AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le tatouage et autres récits (12)

Aux concours de tatouages qui, de temps à autres se tenaient à Ryôgoku, les participants, tapotant chacun son épiderme, échangeaient leurs critiques, exaltaient l'originalité du motif de leur invention.
Un jeune tatoueur du nom de Seikichi était orfèvre en la matière. Célébré comme étant au moins aussi habile que Charibun d'Asakusa, que Yappei et Konkonjirô de la rue de Matsushima, que d'autres encore, c'est par dizaines que les clients déployaient le satin vierge de leur épiderme sous la pointe de ses pinceaux.
La plupart des tatouages les plus hautement prisés lors des concours étaient des oeuvres de sa main.
Si Darumakin passait pour le spécialiste des tons dégradés, si de Karakusagonta on portait aux nues les tatouages au cinabre, Seikichi les surpassait encore en réputation par ses singulières compositions et la souplesse voluptueuse de ses tracés.
Commenter  J’apprécie          480
La nuit printanière fit place au point du jour dans les bruits d'avirons des barges remontant et descendant la rivière. À l'heure où, parmi la brume en train de s'effilocher au-dessus des voiles blanches gonflées par la brise matinale et glissant vers l'aval, étincelèrent les toits de tuiles de Nakasu, de Hakozaki, de Reiganjima, Seikichi laissa retomber son pinceau et resta en contemplation devant l'araignée incrustée dans le dos de la jeune fille. Oui, toute sa vie avait passé dans ce tatouage, et maintenant qu'il avait achevé son travail, il se sentait dans l'âme un vide immense.
Un moment encore les deux silhouettes demeurèrent ainsi complètement immobiles. Et puis très faible, un peu rauque, une voix vibra entre les quatre murs de la chambre :
- Pour faire de toi une femme vraiment belle , c'est toute mon âme que je t'ai instillée avec mes encres. Désormais, dans tout le Japon, aucune femme ne te surpassera. Te voilà délivrée de ce qu'il y avait de pusillanime en toi. Tous les hommes, oui tous, seront ta riche pâture.
Commenter  J’apprécie          4419
Un soleil radieux frappait de plein fouet la surface du fleuve et semblait incendier la pièce de huit nattes. Réverbérés par le miroir des eaux, ses rayons irisaient d'ondes dorées le papier des cloisons coulissantes et l'innocent visage de la jeune endormie. Portes hermétiquement closes, Seikichi, son matériel à la main, resta un bon moment assis sans bouger sur les nattes, plongé dans le ravissement. Pour la première fois, il pouvait jouir profondément de l'étrange physionomie de cette fille. Il avait l'impression qu'il pourrait, assis là dans cette pièce, se recueillir devant ce visage immobile dix ans, un siècle, sans jamais connaître la satiété. De même que le peuple de l'antique Memphis avait orné de pyramides et de sphinx la majesté de la terre et du ciel de l'Egypte, ainsi Seikichi s'apprêtait-il à parer des couleurs de son amour l'épiderme virginal de cette beauté humaine.
[Le Tatouage]
Commenter  J’apprécie          50
[...] ... Quand la lune suspendue au-dessus de la résidence en Edo du clan de Tosa, sur la rive d'en face, déversa sa lumière irréelle dans les pièces des maisons en bordure du fleuve, Seikichi n'était pas encore à moitié de son ouvrage et ravivait avec acharnement la flamme des bougies.

Chaque instillation d'encre lui coûtait un effort infini ; chaque mouvement pour enfoncer et retirer l'aiguille lui arrachait un profond soupir, comme s'il perçait son propre cœur. Peu à peu, les marque laissées par l'aiguille ébauchèrent les formes d'une énorme tarentule ; et quand le ciel nocturne recommença à blanchir, la bête étrange, démoniaque, comme à l'affût, déployait ses huit pattes sur toute la surface du dos.

La nuit printanière fit place au point du jour dans les bruits d'avirons des barges montant et descendant la rivière. A l'heure où, parmi la brume en train de s'effilocher au-dessus des voiles blanches gonflées par la brise matinale et glissant vers l'aval, étincelèrent les toits de tuiles de Nakasu et de Akosaki, de Reiganjima, Seikichi laissa retomber son pinceau et resta en contemplation devant l'araignée incrustée dans le dos de la jeune fille. Oui, toute sa vie avait passé dans ce tatouage, et maintenant qu'il avait achevé son travail, il se sentait dans l'âme un vide immense.

Un moment encore, les deux silhouettes demeurèrent ainsi complètement immobiles et puis très faible, un peu rauque, une voix vibra, incertaine, entre les quatre murs de la chambre :

- "Pour faire de toi une femme vraiment belle, c'est toute mon âme que je t'ai instillée avec mes encres. Désormais, dans tout le Japons, aucune femme ne te surpassera. Te voilà délivrée de ce qu'il y avait de pusillanime en toi. Tous les hommes, oui, tous, seront ta riche pâture."

Perçut-elle ces paroles ? Une faible plainte, aussi ténue qu'un fil, monta jusqu'à ses lèvres. Peu à peu, elle reprit ses sens. Au rythme de sa respiration qui, lourdement, soulevait et laissait retomber ses épaules, les pattes de l'araignée s'étiraient et se contractaient comme celles d'une bête vivante.

- "Ca doit te faire mal, cette araignée qui enserre ton corps entre ses pattes ?"

A ces mots, la fille entrouvrit des yeux un peu perdus dans le vague. Petit à petit, comme croît la clarté de la lune montante, ses prunelles s'illuminèrent, éclairant le visage de l'homme.

- "Maître, faites-moi vite voir mon tatouage ! Si c'est votre vie que j'ai reçue en moi, alors comme je dois être devenue belle !" ... [...]
Commenter  J’apprécie          40
"Juste à cet instant le soleil levant illumina l'aragne, composant à la fille un dos éblouissant." [Le tatouage, dernière ligne]
Commenter  J’apprécie          30
Son vœu secret depuis des années était de trouver une femme d'une incomparable beauté, d'un éclat éblouissant, en qui il pût instiller toute son âme. Pour la nature profonde comme pour la physionomie, elle devait répondre à diverses exigences.......

Pour un œil aussi pénétrant que le sien, les pieds d'un être humain reflétaient autant que le visage tout un jeu d'expressions complexes.
Commenter  J’apprécie          30
Devenu peu à peu expert, et même audacieux, en matière de traversti, je brassais les idées les plus farfelues et sortais avec un poignard ou un narcotique serrés dans ma ceinture - non dans l'intention de commettre un crime : seulement pour respirer à plein le merveilleux parfum de romanesque qui entoure le crime.
[Le Secret]
Commenter  J’apprécie          20
Et tout en jetant des regards en coin sur la face ruisselante de larmes, il poursuivait comme si de rien n'était ses perforations.
Commenter  J’apprécie          00
[...] ... Un vœu dès longtemps caressé et des jouissances inconnues d'autrui étaient enfouies au plus profond du cœur du jeune maître. Quand la pointe de ses aiguilles pénétrait les tissus, la plupart des hommes gémissaient de douleur, incapables d'endurer plus longtemps le martyr des chairs tuméfiées, cramoisies, gorgées de sang ; et plus déchirantes étaient les plaintes, plus vives était l'indicible jouissance qu'étrangement il éprouvait.

Il avait une prédilection marquée pour deux techniques réputées particulièrement douloureuses : le tatouage au cinabre et le tatouage à coloris dégradés. Quand, dans une seule journée, après avoir en moyenne subi la perforation de cinq ou six cents aiguilles, on ressortait du bain chaud destiné à aviver les couleurs, c'était pour s'abattre à moitié mort aux pieds de Seikichi, où l'on restait un bon moment incapable du moindre mouvement. Et lui, contemplant d'un œil glacé la forme misérable, ne manquait jamais de dire avec un sourire de satisfaction :

- "Vrai ! Ce que vous devez avoir mal !"

Quand il avait affaire à une poule mouillée qui, toute honte bue, tordait la bouche et serrait les dents comme à l'agonie en poussant des petits cris de détresse, il lançait :

- "Tu es pourtant un gars d'Edo ! Prends ton mal en patience ... C'est bien connu qu'elles font atrocement mal, les aiguilles de Seikichi !"

Et tout en jetant des regards de coin sur la face ruisselante de larmes, il poursuivait comme si de rien n'était ses perforations ou encore, si quelqu'un était assez maître de soi pour tout supporter sans broncher, sans un seul froncement des sourcils, il riait en découvrant ses dents blanches.

- "Oui, oui, tu veux te donner des airs de dur ... mais tu vas voir : ça va se mettre à t'élancer si fort que tu auras beau faire, tu ne pourras plus y tenir !" ... [...]
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (133) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

    Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

    Honoré de Balzac
    Stendhal
    Gustave Flaubert
    Guy de Maupassant

    8 questions
    11134 lecteurs ont répondu
    Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

    {* *}