Citations sur Fleur de soleil (18)
En 1940 nous vivions le drame de la Chine, nous avions peu de nouvelles de l’Europe. Une anglaise médecin m’annonça que les allemands avaient envahi la France. La France ayant capitulé, on se demandait ce qu’il allait advenir de l’Angleterre. A ce moment-là, toute l’Europe semblait se courber devant Hitler. La ligne Maginot dont on avait tant parlé avait craqué. La France signait l’armistice et l’arrivée de Pétain faisait de ce pays un des alliés de l’Allemagne hitlérienne. Peut-être les français ont-ils oublié cette capitulation gigantesque. Mais qu’allait-il arriver à l’Angleterre ? […] Le peuple anglais tout entier eut un sursaut de patriotisme ! D’un courage extraordinaire, il a bravé tout seul l’Europe soumise à Hitler, à Mussolini, à Franco, au moment où les Etats-Unis, qui ne s’engagèrent que dix-huit mois plus tard, étaient encore sur la réserve.
Ce qui moi me subjugue, c’est cet élan qui veut toujours se dépasser, qui veut laisser sur terre un peu de mieux pour que la terre devienne meilleure pour tous. Cela c’est ma foi, mon propre mysticisme. Dans cette optique, il faut donner sa petite part, tout ce que l’on peut.
Quant au talent de mettre les mots ensemble pour qu’ils deviennent chanson, poème, conte, roman, émotions-idées, il nous donne à travers l’écriture un certain sens de l’immortalité. En fixant la mémoire d’une époque, les mots ne modifient-ils pas l’avenir, y ajoutant le trésor du passé ? Ils arrêtent le temps et l’infléchissent dans une certaine courbure.
Les chinois sont dans le monde des êtres à part entière. Non seulement le chinois mais nous les eurasiens. Nous avons enfin un rôle planétaire à jouer ! C’est en ces années 1949-1950 que j’ai pu percevoir que moi aussi, comme eurasienne, j’allais devenir utile. Je devenais nécessaire pour nouer le lien, trouver l’ouverture entre les cultures ; maintenant et de façon irréversible, la Chine fait partie de la collectivité mondiale. Chose inouïe, non seulement j’avais terriblement besoin de la Chine, mais je pouvais également la servir en étant aussi un « troisième œil » ; j’étais de ceux qui pouvaient expliquer la Chine à l’Occident, et l’Occident à la Chine.
La politique, on le sait, est l’art du possible, mais surtout de rendre l’impossible un peu possible.
J’ai pris ma décision : je serais médecin. Je trouverais ainsi une voie pour l’avenir. Au lieu de me tourner vers le passé, d’être craintive et peureuse, de regarder à droite, à gauche pour voir si je n’offusque personne, j’ai décidé de foncer droit devant moi. Cette résolution ne m’a jamais quittée. Foncer, mais avec réflexion. J’ai été toujours seule dans mes décisions, bonnes ou mauvaises, j’ai appris qu’il y avait une chose à faire, s’utiliser soi-même le mieux possible, conquérir sa propre vie.
Heureusement que se multiplie aujourd’hui les jeunes qui savent dépasser ces limites stérilisantes des vieux préjugés ancestraux. Toujours se dépasser, c’est conquérir sa vie.
Les conseils évangéliques ce sont des incitations pratiques, tandis que l’émotion mystique c’est autre chose. Les chinois n’ont jamais été des mystiques comme le sont les indiens par exemple. J’admire les mystiques, mais ils oublient, ils ignorent souvent leur prochain. Ils atteignent un état supra-réel où l’être est plongé dans l’extase. Moi, ce qui me plonge en extase, c’est la contemplation des montagnes, c’est la beauté de la mer, ce sont les chefs-d’œuvre des hommes, c’est la grandeur de la science, le télescope qui nous fait admirer les étoiles. Le concret devient émotion, supra-réalité
En étudiant les religions, surtout le bouddhisme, et en comparant avec le christianisme, je me suis faite à l’idée que Jésus-Christ et Bouddha avaient été les premiers à comprendre l’idée d’une égalité parmi les hommes, d’une totale fraternité. Ils étaient bien au-delà de leur temps, les protagonistes d’une société égalitaire, qu’on appelle aujourd’hui socialisme ou communisme.
Une fois de plus et par intuition, j'ai fait ce qu'il fallait faire pour n'être ni asservie, ni utilisée.