Sur l’étagère se trouvait une série de romans, tous en français, parmi lesquels il repéra un étonnant ouvrage à la couverture en tissu : L’Île de Felsenbourg, de J. G. Schnabel. Le titre ne lui disait rien, mais le livre semblait être une antiquité.
C’est là qu’il avait entendu parler de Blue Skye, une organisation opaque possédant les moyens de mettre en œuvre son départ. Ses contacts l’évoquaient comme une légende, car il n’y avait aucune façon de la joindre ni même de vérifier son existence. Jusqu’au jour où un mail anonyme lui avait donné rendez-vous sur un forum sécurisé. Une adresse et une heure, c’est tout ce qu’il possédait.
Il se remémora la soirée de la veille, la pilule, son réveil dans cette improbable clinique et la ville fantôme, tout ça n’avait pas de sens et pourtant, à cet instant, il s’en foutait royalement.
— Allons visiter ma maison, dit-il tout haut en poussant la porte d’entrée.
Et il eut l’impression qu’il avait déjà fait ça des milliers de fois.
Le paysage se transforma peu à peu et la végétation basse des bords de mer laissa place à une forêt de pins dont les troncs élancés montaient gracieusement vers le ciel. La chaleur se fit plus intense dans ce sanctuaire protégé du vent
La ville fantôme s’étendait devant lui, mais il la trouva soudain beaucoup moins inquiétante. Les cabanons, bien qu’abandonnés, dégageaient la sérénité rassurante des lieux qui traversent le temps.
Yohan regagna le sommet de la dune et se retourna une dernière fois pour contempler la mer. C’est le paradis ! Mon paradis ! jubila-t-il.
De retour de la plage, Yohan sentait une vigueur nouvelle lui électriser le corps. C’était comme si un pan entier de son être venait de se révéler. Depuis le départ de Gaïa et la torpeur qui avait suivi, il s’était enfoncé dans le bourbier poisseux de la dépression. Un voyage dans les profondeurs de son âme qui l’avait progressivement coupé de ses attaches, de ses amis jusqu’à le perdre lui-même.
En tournant la tête vers l’est, Yohan vit une trouée d’une teinte vert pâle, un bras de rivière qui rejoignait la mer, coupant la plage en deux. À l’ouest, la silhouette de falaises noires se dressait comme une forteresse au pied de laquelle l’océan venait s’écraser par paquets.
À cet endroit l’océan était presque noir comme s’il cachait un secret inavouable.
Yohan arrivait par le nord, si bien qu’il se présenta à l’entrée de cette rue centrale dont le sol était recouvert de sable blanc identique à celui des dunes. Il n’y avait pas plus d’une vingtaine de maisons, bénéficiant parfois de balconnets et de petites terrasses, et pour certaines réduites à l’état de carcasses délabrées. L’ensemble avait tout l’air d’une ville western perdue au milieu du Far West.