exquises de cette île sont ici souffle réel et d'une valeur spéculative. L'île est l'épicentre de ce récit fabuleux et protégé, comme un parc naturel classé. Les rémanences des paroles annonciatrices sont un chant méconnu des lecteurs. On est sonné sous le charme et cette capacité extraordinaire (c'est bien le mot), d'écriture.
C'est le culte qui retourne le sablier. Magistral et dans cette temporalité, chère à la littérature. « The Visitants » est un chef-d'oeuvre indescriptible. Ce serait le trahir que de dire son poids immense sur nos vies. Julian Randolf Stow a publié ses premiers poèmes à l'âge de six ans. Il reçoit une deuxième Médaille d'or de la Société littéraire australienne, ainsi que le Miles Franklin Award : prix littéraire le plus prestigieux d'Australie. Il est salué par la critique comme « le plus invisible des grands romanciers australiens du XXe siècle ».
« The Visitants » est salutaire. L'épiphanie d'une île et de ses hôtes. Époustouflant, il est une chance éditoriale hors norme. Traduit à la perfection par Nadine Gassie. L'introduction par Drusilla Modjeska « Ils apportent leurs quelques-choses » est apprenante. On aime retenir cette dédicace d'Alistair Cawdor sur un livre « Histoire de la conquête du Mexique » laissé pour Dalwood avant son suicide : « Ne regrette rien. Tout ira bien, oui, toutes sortes de choses iront bien ».
Le génie littéraire !
Publié par les majeures éditions Au Vent des îles.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Mister Dalwood avait trouvé un petit bernard-l’hermitte sans maison et il cherchait un coquillage à lui donner. Quand il a fini par trouver un coquillage, le crabe ne voulait pas y entrer parce qu’il y avait un autre crabe dedans. Alors Mister Dalwood a cherché encore et enfin il a trouvé un coquillage vide. Il était trop grand mais le crabe est rentré dedans et a filé. « Ma bonne action pour la journée », a dit Mister Dalwood
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Un souffle de vent a balayé la coursive au moment où je me détournais de la porte, apportant avec lui tous les parfums du matin : la mer et l’herbe, les poules et les fleurs de frangipanier, les feuilles qui dégagent toutes les odeurs possibles entre foin et vanille. Sur la véranda, j’ai empli mes poumons de cette senteur sucrée-salée de l’île après l’aube. J’ai pris ma place à la table au bord de la véranda et cherché des yeux en contrebas, à travers les rudes feuilles d’un papayer claquant au vent, le lagon étincelant et l’igau immaculé qui allait nous emmener à travers toute cette fraîcheur vers une fraîcheur renouvelée.
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Et j’ai pensé : la honte est très puissante, la honte est terrible, surtout la honte d’un homme. J’ai pensé : voilà une chose capable de tuer, la honte d’un homme.
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C’était seulement les yeux. Dieu sait qu’il n’avait pas grand-chose de plus pour lui. Une crevette d’homme d’âge moyen, avec une tignasse de boucles noires, en vieux short de l’armée si élimé qu’on pouvait voir le cache-sexe en fourreau d’aréquier qu’il portait en deuxième ligne de défense. Mais tellement immobile, comme s’il n’avait pas bougé depuis des heures. Et quand il a ouvert la bouche et que j’ai vu la noix de bétel sur ses dents et su qu’il allait me parler, j’ai eu très peur un instant, comme on peut avoir peur des bruits de la nuit même si on sait qu’on croit pas aux esprits.
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