Le Doc lui tendit une enveloppe en papier blanc sur laquelle une écriture élégante avait noté : Monsieur le détective Achab.
— Détective ?
— Oui, on dirait bien.
À l’intérieur, Yohan découvrit un livret cartonné, un porte-clés en forme de dauphin auquel pendait une unique clé et un feuillet plié en quatre.
— Mais où sommes-nous exactement ?
— Ça, camarade, je ne suis pas autorisé à vous le dire. Ça fait justement partie du processus de l’apprendre par vous-même. En avalant cette pilule, vous avez embarqué pour un voyage, le plus fou et le plus excitant de votre vie ! Alors un conseil d’une personne qui est déjà passée par là : prenez votre temps !
Yohan se redressa sur le côté du lit et sentit comme un tourbillon lui emporter le crâne. En prenant appui sur ses pieds, il fut obligé de se rattraper à l’épaule du médecin pour ne pas perdre l’équilibre.
— Ce genre de malaise est tout à fait normal. Tout comme les migraines ou l’envie de vomir… On est tous passés par là, camarade. Demain, tout ira mieux, j’en suis sûr.
Tout ce dont se souvenait Yohan était de s’être assis dans son canapé après une bonne cuite. Et puis il y avait eu la pilule, le reste s’était perdu dans un néant médicamenteux.
— Je suis certain que vous vous posez plein de questions en ce moment même. C’est tout à fait normal lorsqu’on sort du transit.
— Je suis resté endormi longtemps ? réussit-il à prononcer entre ses lèvres pâteuses.
— Assez pour nous rejoindre ici… Je dirais quarante-huit heures. C’est d’ailleurs pour ça que je vous ai installé cette perf.
— Quarante-huit heures !
On lui avait retiré ses vêtements, et il portait une blouse bleue ne laissant que peu de suspense sur l’endroit où il devait être. Qu’est-ce que je fous à l’hôpital ! Comme une réponse à ses interrogations, la porte de la chambre s’ouvrit et un homme d’une soixantaine d’années entra. Il était petit, le crâne chauve, une figure ronde et pleine sur laquelle s’étalaient deux yeux plissés. Son teint hâlé donnait l’impression qu’il revenait de longues vacances sous les tropiques.
— Vous êtes réveillé mon cher Achab ! dit-il en venant se poster près du lit.
La pièce dans laquelle il se trouvait était bercée d’une lumière apaisante. C’était une simple chambre à laquelle des murs en lambris clair donnaient un air de vacances. Quelques appareils médicaux détonnaient avec l’ambiance générale si bien qu’il se redressa sur ses coudes pour tenter de comprendre où il était. La douleur se fit plus violente au niveau des tympans et il aperçut l’aiguille plantée dans son avant-bras, le cathéter et le tube le reliant à un flacon rempli d’un liquide translucide.
Il se remémora les dernières semaines : l’article qu’il avait lu dans le New York Times sur les « évaporés » japonais, ses recherches sur le Darknet jusqu’à la découverte de l’agence Blue Skye. Il avait suffi de quelques entretiens sur des forums sécurisés, un long questionnaire et dix mille euros pour lui offrir ce qu’il désirait le plus : une nouvelle chance
Yohan ouvrit les yeux sur un plafond en bois auquel était accroché un vieux ventilateur dont les pales tournaient lentement au-dessus de sa tête. La pièce dans laquelle il se trouvait était bercée d’une lumière apaisante
Sa valise était prête, elle l’attendait dans l’entrée. Pourtant, il n’était même pas certain d’en avoir besoin.