Ne réinvente-t-on pas tout sans cesse, dans l’espoir fou de donner du sens aux instants détachés et flottants de notre vie ?
J𠆚vais peut être inventé un homme, dont l’image me brûlait, et qui, en définitive, n𠆞xistait pas.
Moi maman, je suis amoureuse. Je suis amoureuse de la vie.
Assise à cette table, sur cette terrasse qui peu à peu se désemplissait, j'ai songé alors que ce qui est violent, ce n'est pas le temps qui passe, c'est l'effacement des sentiments et des émotions. Comme s'ils n'avaient jamais existé.
J'aimerais ne rien avoir oublié, pouvoir tout saisir entre mes mains. Oui, même les vides, j'aimerais les embrasser. Même les vides. On aimerait tant, parfois, être certain d'avoir été en vie.
Depuis, chaque fois que je vais au cinéma, que j'entre dans la salle plongée dans la pénombre, pleine de chuchotements et de rires étouffés, que je m'assieds dans un fauteuil, je ressens la même magie : les lumières s'éteignent, la salle plonge dans le noir, quelques derniers murmures, un dernier rire, et soudain c'est le silence, en moi tout se serre et se fige, j'attends quelque chose, je ne sais pas quoi, pas seulement devant mes yeux mais à l'intérieur de moi, des images, des musiques, des silences qui se coulent dans mon corps et le fassent vibrer, l'enchantent, le rendent à la vie. Oui, immobile, j'attends le plus beau des voyages.
Je me demande s'il en est de même pour les autres, si toutes les vies n'ont pas besoin de se laisser griser pour se délivrer de la peur, l'espace de quelques instants du moins, pour savoir qu'elles sont au monde, vibrantes, éphémères, magnifiques.
Je n'ai jamais eu peur de la page blanche. J'ai toujours pensé qu'on aviat besoin de pages blanches pour écrire, de longs moments de silence qui n'en sont pas, qui ressemblent à ce qu'est le corps lorsque tout gronde à l'intérieur mais qu'on ne peut émettre le moindre son, il y a trop de confusion, trop de chaos, il faut attendre, attendre, un peu de clarté peut-être, un peu de paix dans tout ce fracas, pour qu'enfin les phrases soient à nouveau possibles? Oui, j'ai toujours pensé que les défaillances étaient nécessaires, je les ai même aimées, elles me permettaient de mieux renaître à l'écriture.
[...]j'ai songé alors que ce qui est violent, ce n'est pas le temps qui passe, c'est l'effacement des sentiments et des émotions.
[...]de quoi se souvient-on avec précision ? Ne réinvente-t-on pas tout sans cesse, dans l'espoir fou de donner du sens aux instants détachés et flottants de notre vie ?