Quant au talent de mettre les mots ensemble pour qu’ils deviennent chanson, poème, conte, roman, émotions-idées, il nous donne à travers l’écriture un certain sens de l’immortalité. En fixant la mémoire d’une époque, les mots ne modifient-ils pas l’avenir, y ajoutant le trésor du passé ? Ils arrêtent le temps et l’infléchissent dans une certaine courbure.
Heureusement que se multiplie aujourd’hui les jeunes qui savent dépasser ces limites stérilisantes des vieux préjugés ancestraux. Toujours se dépasser, c’est conquérir sa vie.
Je plains vraiment de tout mon cœur les êtres coincés dans une seule culture et qui ne savent pas en sortir.
Il m’est arrivé dans mon existence bien des drames après lesquels d’autres personnes auraient lâché prise en disant : « Je ne crois plus à rien ». Ce fut le cas de mon premier mariage. Beaucoup de femmes en auraient été traumatisées pour toujours. Moi, j’ai su en guérir. Tout d’abord par des années de solitudes. Et lorsque tout fut cicatrisé, le nouvel amour est revenu dans toute sa splendeur inoubliable, avec cette mort abrupte, impitoyable, pour me laisser un souvenir éternel.
A quoi servirait une simple intention si elle ne pouvait être concrétisée par l’action ?
La politique, on le sait, est l’art du possible, mais surtout de rendre l’impossible un peu possible.
Partout, au cours de ces années, j’ai évité de donner des leçons. Tout au contraire, partout où je suis passée, j’ai tenté de comprendre les problèmes des autres avant de leurs faire comprendre les nôtres.
Les chinois sont dans le monde des êtres à part entière. Non seulement le chinois mais nous les eurasiens. Nous avons enfin un rôle planétaire à jouer ! C’est en ces années 1949-1950 que j’ai pu percevoir que moi aussi, comme eurasienne, j’allais devenir utile. Je devenais nécessaire pour nouer le lien, trouver l’ouverture entre les cultures ; maintenant et de façon irréversible, la Chine fait partie de la collectivité mondiale. Chose inouïe, non seulement j’avais terriblement besoin de la Chine, mais je pouvais également la servir en étant aussi un « troisième œil » ; j’étais de ceux qui pouvaient expliquer la Chine à l’Occident, et l’Occident à la Chine.
En 1940 nous vivions le drame de la Chine, nous avions peu de nouvelles de l’Europe. Une anglaise médecin m’annonça que les allemands avaient envahi la France. La France ayant capitulé, on se demandait ce qu’il allait advenir de l’Angleterre. A ce moment-là, toute l’Europe semblait se courber devant Hitler. La ligne Maginot dont on avait tant parlé avait craqué. La France signait l’armistice et l’arrivée de Pétain faisait de ce pays un des alliés de l’Allemagne hitlérienne. Peut-être les français ont-ils oublié cette capitulation gigantesque. Mais qu’allait-il arriver à l’Angleterre ? […] Le peuple anglais tout entier eut un sursaut de patriotisme ! D’un courage extraordinaire, il a bravé tout seul l’Europe soumise à Hitler, à Mussolini, à Franco, au moment où les Etats-Unis, qui ne s’engagèrent que dix-huit mois plus tard, étaient encore sur la réserve.
Ce qui moi me subjugue, c’est cet élan qui veut toujours se dépasser, qui veut laisser sur terre un peu de mieux pour que la terre devienne meilleure pour tous. Cela c’est ma foi, mon propre mysticisme. Dans cette optique, il faut donner sa petite part, tout ce que l’on peut.