Randolph Stow est un auteur pratiquement inconnu en Europe alors que c'est un auteur culte en Australie. Il a remporté le prestigieux Prix
Patrick White en 1979. Ce prix a été créé par
Patrick White à l'issue du prix Nobel qu'il a reçu en 1973. Il récompense un écrivain pour l'ensemble de sa carrière mais dont l'oeuvre n'a pas été suffisamment reconnue.
Grâce à son parcours professionnel,
Randolph Stow a pu approcher de près les cultures autochtones de Papouasie, au point d'apprendre leur langue, le kiriwina. Ce roman témoigne d'une grande sensibilité et de bienveillance à l'égard de ce peuple, ainsi que d'une volonté de rendre compte de leur structure sociale sans l'aseptiser ni la caricaturer.
Deux officiers du district d'Osiwa, sur une île reculée du Pacifique, doivent aller à la rencontre des différents villages dans les îles alentours pour effectuer un recensement. le plus aguerri, Cawdor, doit initier la nouvelle recrue, Dalwood. Cawdor connaît déjà tout le monde et assume son rôle de représentant du gouvernement tout en entretenant des relations cordiales voire amicales avec les Papous.
Dalwood est plutôt chien fou, excité par cette nouvelle aventure. Il doit encore apprendre les codes, manque souvent de tact. Mais rapidement, il est fasciné et intéressé par la culture indigène. Il n'a que dix-neuf ans et on sent qu'il fera un très bon agent, sachant se faire respecter tout autant qu'il respecte les Papous.
Une ombre au tableau cependant : Cawdor s'est suicidé. Tout le roman raconte les jours qui ont précédé ce tragique évènement. Cinq voix témoignent tour à tour, apportant leur éclairage sur les faits et sur l'atmosphère. Il y a les Blancs (dimdims) Dalwood et Macdonnell, un planteur installé depuis si longtemps qu'il fait partie du décor. Osana, le traducteur. Et Saliba et Benoni, deux Papous. Salina travaille pour Macdonnell et a un caractère de feu. Quant à Benoni, il est pressenti pour remplacer son oncle en tant que chef, mais des querelles intestines risquent de compromettre son avenir.
The visitants touche aussi à une croyance autochtone, le culte du cargo, qui tend à penser que des biens vont arriver, à l'instar des cargaisons immenses des blancs arrivées comme par magie, grâce à des rites. Il y a même une église avec un aviateur suspendu, ce qu'on peut trouver chez certains peuples païens. Les visiteurs qui donnent son titre au roman sont ces blancs, ces étrangers, mais aussi des visiteurs venus du ciel, car il semblerait qu'un objet volant non identifié avec des êtres visibles à bord survole parfois les plages de l'archipel.
Il n'est pas évident de rentrer dans le roman mais une fois la phase d'acclimatation passée, on est totalement aspiré par le souffle épique vertigineux, extrêmement dépaysant. Grâce à son attrait sincère pour la culture indigène,
Randolph Stow parvient à créer une histoire qui nous ancre dans ce coin du monde, avec ses différences, ses particularités. L'emploi de la langue kiriwina et de ses expressions, utilisées avec une régularité qui nous les rend familières, est habile et colore agréablement le récit, lui donne encore plus d'authenticité.
Il y a vraiment de tout dans ce roman : une excellente intrigue, une polyphonie admirablement orchestrée, une écriture savoureuse, des personnages charismatiques et attachants malgré eux.
C'était une lecture magnifique, qui m'a totalement transportée et conquise. Une lecture d'autant plus marquante que je ne m'attendais pas à un tel coup de coeur.
Bravo et merci aux éditions polynésiennes Au vent des îles pour ce bel ouvrage qui me donne envie de poursuivre ma découverte de leur catalogue.
Lien :
https://lejardindenatiora.wo..