Qui n'a pas besoin de
respirer un bon coup ? Physiquement et métaphoriquement ? de prendre l'air peut suffire, de changer de vie peut être une option, et de disparaître complètement des radars en être la solution extrême.
Niko Tackian a décidé de nous raconter la troisième voie à travers son personnage de Yohan. Bienvenue sur une île perdue, loin de tout. Paranoïaques, s'abstenir.
Dans notre monde confiné, l'air pur, le soleil et le sable chaud ressemblent à un éden. Pour une somme rondelette, le voyage sans retour est tentant. Mais outre le fait que la population est plus que limitée, les voisins plutôt étranges et un brin revêches, et que l'ennui apparaît assez rapidement, certains signaux poussent à s'alarmer.
L'auteur s'éloigne de l'univers polar pur et dur pour nous raconter une histoire surprenante, qui mélange allégrement les codes du suspense, de l'aventure et de la quête. A la fois quête de soi et des raisons de cet étrange île dont on ne sait rien et qui semble sous surveillance étroite.
Ce qui frappe assez vite, c'est que cette intrigue se dévoile résolument moderne tout en étant un hommage assumé à nombre d'oeuvres illustres passées. On pense un peu à L'île mystérieuse évidemment, mais aussi à la série TV le prisonnier sortie à la fin des années soixante. Et d'autres classiques de la littérature, que l'écrivain cite et qu'il utilise au travers de son récit. Une manière d'honorer ces oeuvres éternelles tout en jouant avec elles. Première grande réussite du roman.
Niko Tackian ne déteste rien de plus que la routine. Il aime se réinventer, se pousser vers le changement. A travers ses livres, tous bien différents les uns des autres, ou lorsqu'il porte sa casquette de scénariste (pour les séries TV mais aussi pour la BD au début de sa carrière).
Autant dire qu'il aime particulièrement avoir un coup d'avance. Dans ses activités propres tout comme à l'endroit de ses lecteurs.
Respire en est la parfaite illustration. Parce qu'il est avant tout un excellent raconteur d'histoires, quelle que soit la forme.
Le sentiment d'abandon est prégnant dans ces pages. Dès le début avec ce départ volontaire du protagoniste principal. Ensuite également d'une toute autre manière. Arrive-t-on à réellement fuir sa vie et surtout ce qu'on était avant, sans que des stries de notre ancienne existence et de notre personnalité passée ne viennent rayer le joli paysage idyllique ?
L'instant présent est un concept fumeux lorsqu'on sent qu'on nous ment et qu'on nous cache toute la vérité. Johan va rapidement perdre ses illusions face à cette mystérieuse « organisation » qui gère cet endroit clos en plein air. Quand on est presque seul, c'est là que la vraie peur s'affiche.
Je ne suis pas loin de penser que c'est mon roman préféré de l'auteur, avec ce récit de « sable et d'écume » comme il le nomme lui-même dans sa postface. Une intrigue qui a les qualités pour faire entrer de plein pied le lecteur dans un mystère, et un jeu de piste mortifère avec lequel l'auteur jongle avec brio.
J'en aurais bien repris pour 100 pages de plus, tant l'ambiance créée durant ces 300 pages est captivante, tant les questions et les énigmes sont opaques. Un endroit qui tient réellement lieu de personnage à part entière, et que Tackian a minutieusement imaginé, au point d'en dessiner la carte offerte au début du livre. Et d'avoir eu besoin d'en sentir le sel en cherchant dans sa vraie vie des endroits qui hanteront son imagination (et celle de ses lecteurs).
Respire est un suspense asphyxiant, c'est un comble ! Nicko Tackian y joue le passeur de sensations fortes et d'émotions. Et sous couvert d'un divertissement prenant, il développe un récit aux questionnements métaphysiques sur la quête de l'être et de la liberté.
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