Citations sur Roissy (75)
L'immensité du monde.
Sous la voûte du terminal 2E ,je la perçois chaque jour. A côté de moi,un passager ouvre son PC,il,doit être en avance ,il ne regarde jamais le panneau d'affichage où s'inscrivent les numéros des vols
Cette peur qui monte en moi et que je cherche à dominer : phrases, mots, pensées qui s'emmêlent et se dressent jusqu'à former une vague qui roule sur elle-même.
Je voudrais tant parfois encore rejoindre celle que je fus, mais quand j’essaie d’imaginer cette femme, je me sens devenir de glace, comme si, là-bas, tout d’elle était impitoyable. Plutôt alors rester cette passagère de l’entre-deux-mondes, sans prénom ni âge, est ce seulement encore possible ?
Ici, elle n’a pas de corps réel. L’eau qui gicle sur ses mains, elle la sent partout. Elle a donc un corps. Une peau du moins. Une peau extraordinairement sensible depuis laquelle, protégée par ce blanc qui l’enveloppe, elle peut encore aimer le monde, espace où elle n’a plus de poids et où comme indécis son cœur bat. Un cœur à peine éclos pourtant, si plein de tendresse, par delà ces cris qui remontent en elle.
Robocop, Septante, Titi, Moumoune, Georges, monsieur Eric, Liam, Joséphine, Josias, et même Vlad, j'en suis certaine, ont été traversés par la même pensée : celle, en échouant ici, d'avoir atteint cette limite au-delà de laquelle plus rien ne peut advenir si ce n'est le retour sur ses pas ou alors un temps d'arrêt, parce que s'enfoncer un peu plus, ne serait-ce que d'un seul millimètre, reviendrait à tout perdre.
Pour eux, comme pour moi, ce monde est notre dernière chance. Le quitter, ne serait-ce qu'une seule fois, ce serait renoncer à tous les voyages, à toutes les identités, perdre, en somme, le peu de matière qu'il nous reste, rompre définitivement le fil qui nous tient encore en vie, briser la magie par laquelle chacun de nous ici s'invente hors la violence du monde.
Pour eux, comme pour moi, ce monde est notre dernière chance. Le quitter, ne serait-ce qu'une seule fois, ce serait renoncer à tous les voyages, à toutes les identités, perdre, en somme, le peu de matière qu'il nous reste, rompre définitivement le fil qui nous tient encore en vie, briser la magie par laquelle chacun de nous ici s'invente hors la violence du monde.
« Des rêves, il t’en reste bien, non ?
— Des… rêves ? »
Il se met à sourire.
« Je suis arrivé en France sans rien. Et regarde maintenant. Tout le monde me respecte ici. Si tu te concentres sur tes rêves, tout est possible. »
J'hésite. Pourquoi est-il si gentil avec moi et qui sont ces "amis" qu'il souhaite me présenter ? Un jour que je lui ai demandé d'où lui venait cette générosité, il a éclaté de rire. Dans son village, tout le monde s'entraide depuis la nuit des temps. Il ne sait pas d'où cela vient, il espère que cela durera longtemps. p.143
Avant d'échouer ici, tout est flou. Je me réveille dans une salle, incapable de me souvenir de qui je suis. Des flics m'interrogent, mais peut-être des médecins. Leurs silhouettes dans mon souvenir sont comme des ombres qui s'agitent autour de moi. Quand j'essaie de leur parler, aucun son ne sort de ma bouche. Ma tête me lance. Après, je ne sais plus. Il pleut, je grelotte. Puis j'atterris ici, où l'on me prend pour une voyageuse. C'était il y a huit mois environ. p.32 et 33
Elle est assise, de dos, les genoux repliés hors de tout contact avec le monde. Quel âge a-t-elle et comment a-t-elle pu pénétrer dans cet espace entièrement vitré ? Si des gens l’interpellent, elle ne les entend pas, et si certains tentent de s’approcher, ils butent contre la paroi transparente qui la sépare du monde (…) Dans le fond, personne ne sait pourquoi elle est là ni pourquoi on aimerait tant, un jour, l’entendre prononcer ne serait-ce qu’un seul mot. Il y a une telle tristesse ici.