Dans ce récit autobiographique,
Magda Szabo nous raconte comment elle a rencontré Emerence, qu'elle a embauchée sur les conseils d'une amie pour faire le ménage, la cuisine chez elle. La première rencontre donne déjà le ton : Emerence a une stature imposante : elle a soigné son entrée solennelle, vêtue d'une robe grise, à manches longues, tout aussi austère que sa personnalité, les cheveux dissimulés sous un foulard qui ne la quitte jamais.
En fait, c'est elle qui va décider si elle accepte ou non l'emploi et dicter ses propres conditions, ses horaires qui seront on ne peut plus fantaisistes…
Une drôle de relation s'installe entre les deux femmes : Emerence méprise le travail d'écrivain de sa patronne, car pour elle, seul compte le travail manuel, physique. Elle dit régulièrement qu'il y a d'un côté les hommes qui balaient et les autres.
C'est elle qui finalement va régenter la maison, avec une austérité, et un caractère bien trempé, même le chien du couple dont elle a choisi le nom Viola, va la reconnaître comme maîtresse…
On comprend très vite que son côté « brut de décoffrage » est liée à une vie extrêmement difficile : un drame est survenu dans son enfance qui va provoquer des dégâts importants. Son père, charpentier, (comme le Christ) mais aussi ébéniste, meurt jeune. Son grand frère va être confié au grand-père, et elle sera finalement « vendue » comme femme à tout faire, à l'âge de treize ans…
Emerence a traversé l'Histoire : la Seconde Guerre Mondiale, la persécution des juifs, puis le régime communiste, mais elle livre très peu de choses sur sa vie, elle ferme son passé à double tour comme
la porte de sa maison, dans laquelle personne n'est autorisé à entrer.
Elle a son groupe d'amies sur lequel elle règne aussi, abat un travail considérable, malgré son âge, passe ses hivers à déblayer la neige devant toutes les portes, de la rue, quand elle en a terminé avec la dernière, il faut recommencer, soulève des meubles aussi grands qu'elle.
Bien-sûr cette relation entre les deux femmes, paraît toxique de prime abord, car Emerence est souvent dans la maltraitance, vis-à-vis de sa patronne, comme du chien qui pourtant lui voue une véritable adoration, et seul l'époux qu'elle appelle « le Maître » mérite sa considération. En fait, le lien qui se tisse entre les deux femmes est beaucoup plus complexe…. en outre, on sait dès le départ qu'elle va se terminer de manière tragique.
J'ai beaucoup aimé ce roman, les personnages, le style de narration, les références à l'Histoire de la Hongrie, les révoltes sous la férule de l'Empereur d'Autriche, les dictateurs qui se sont succédés, le régime communiste… Je connais un peu l'Histoire de ce pays, et l'auteure, qui a fait, entre autres, des études d'Histoire m'a donné envie d'approfondir…
J'ai trouvé le style de narration original : le premier et le dernier chapitre s'appellent
la porte et se répondent… l'écriture est belle…
Ce roman m'a énormément plu, c'est presque un coup de coeur et m'a donné envie de connaître davantage cette auteure : «
Abigaël » et « La ballade d'Isa » notamment.
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