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sur 865 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lu 2019. Sylvain Tesson a l'art de nous faire voyager, dans tous les sens du verbe : une exploration à la fois géographique, sentimentale, sociologique, introspective, philosophique et humaniste.
Dix-neuf nouvelles racontent le combat (ou le non combat) de femmes et d'hommes contre l'inertie, le fatalisme ou la passivité devant les aléas de l'existence. S'abandonner à vivre, c'est savoir / pouvoir accueillir "les oscillation du destin sans chercher à en entraver l'élan", ou la capacité d'accepter son sort, triste comme heureux...
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S'abandonner à vivre
Sylvain Tesson
nouvelles
Gallimard, 2014, 221p


Il est une ambiance dans ce recueil dont l'écriture est nerveuse. Il est question d'exil, de sécheresse, de déserts, de spectres qui se tuent. On apprend ce qu'est le pofigisme, cette acceptation du sort, le fait de s'abandonner à vivre. On voyage aussi, on se retrouve dans des lieux très différents.
Sylvain Tesson, on le connaît plus qu'un peu : on retrouve sa culture, toutes ses nouvelles commencent par une citation, on note comme un glaneur des noms d'auteurs, Chestov dont on est sûr d'avoir un livre dans sa bibliothèque, Leskov, majrouh. . Il se raconte, inévitablement, se dit par les mots : ses réflexion sur ce qu'on vit, ses admirations, son grand homme Oates. Il dit l'homme qu'il veut être : audacieux, généreux.
Voici une phrase qui le définit : les connaissances géologiques suppléent bien au défaut de vie intérieure. Il est contre les fêtes de Noël : on avait transformé la célébration de la naissance d'un anarchiste égalitariste en un ensevelissement des êtres sous des tombereaux de cadeaux.
L' humour le caractérise: quels sentiments peut avoir un couple adamique devant un pommier déjà pillé ? Ou bien Je m'aperçus qu'un couple de colverts nous matait et j'en fus plus gêné que si c'était ma mère.
On goûte à nouveau son penchant pour les aphorismes : la distance est l'ingrédient des amitiés vraies.
On savoure ses bons mots dans les dialogues, ses filaments de poésie : la voie lactait la nuit. J'ai bien aimé les nouvelles La ligne, Les égards pour sa chute et sa leçon d'être. Ma nouvelle préférée est le Téléphérique.
La quatrième de couverture n'est pas à lire. Elle donne un mauvais axe de lecture. La vie peut être souvent désenchantée, mais elle est quand même drôle (ceux qui endommagent la ligne électrique), offre de belles rencontres, et reste inattendue , comme les chutes des nouvelles.
Tesson, en écriture, est une valeur sûre.

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N°1746 – Mai 2023

S'abandonner à vivreSylvain Tesson – Gallimard.

Qu'il choisisse d'évoquer la rencontre cocasse d'un mari cocu avec l'amant, escaladeur de façades, de sa femme, qu'il nous parle de la fin tragique d'une mission britannique au Pôle ou qu'il dénonce avec délectation les Russes, leur addiction à la fornication et à la vodka ou la beauté et la sensualité de leurs femmes, Sylvain Tesson ne se départit pas de son style alerte et jubilatoire où les descriptions poétiques le disputent à la qualité de sa documentation, ce qui donne pour son lecteur un texte facile à lire et dont il se délecte jusqu'à la fin. A lire ses nouvelles il semble avoir un particulier attachement à la montagne et à l'escalade et il nous balade dans le monde entier, sous toutes les latitudes et dans tous les milieux. Sous sa plume, même la mort n'a pas cette dimension tragique et c'est entre les lignes qu'il conseille de privilégier la vie, même si celle-ci peut parfois réserver bien des surprises et pas toujours des bonnes.
Le titre a pourtant quelque chose de fataliste. En effet, pour notre auteur, il faudrait accepter le monde dans son absurdité, car il n'en manque pas, se laisser porter par la vie sans chercher à en combattre les évènements parce que ce combat est perdu d'avance, accepter le hasard qui fait partie de nos vies bien plus que nous voulons bien l'avouer, le sort ou la destiné selon le nom qu'on veut lui donner.
Quand nous naissons, c'est à dire quand nous sortons du néant, une hypothétique divinité ouvre à notre nom un livre dont nous tournons plus ou moins longtemps les pages. Quand nous retournons au néant, la Camarde en arrache une, la dernière, et range ce livre dans la grande bibliothèque de l'oubli. Alors, pourquoi pas accepter la vie telle qu'elle est, telle qu'elle vient, au jour le jour, sans se poser trop de questions. C'est une philosophie qui en vaut bien un autre et qui a au moins l'avantage de la simplicité, loin des interdits religieux censés nous valoir une incertaine éternité heureuse et les déductions oiseuses des supposés penseurs qui se targuent de nous servir de boussole.
Ce titre viendrait du mot russe « pofigisme » qui est intraduisible en français, qui est une sorte de philosophie, une torpeur métaphysique qui ferait partie de l'âme russe. C'est un peu l'attitude des personnages de ces dix-neuf histoires qui, avec une certaine forme d'humour, acceptent la vie comme elle vient, surtout quand le merveilleux et l'inexplicable, selon critères du cartésianisme, s'invitent dans nos vies.
J'avoue que je partage cette vision des choses.
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Le titre est attractif : S'abandonner à vivre. Et puis, le format court m'intéresse. Les dix-neuf nouvelles réunies ici sont d'un intérêt inégal. Trois d'entre elles sortent du lot : La Bataille, La Ligne, Les Egards.
La première raconte avec un humour décapant, la reconstitution de la bataille de Borodino qui eut lieu à la fin de l'été en 1812. Pavel Soldatov interprète Napoléon Bonaparte. Il commande une armée de mille soldats impériaux. Face à eux, une compagnie des forces de maintien de l'ordre détachée suite à la sollicitation du maire, amant de la femme esseulée de Soldatov. Qui l'emportera ?
La seconde rapporte l'expédition de deux amis, Emile et Piotr, dans la neige et de nuit à la recherche d'une ligne électrique pour la saboter. C'est à la presque fin du texte que l'on en connait la raison.
Puis enfin Les Egards qui relate deux histoires presque en parallèle. Celui d'un japonais qui escalada à deux reprises l'Everest et un français , apnéiste de renommée internationale. Un texte sur les lois de la nature.
Dans ce recueil, Sylvain Tesson croque une certaine humanité qui lutte contre ses travers, les illusions façonnées par la société à la recherche d'elle-même. Ces protagonistes ne parviennent pas toujours au but fixé malgré leur détermination et leur courage.
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Ce recueil de nouvelles est ma première incursion dans l'oeuvre de Sylvain Tesson.
Et j'y ai trouvé exactement ce à quoi je m'attendais. Une langue vive et soutenue. Un humour un brin rugueux. Des lieux exotiques.

L'auteur ne fait pas de cadeau à ses personnages, volontairement stéréotypés - voire pratiquement interchangeables. Avec pour effet de montrer qu'ils pourraient être l'un d'entre nous (version upgradée socialement et culturellement). Leurs mésaventures amusent donc le lecteur, mais invitent tout de même à se remettre en question. Ou pas, selon son humeur.

J'ai apprécié l'écriture et les valeurs un peu surannées de Sylvain Tesson. Cela m'a donné l'agréable impression de lire un classique.
Une expérience concluante que je ne manquerai pas de renouveler : si vous avez des suggestions de titres à découvrir, je suis preneuse !
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« "Pofigisme" n'a pas de traduction en français. Ce mot russe désigne une attitude face à l'absurdité du monde et à l'imprévisibilité des événements. le pofigisme est une résignation joyeuse, désespérée face à ce qui advient. Les adeptes du pofigisme, écrasés par l'inéluctabilité des choses, ne comprennent pas qu'on s'agite dans l'existence. Pour eux, lutter à la manière des moucherons piégés dans une toile d'argiope est une erreur, pire, le signe de la vulgarité. Ils accueillent les oscillations du destin sans chercher à en entraver l'élan. Ils s'abandonnent à vivre. »

Ce pofigisme − néologisme inventé par l'auteur − est le fil conducteur de ce recueil de nouvelles.
Je reproche souvent à ce genre d'ouvrage d'être assez décousu, de n'être qu'une juxtaposition de textes sans grand rapport les uns avec les autres. Mais ici, on trouve une réelle unité, ce qui n'empêche pas les nouvelles d'être très différentes les unes des autres, chacune ayant son caractère, son contexte, son style, ses personnages.
Ce fil rouge fait de ce livre une sorte de grande réflexion philosophique sur l'existence, ou plus précisément, sur la façon de faire face aux difficultés de l'existence.
Car le pofigisme, ce n'est pas baisser les bras et ne rien faire ; c'est utiliser l'élan, l'impulsion donnée par le destin, au lieu de chercher en vain à prendre une autre direction. C'est ne pas gaspiller inutilement son énergie physique ou morale, ne pas gesticuler dans tous les sens lorsque l'on est dans des sables mouvants mais chercher la façon la plus intelligente de s'en sortir.

J'ai vraiment apprécié cette lecture, que j'ai dégustée par petits morceaux pour mieux en profiter. Sylvain Tesson sait très bien utiliser le format court de la nouvelle. Il arrive en peu de pages à déployer efficacement son ironie, son imagination, sa pensée foisonnante. Il varie le style et le ton. Certains textes sont légers, d'autres plus profonds : tour à tour, il nous amuse, nous surprend, nous fait réfléchir.

Chaque nouvelle est dotée d'une citation en préambule, que j'ai pris beaucoup de plaisir à relire après coup alors qu'elle prenait tout son sens et éclairait le texte.
J'ai aimé retrouver dans ce recueil ce que j'aime chez Sylvain Tesson : un grand amour de la nature, un regard sans concession sur les humains, une imagination sans limites, une vivacité d'esprit éblouissante, une originalité toujours étonnante, des convictions fortes et assumées.
Je ne suis certainement pas objective, je ne peux pas l'être avec cet écrivain que j'adore !
Allez, je le concède : comme c'est habituellement le cas dans ce style d'ouvrage, certaines nouvelles sont moins réussies que d'autres, mais l'ensemble se lit avec bonheur.
Attention : le format court est trompeur, et le propos est moins léger que cela peut sembler à première vue. Il y a de la matière, il y a du contenu, pour peu qu'on prenne le temps de faire une lecture autre que superficielle et au premier degré.

« L'Europe de Schengen est peuplée de hamsters affairés qui, dans leur cage de plastique tournant sur elle-même, ont oublié les vertus de l'acceptation du sort. » : la comparaison est cruelle, mais elle est tellement vraie !
Alors, cessons un peu de pédaler et de faire tourner nos roues de hamster. Prenons un peu le temps de voir le monde qui nous entoure et soyons un peu plus dans la réflexion que dans l'action effrénée.

Et parfois, sachons être dans l'acceptation.

S'abandonner à vivre ? Je ne sais pas.
Mais s'abandonner à lire Tesson, certainement !
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J'ai aimé retrouver le style ciselé, érudit et un poil provocateur de Sylvain Tesson même si je n'ai pas été autant portée et conquise qu'avec Dans les forêts de Sibérie. A la fois, on ne peut pas avoir les mêmes attentes avec des nouvelles. Celles-ci sont plus passagères et volatiles et, si c'est moins puissant, c'est aussi appréciable.
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Recueil de nouvelles particulièrement bien ficelées. J'aime le style, l'humour, les références culturelles, littéraires et artistiques, et surtout les personnages et les paysages souvent russes. D'où peut-être mon attirance pour les histoires de S'abandonner à Vivre. Oui les Russes particulièrement savent accepter les situations de la vie, grâce peut-être à leur "pofigisme", cette "résignation joyeuse, désespérée face à ce qui advient", et ils savent aussi réagir.

Un bon moment de lecture avec un auteur, primé régulièrement, Goncourt, Médicis, Renaudot. Je le découvre et j'aurai plaisir à le retrouver.

Quelques extraits pour partager cette découverte :
Lien : http://partageonsnoslectures..
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Sylvain Tesson propose de nous abandonner à lire ce recueil de textes courts. C'est ce que j'ai fait et j'ai passé un bon moment en écoutant l'auteur lire son livre à voix haute.
"S'abandonner à vivre" c'est une torpeur métaphysique qui atteint les russes, une façon d'appréhender sans agitation et avec fair-play l'absurdité du monde. C'est un peu la version slave de "Laisser le bon temps rouler" de Louisiane.
Comme j'adore la façon d'écrire de Sylvain Tesson je me suis régalée avec ses textes qui ne sont pas vraiment des nouvelles mais de petites histoires qui sentent le vécu, qui peuvent faire rire ou pleurer.
On retrouve l'écrivain voyageur avec plaisir parce qu'il sait faire le portrait des personnes qu'il aurait pu rencontrer sur la planète. D'ailleurs, la Russie qu'il connaît bien est très présente.
Comme les textes sont nombreux, je me suis prise au jeu d'en faire une petite liste. Voilà ce dont il est question :
-de deux amis qui forment un couple improbable s'aimant pour l'éternité,
-d'un voyage de noces dans le Yunnan avec un livre de Lao-Tseu visionnaire,
-d'un amant qui tombe par la fenêtre et qui se fait soigner par le mari cocu,
-du difficile parcours d'un migrant,
-d'une prostituée lettrée qui s'ennuie où qu'elle soit,
-d'une commémoration des guerres napoléoniennes en Russie qui se finit bien,
-d'une excursion entre copains en Sibérie,
-des exploits de trois hommes dans l'Himalaya, en Méditerranée et au Pôle Nord,
-d'un alpiniste en Algérie qui découvre qu'il n'est pas le premier à atteindre le sommet,
-d'un sniper djihadiste qui se sacrifie en tuant un gradé de l'armée française parce qu'au lycée il sortait avec une fille dont il était amoureux,
-d'une croisière sur la Lena d'un sismologue français qui travaille en Russie durant laquelle il découvre la vie d'un ermite,
-d'un facteur messager du destin,
-des pensées d'un homme durant une nuit d'insomnie,
-d'un promeneur qui marche sur les quais de la Seine pour trouver l'inspiration
-de russes adeptes du parachutisme qui se retrouvent dans un bar chez les Yankees
-d'un père Noël du calendrier orthodoxe
-du profidisme ou s'abandonner à vivre dans le train
-de la meilleur façon d'éviter une indigestion au réveillon de Noël en montagne
-d'un réveillon de Noël en Bretagne en compagnie des fées
Une vingtaine de textes dont le ton est différent mais avec Sylvain Tesson on apprend toujours quelques choses pour profiter de l'existence.

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Très bon livre de nouvelles, drôles, fantastiques et avec des fins inattendues ! Bref tout bon Mr Tesson .
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