(commentaire rédigé le 14/06/2021)
Voici une gentille histoire sans grande prétention, du pur feel good mais « sans plus ». Quant à l'aspect romance, on est dans un « un pas en avant, deux pas en arrière », qui laisserait penser que nos protagonistes, présentés comme intelligents pourtant (l'un est un génie avec les chiffres, l'autre est interne en chirurgie vasculaire) sont complètement stupides quand il s'agit de leurs sentiments – on sait que l'intelligence ne rend pas forcément lucide pour les affaires de coeur, mais à ce point-là, c'est presque désespérant.
Ainsi donc, on fait la connaissance de deux personnages – un homme et une femme bien évidemment – qui ont vécu tous deux un moment (très) difficile, on le « sent » dès le début, mais ça ne s'explique que petit à petit… ça crée des longueurs qui donnent l'impression que c'est plus dramatisé que nécessaire. Oh ! certes, les deux ont vécu de vrais traumatismes, que je ne vais pas dévoiler ici car ce serait du vrai spoil… mais l'auteure en fait une telle montagne qu'on s'attend à des drames apocalyptiques, et puis quand on les comprend, ce n'est pas tout à fait convaincant.
Ainsi, la façon dont Gabriel appréhende son passé, datant de plus de 20 ans, fait un peu cliché et improbable. On voudrait pourtant ressentir de l'attirance envers ce personnage cabossé depuis l'enfance, homme ténébreux, secret, qui s'habille toujours de noir, capuche de sweat sur la tête - ce qui fait clignoter l'appel du bad boy dans un petit coin de la tête, d'autant plus qu'on le dit merveilleusement beau. Hélas, il manque de consistance. Il s'habille comme un ado à la recherche de lui-même alors qu'il a la trentaine ; il accepte presque trop facilement ce rôle de « berceur » alors que l'auteure disait par ailleurs qu'il n'en voulait absolument pas. Mais on ne sent à aucun moment son combat intérieur, juste quelques mots et quelques coups dans son punching ball, mais on n'y croit que moyennement.
De même, la façon dont Anna vit avec son passé encore trop récent a quelque chose d'artificiel, et sa relation difficile avec son fils nouveau-né le semble tout autant… Difficile de dire comment j'aurais réagi dans un cas comme le sien, mais justement : elle semble profondément malheureuse… et en même temps c'est comme si elle était « à côté » de sa crise, dont elle se remet bien vite d'ailleurs : le gamin a à peine trois mois qu'elle reprend sa vie d'avant en battante, une vie de chirurgienne qui ne compte pas ses heures – alors, malgré les questions qu'elle se pose çà et là, on se dit que c'est bien rapide du point de vue psychologique, mais alors physiquement c'est complètement improbable ! Certes, elle est jeune et c'est un premier-né… mais moi qui ai eu près de 6 mois d'arrêt (tous types de congé compris) après la naissance de mon aîné (car pas de place en crèche plus tôt, et pas d'autre solution), ce n'était franchement pas de trop ; mais quand je n'ai eu que 2 mois et demi pour ma fille (situation inverse : là j'ai eu très vite une place en crèche, mais si je ne la prenais pas de suite, elle était « perdue »…), ça s'est terminé en (légère) dépression post-natale tardive tellement je n'ai pas supporté cette séparation tellement trop rapide ! Certes, chacun réagit à sa façon… mais après le drame que cette Anna aurait vécu, les difficultés d'attachement à son bébé, puis retourner travailler comme une fleur seulement après 3 mois, on n'y croit pas…
Ainsi, comme pour Gabriel, je ne suis pas parvenue à réellement m'attacher à elle, je ne l'ai pas trouvée plus touchante qu'une autre.
Serait-ce dû au fait que l'auteure dit les choses au lieu de les montrer ? Et encore : elle les dit sans les dire, elle les évoque, dans l'un ou l'autre dialogue entre les connaissances de l'un ou de l'autre… et on attend encore le fin mot de l'histoire, une vraie description des drames, que ce soit dans un dialogue, un de plus ; un moment de partage entre les deux ; un cauchemar même ! mais non, ça reste toujours dans l'évocation sans aller au bout des choses, si bien que ça donne l'impression de se diluer dans un flot de phrases pleines de bons sentiments (comme tous ces passages sur le bar en bas de chez elle, où Anna renaît peu à peu, ça aussi c'est tellement cliché !), mais ça reste à peine évoqué, et ça perd réellement de sa dimension dramatique.
Un autre aspect qui m'a gênée, c'est la proximité phonétique des prénoms : entre Marie,
Marie-Lou et Matthieu… « ma ma ma », au final je ne savais plus qui était qui (surtout entre les deux femmes). C'est une remarque que l'on m'avait faite en atelier d'écriture, lorsque j'avais donné spontanément à mes personnages des prénoms trop proches à l'ouïe, en l'occurrence, c'était Matthias et Baptiste… ce qui est moins pire que Marie et
Marie-Lou ! Bien sûr, c'est un détail, et j'ai compris que le problème est peut-être lié à autre chose : en fait, ces quelques personnages qui, ici, ont un rôle secondaire certes important, mais bien en arrière-plan, sont les personnages principaux d'une trilogie qui aurait pris le nom de son premier tome : «
Les yeux couleur de pluie », livre qui est dans ma wish-list soit dit en passant, mais que je n'ai pas encore lu … et ainsi, cela fait un peu « réservé aux initiés ». le lien entre ce livre et la trilogie n'est signalé à aucun moment, et pour ma part, je me rends compte après coup que le lire indépendamment est certes possible, mais franchement pas idéal. En effet, pour moi qui n'ai pas lu la trilogie précitée, je n'avais aucun repère ! J'avais juste cette impression que l'on peut avoir quand on est invité à une fête (un mariage par exemple) où ne connaît pas grand-monde, et ainsi on entre dans un groupe qui, lui, se connaît déjà ! ça reste sympathique car l'ambiance est à la fête et au feel good, mais on ne se sent quand même pas tout à fait à l'aise… Oui, on comprend assez vite qui est qui, mais on sent vaguement qu'il y a « autre chose », qu'ils ont un passé commun, auquel moi nouvelle lectrice je n'avais pas accès, et sur le coup je ne comprenais pas pourquoi. Dommage, car ainsi je suis passée à côté de quelques chose sans doute. Si seulement ça avait été signalé, je me serais peut-être d'abord plongée dans la trilogie !
Tout cela étant dit, ce livre n'est pas non plus mauvais. On passe un bon moment en Bretagne, on a envie de sentir à nouveau les embruns de cette mer si particulière, de goûter à toutes ces pâtisseries dégoulinantes de beurre (les cochonailles évoquées par Anna, beaucoup moins…). En outre, on entre avec eux tous dans ce monde des hôpitaux, et notamment dans les services de pédiatrie, où des associations de bénévoles font un travail formidable auprès des enfants, tout en soulageant des parents souvent au bord de l'épuisement. Ces petites histoires autour de l'histoire principale sont presque plus intéressantes que l'intrigue même, elles apportent cette vraie touche d'humanité bien davantage que la prose fluide mais trop superficielle de l'auteure. Et rien que pour ces deux aspects (la Bretagne, et l'hommage indirect à ces associations), ce livre vaut le détour… mais lisez d'abord la saga y liée !