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Il était une fois la guerre au Shonga, Etat fictif quelque part en Afrique Subsaharienne, des séparatistes au Nord qui sert de base arrière à de nombreuses mouvances terroristes, une guerre civile qui n'en finit plus. Et des soldats français envoyés en renfort de l'armée nationale impuissante, dans un contexte d'attentats terroristes sur le sol français. Sébastien Franqui est un de ses soldats, service logistique, chef de convoi. Plusieurs missions au Shonga sur 17 ans, avant la débâcle. le gouvernement français stoppe l'opération et décide de purger de l'armée tous les anciens du Shonga, jugés irrécupérables et ne faisant pas beau sur la photo d'une armée française qui essaie de se donner une nouvelle image, plus propre, plus souriante loin de la guerre sale du Shonga.

Le narrateur est un reporter de guerre, frère d'âme de Sébastien. C'est par sa voix, forcément empathique que l'on découvre le parcours de Sébastien et sa bascule dans l'abîme. On sait d'emblée que le récit va être sombre, très sombre. La dernière phrase du prologue évoquant Sébastien « transformé en bombe à retardement que les hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion », puis les titres de chapitres qui suivent, « Bombe amorcée », « J-1095 », ne laissent aucune place au doute. Esthelle Tharreau maitrise parfaitement un suspense distillé goutte à goutte. On a l'impression d'entendre l'irréversible tic-tac dans notre tête.

On a déjà beaucoup écrit ou filmé sur les traumatismes des soldats, toute guerre confondue. Sur ce point, le roman ne surprend guère mais impressionne par la qualité des détails sur les atrocités de guerre vues et vécues par Sébastien, notamment l'épisode du camp de réfugiés. La plume d'Esthelle Tharreau, alerte et fluide, épouse toutes les cabosses de la guerre, collée au plus près des émotions de Sébastien, comme lorsqu'il ne parvient à oublier le regard « scarifié par une larme » d'un enfant shongais avec lequel il s'était lié et qu'il a l'impression d'avoir abandonné, comme une malédiction qui le poursuit.

Ce qui surprend le plus, c'est le choix de déplacer la focale sur la famille et ceux qui restent au pays, en l'occurrence Claire, l'épouse de Sébastien, et leur fille Virginie.

La famille, c'est vraiment la grande oubliée des récits de guerre ( bien que récemment, j'ai vu un film sur le sujet, Mon légionnaire, de Rachel Lang, auquel j'ai pensé malgré un traitement très différent ). Esthelle Tharreau restitue avec une grande intelligence émotionnelle le quotidien de Claire et Virginie confrontées à l'absence, à la peur, aux manques de nouvelles, à l'hostilité du regard extérieur porté sur l'armée, et surtout à l'impossibilité de communiquer qui génère un mur d'incompréhensions et de malentendus. Sébastien est un homme brisé, qui ne parvient pas à entamer sereinement sa réinsertion dans une société qui rejette ces hommes de guerre emplis de cauchemars et de béances. Il s'enfonce dans une solitude taiseuse et douloureuse que seuls peuvent comprendre ceux qui ont fait la guerre. Peut-on seulement guérir de la guerre ?

Le personnage de Claire est très réussi, fidèle Pénélope usée qui ne parvient pas à raccrocher son homme à la vie. La narration passe de l'un à l'autre, revenant très pertinemment sur plusieurs scènes vues sous les deux angles, comme la scène bouleversante où Sébastien, revenu d'une de ses missions au Shonga, fait la connaissance de sa fille nouvellement née. Lorsque le narrateur confronte la première version, celle de Sébastien, à la version de Virginie, tout s'éclaire, tout se reconnecte et le regard du lecteur évolue totalement. J'ai énormément apprécié ces changements de focale qui apportent beaucoup de densité au récit.

Un roman noir d'une grande finesse psychologique jusqu'à sa fin, inattendue qui rebondit dans une direction qu'on n'avait pas vu venir et qui semble pourtant tellement évidente.
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Dans l'État fictif du Shonga, quelque part en Afrique, cela fait dix-sept ans que, malgré l'intervention sur place de l'ONU et de l'armée française, la guerre civile fait rage, opposant forces régulières et séparatistes au profit de diverses mouvances terroristes. L'enlisement du conflit et les attentats commis en représailles à Paris ont eu raison de l'opinion publique française, de plus en plus hostile à tout engagement militaire. le retrait des troupes tricolores est ordonné, et l'armée - soucieuse de redorer son blason après cette débâcle - « purgée » des anciens combattants du Shonga.


A quarante ans, le soldat Sébastien Franqui, que ses quatre missions « là-bas » comme chef de convois logistiques ont rendu chaque fois plus brisé à une famille qui a fini par voler en éclats, n'est plus qu'amertume et désespoir face à son impossible réinsertion dans la vie civile ordinaire. C'est un reporter de guerre et frère d'âme, qui, constatant la descente aux enfers de Sébastien, entreprend la narration croisée de ce retour cauchemardesque et des dix-sept ans d'épreuves, toutes plus traumatisantes les unes que les autres, qui l'ont précédé.

 
Enclenchée par un bref prologue présentant le protagoniste principal comme « une bombe à retardement que les Hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion », la tension s'installe d'emblée et ne fait que monter crescendo, au rythme du compte à rebours égrené par les titres de chapitre. Dans l'attente pleine de suspense de l'ultime catastrophe annoncée, nous voilà peu à peu immergés, non pas seulement dans la noire réalité des atrocités de la guerre, des massacres entre ethnies et des conditions épouvantables des camps de réfugiés, mais aussi dans l'insupportable impuissance de ces hommes envoyés combattre un ennemi invisible et insaisissable.


Le récit excelle à dépeindre simplement la complexité des enjeux en présence, l'inextricable engrenage de l'échec et les processus psychologiques à l'oeuvre autour du traumatisme, du sentiment de culpabilité et, enfin, de l'injustice, quand, après avoir risqué leur vie et s'être confronté à l'innommable sans véritables moyens d'action, ils se retrouvent honteusement mis au rebut, rejetés de l'armée sans reconversion, pointés du doigt par l'opinion, incompris de leurs proches épuisés par leurs cauchemars et par leur déphasage après leur absence et la peur. Car, au terrible mal-être de ces hommes répond celui de leurs familles, démunies et déchirées, et qui, à force d'incompréhension et de malentendus, achève d'enfermer ceux qui ont fait la guerre dans la solitude de leur douleur sans fond.


Averti d'un funeste dénouement dont l'ultime rebondissement ne l'en surprendra pas moins, le lecteur reste impressionné par la pertinence d'analyse des situations et par la finesse psychologique des personnages. de l'angoisse, puis de la frustration et du désarroi de familles incapables de rivaliser avec les fantômes de la guerre, à l'intolérable dissonance entre, d'un côté, le moi profond et les valeurs fondamentales du soldat Braqui, de l'autre, l'atroce et injuste absurdité du rôle qu'on lui fait endosser, l'on ressort ébranlé de ce récit en tout point convaincant. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Avec « Ceux Qui Restent », de Jean Michelin, j'avais l'impression que l'auteur maintenait un peu de distance entre nous et ses personnages soldats, nous empêchant d'accéder totalement à eux, à ce qu'ils pensaient et ressentaient en profondeur et pas seulement en surface tout public. Et cette retenue pudique constituait probablement les dernières barrières qui permettaient à chacun de tenir le coup. Ce n'est clairement pas le cas d'Estelle THARREAU dans « Il Etait Une Fois La Guerre » ! Elle nous donne accès à tout, les faits, pensées et ressentis de son personnage principal dont, pour le coup, les barrières menacent de s'effondrer. Et ça remue le lecteur.


En tant que soldat, Sebastien Braqui conduit les convois logistiques pour l'armée. Il est envoyé à quatre reprises à Shonga, où l'intervention de l'armée vise notamment à éviter les attentats ici. Mais à chaque mission le pays s'est enfoncé un peu plus dans la violence, et les soldats sont confrontés à de plus en plus d'horreur, de souvenirs traumatisants, d'images indélébiles et de sentiments ambivalents.


A cela s'ajoute que les soldats ont mauvaise presse, car plus cette guerre s'enlise, plus l'ennemi utilise des images choquantes pour justifier de nouveaux attentats, n'hésitant pas à utiliser les enfants. Les politiques se sentent obligés d'amorcer un retrait des troupes en déplorant LEUR échec (pas celui de la nation qui les commande hein^^) pour ramener la paix, et LEUR méthode inappropriée. Aussi à chaque retour au pays, les soldats dont Braqui se sentent toujours plus désavoués, dénigrés, abandonnés, à la fois par leur pays, leurs concitoyens, leurs dirigeants, leur hiérarchie qui finit par les placardiser, les abandonnant à la vie civile à laquelle ils ne sont plus adaptés… Mais aussi leurs familles.


Celle de Sébastien est en déliquescente depuis la première mission. La faute aux non-dits qui nourrissent l'incompréhension de sa femme et de sa fille. Mais comment expliquer ce qu'il a été contraint de faire et de voir là-bas sans les choquer encore plus et qu'elles le détestent ? Sébastien ne peut pas parler non-plus aux psy de l'armée tant « tout ce qu'il dira pourra être retenu contre lui », et les psy civils sont hors budget, hors réalité, hors tout. Et puis Sébastien n'est pas taré ! Ca non, il fait juste peur à sa femme et sa fille en hurlant chaque nuit les horreurs dont il ne sait plus quoi faire et dont il ne veut plus. Il crie les sacrifices qu'il a dû faire pour un pays qui l'accueille désormais en lui jetant des pierres, et en le « purgeant » de l'armée sans jamais lui offrir un accompagnement digne de ce nom. Et la souffrance et les sacrifices de sa famille ne sont pas oubliés non-plus.


Son histoire est prenante, triste mais aussi effrayante, du fait de ses propres réactions autant que du réalisme des guerres et de la politique. Grâce à une narration alternant les temporalités (en mission puis en famille), on ressent bien le désespoir et la rage de Sébastien. Pourtant, ce n'est pas lui qui nous raconte son histoire. Ce n'est pas non-plus un frère d'arme, plutôt un frère d'âme : Reporter de guerre, le narrateur a subi les mêmes expériences que Sébastien lors de ses missions et, pour avoir divorcé trois fois, il connaît les retours brutaux, la solitude et ce sentiment d'abandon dans l'horreur, d'impossibilité de s'en sortir, les envies d'alcool toujours plus forts. Il sait l'importance de tout ce qui se joue sous ses yeux, et reconnaît une bombe humaine, prête à exploser, lorsqu'il en voit une.


Ce récit est donc construit comme le compte à rebours d'une explosion programmée… Formé au pire, Sébastien apparaît au lecteur aussi dangereux que fragile, aussi effrayant que bouleversant. Non, c'est sûr, Estelle THARREAU n'a pas écrit pour ne rien dire. Elle écrit pour révéler, dénoncer, expliquer, toucher. Elle écrit pour sensibiliser, pour solidariser. Pour informer. Peut-être aussi pour alerter et… tenter de faire changer les choses, à son échelle. La fin romanesque ainsi que la plume directe et fluide inscrit ce récit dans la lignée de "Ceux qui restent". Evidemment, malgré quelques beaux passages d'écriture, c'est raide pour tout le monde : le soldat, la famille, les politiques et le lecteur. Mais c'est nécessaire, pour connaître le monde dans lequel on vit, comprendre les tenants et aboutissants avant de juger et, surtout, pour tenter d'améliorer un système qui, s'il fonctionne vraiment ainsi, est imparfait, voire écoeurant. le dénouement un peu rapide aurait pu pénaliser la cohérence d'ensemble si tout ce qui précède ne nous avait pas suffisamment marqué ; aussi, en l'occurrence, il survient comme une délivrance.


« Il était une fois un homme bon devenu une plaie à vif.
Il était une fois un homme et une femme ; un premier de cordée qui entraîne le second dans sa chute.
Il était une fois un soldat ayant dépassé le seuil d'horreur qu'il pouvait endurer et que la vie a transformé en une bombe à retardement que les Hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion.
Il faudrait peut-être commencer ce récit tout simplement par “il était une fois la guerre”. »
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Taurnada…

La foule est là pour les accueillir, près du tarmac. Toujours plus nombreuse au fil des ans, toujours plus excitée. Des pancartes tenues à bout de bras sur lesquelles l'on peut lire « Fachos, « Ordures », « Tueurs d'enfants »… Les « salauds » débarquent enfin. Parmi eux, Sébastien Braqui, 40 ans, un hématome sur la tempe causé par une pierre lancée par un gamin shongais, à son départ. le Shonga, un pays qu'il connaît bien pour y être allé 4 fois pour y accomplir sa mission : assurer les convois logistiques. Un pays qui s'enlise dans une guerre civile, qui voit s'émerger de nombreux groupes terroristes et qui voit l'armée française, notamment, s'occuper d'un conflit qui n'est pas le sien. Bien qu'il rentre sain et sauf de ses missions au Shonga, au cours de toutes ces années, Sébastien Braqui n'est déjà plus le même lors de son premier retour, la faute à toutes ces images d'horreur et de violence qui le poursuivent, au silence qui s'installe progressivement entre lui et sa femme, Claire…

Une armée de soldats français, partis pour tenter d'apporter un semblant de paix au Shonga, qui se fait huer et insulter à son retour ? Comment un tel fossé s'est-il creusé entre l'opinion publique et eux ? Pour ce faire, Estelle Tharreau donne la parole à un homme dont on ignore, jusqu'au milieu de ce récit, son identité, qui va raconter la (ou les) guerre de Sébastien Braqui. de sa première mission au Shonga jusqu'au jour de l'explosion, en passant par les massacres, les charniers, les camps de réfugiés aux peu de moyens, à la purge, au retour impossible à la vie civile… l'auteure dépeint avec réalisme et intensité la lente et inexorable descente aux enfers de Sébastien Braqui, ce qu'il endure et supporte, mais aussi le fossé qui se creuse un peu plus entre lui et son épouse Claire, puis plus tard, sa fille. Un fossé rempli de silence, de non-dits, d'incompréhension, d'images d'horreur qu'on ne veut partager, de solitudes, de dénis, de rancoeur, de peur, de culpabilité. L'on assiste, impuissant et démuni, au naufrage de ce soldat, cabossé, blessé au plus profond de son être, mis à mal par un système politique frileux et une société déconnectée. Intense, dramatique, puissant, aux personnages psychologiquement creusés, à l'écriture tendue et au dénouement inattendu, ce roman bouscule tout autant qu'il émeut…
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Voici mon retour de lecture sur Il était une fois la guerre d'Estelle Tharreau.
Sébastien Braqui est soldat.
Sa mission : assurer les convois logistiques.
Au volant de son camion, il assiste aux mutations d'un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l'heure de la défaite.
C'est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d'âme après les tragédies traversées « là-bas ».
Il était une fois la guerre est un thriller psychologique très dur sur les traumatismes des soldats et les sacrifices de leurs familles.
Sébastien Braqui est un homme très touchant. On suit son parcours au sein de l'armée, lors de son premier déplacement au Shonga, puis tout au long de sa carrière.
Il est intéressant de constater comment la vie d'un soldat peut basculer en un instant.
J'ai apprécié de le suivre autant dans sa vie professionnelle que personnelle.
J'ai également aimé le narrateur dont nous découvrons le lien avec Sébastien au bout de quelques temps.
Pour une fois, j'ai pris mon temps, lisant ce roman petit à petit sur cinq jours.
J'ai eu besoin de digérer ma lecture à plusieurs reprises car ce roman est très sombre.
Même si le combat est fictif, ce n'est pas sans faire penser à des conflits qui eux, ont été bien réels !
Nous savons qu'à un moment il va y avoir une explosion ; sans savoir de quelle sorte ni ce qui va se passer exactement. Beaucoup de questions se posent, ainsi qu'une certaine appréhension.
Qui va exploser ? Un bâtiment ? Un humain ? Sébastien ? Une autre personne ?
Le suspens est bien maitrisé et j'ai été surprise ; j'avoue qu'il y a de nombreuses choses auxquelles je ne m'attendait pas dans ce roman.
C'est un réel choc ce qui arrive ; c'est hyper bien ficelé, touchant, dérangeant.. Les sentiments s'entremêlent..
L'autrice nous fait réfléchir sur le sort des soldats qui n'ont plus la côte car ils ont combattus lors de conflits où rien ne s'est déroulé comme prévu.
Le final est vraiment excellent.
L'écriture d'Estelle Tharreau est pointue, et elle m'a totalement embarqué avec Sébastien dans son quotidien de soldat.
Il était une fois la guerre n'est pas un roman pour moi au premier abord mais à aucun moment je n'ai regretté mon achat car je me suis prise une sacré claque !
Je vous le recommande sans aucune hésitation.
Ma note : cinq étoiles.
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Comment la guerre et ses atrocités peuvent transformer un soldat. Comment elle peut transformer un homme et le mener vers sa perdition.

Tel est le propos de ce roman coup de poing qui nous projette dans le futur à la rencontre de Sébastien Braqui. Un militaire de carrière embarqué à la demande de son pays et de sa hiérarchie dans une guerre en Afrique. Une sale guerre aux contours flous dans laquelle différentes factions se combattent pour prendre le pouvoir quitte à considérer la population comme une variable d'ajustement. Massacres, barbaries : la terreur devient la règle et les soldats français de simples témoins impuissants.
Sébastien y reviendra plusieurs fois et va découvrir un pays dévasté livré à des bandes armées sans foi ni loi, que celle du plus fort.
Sans s'en rendre compte ou préférant l'ignorer, Sébastien va être totalement traumatisé par tout ce qu'il a vu et vécu là-bas. Quel que soit le mal dont il est atteint - stress post-traumatique ou autre - il va s'enfoncer dans une spirale infernale accentuée par son statut de vaincu.
Personne n'aime les perdants, ceux qui ont déshonoré leur pays en battant en retraite devant une foule hostile. Il est malgré lui cantonné à ce mauvais rôle , celui du sacrifié sur l'autel d'une nouvelle génération qui ne souhaite qu'une chose : faire table rase de ces soldats vaincus pour préparer le renouveau. Véritable stratégie ou simple utopie ?

Estelle Tharreau nous offre un roman très noir qui nous plonge sans concession dans la vie de ce militaire brisé. Un scénario qui alterne entre sa vie privée et celle passée avec ses camarades de régiment en France ou sur le terrain des conflits. Peu à peu on est témoin du basculement qui s'opère chez Sébastien et dans ses relations avec sa femme. de la fierté de défendre son pays, puis pris par le doute, il se transforme progressivement en être aigri, pétri de vengeance envers ceux qui l'ont envoyé au casse-pipe puis l'ont humilié. Sébastien devient un étranger pour sa famille dont il s'éloigne insidieusement pour mieux se réfugier dans l'alcool qui lui fait oublier pour un temps ses démons. La seule vraie famille qui comprend sa situation reste ses anciens camarades militaires qui ont vécu comme lui ces atrocités. Comme ce jeune reporter de guerre marqué à vie par son séjour au Shonga qui devient alors témoin de la décrépitude de son ancien camarade.
Attention l'auteure risque d'en secouer certains lors de quelques passages d'une dureté extrême car elle ne peut tenter de nous faire rentrer dans la peau de son personnage principal sans nous montrer ce qu'il a enduré. Vous êtes prévenus !
Un roman qui marque sans aucun doute par la puissance des mots comme par le choc des images qui s'impriment inévitablement en nous grâce au talent de l'auteure.


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Le narrateur, anonyme jusqu'à la moitié de l'histoire, a écrit ce livre pour « réhabiliter l'honneur d'un homme » (p. 9). Cet homme s'appelle Sébastien Braqui. C'est un militaire. Il a refusé d'être fantassin, malgré ses qualités en tant que tireur. Il voulait conduire un camion, comme son père routier.


Le récit débute dans un aéroport. Les militaires rentrent d'une mission au Shonga. Un comité d'accueil les attend avec des mots emplis de haine. La foule est furieuse envers son armée. Chassés par les Shongais (Sébastien garde un hématome sur sa tempe d'une pierre lancée par un enfant), incompris par leur pays, les soldats sont exfiltrés. « le privilège des vaincus : chassés par les vainqueurs et honnis par leurs propres compatriotes. » (p. 14)


Ensuite, le narrateur remonte le temps. Il raconte le premier départ de Sébastien pour le Shonga. « Il ignorait alors qu'il connaîtrait de nombreux autres tarmacs dans sa carrière, mais que, toujours, un avion le ramènerait sur ceux du Shonga comme si il était enchaîné à cette terre et à sa guerre. » (p. 21) Il ne le savait pas encore, mais l'éloignement avec Claire, son épouse, n'était pas que géographique. La fin s'amorçait. Ils ont, pourtant, cru que leur amour survivrait au cannibalisme de l'armée qui dévore ses hommes. Ils ont cru en l'avenir et ont eu un enfant : Virginie.


Mais au fil des missions, Sébastien a changé. Claire aussi. La rupture entre les militaires et les civils s'est affirmée. Les premiers ne pouvaient raconter les horreurs qu'ils vivaient et celles auxquelles ils assistaient. Les seconds refusaient que leur pays participe cette guerre qui n'était pas la leur. Tous avaient la même crainte, mais ne tiraient pas les mêmes conclusions.


Ce roman est noir et terriblement poignant. Nous assistons à la descente aux enfers d'un homme qui consacre sa vie à la sécurité de ses compatriotes et qui ne peut confier ce qu'il endure et les choix traumatisants auxquels il est confronté ; ses remords s'expriment dans ses cauchemars et dans ses quêtes. La bouteille devient sa seule amie. Il est lâché par ses deux familles ; celle qu'il a construite et celle qui l'a incorporé : l'Armée. Incompris des siens et abandonné par l'institution, il est seul pour affronter ses traumatismes. Seul, mais surtout, banni de tous. Plus il s'enfonce, plus il est rejeté. Plus il est rejeté, plus il s'enfonce.


Le narrateur navigue entre plusieurs temporalités. Il nous explique les causes du changement d'attitude de Sébastien : les massacres, les tortures, la mauvaise gestion des épidémies, etc. Puis, il décrit les conséquences sur le psychisme du soldat : sentiment d'humiliation, d'abandon et d'échec, désir de vengeance, colère, stress post-traumatique, etc. C'est une immersion abyssale dans l'univers de la « Grande muette ».


Il était une fois la guerre est un roman psychologique qui remue, par la violence de ce que nos soldats affrontent lorsqu'ils partent en mission, mais aussi lors de leur retour à la vie civile. Il montre, également, les difficultés vécues par les conjoints pour qui la vie s'organise en fonction de l'Armée et qui ne savent pas toujours ce que vit l'être aimé. Il dépeint l'influence du traitement médiatique et de l'utilisation politique sur la perception des missions effectuées par les soldats. Ce livre est aussi un suspense autour de l'engrenage de haine dans lequel sombre Sébastien. Attachés à lui, nous aimerions le rattraper et le sauver de lui-même.


J'ai eu un coup de coeur pour ce roman déchirant.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Depuis sa découverte avec « la peine du bourreau », je suis un fervent lecteur d'Estelle Tharreau. Au fil de mes lectures, je retrouve avec plaisir une autrice pleine d'imagination, capable de se renouveler.

Cette fois-ci, on suit le destin du soldat Braqui qui, après avoir rempli plusieurs missions à l'étranger pour les intérêts de son pays, est mis au placard. Au traumatisme des évènements tragiques vécus sur place s'ajoute l'abandon du soutien de la société. En effet, l'institution qui l'avait envoyé au casse-pipe, dénigre son travail et l'abandonne dans le même temps à la vindicte populaire. le militaire passe alors du statut de héros à celui de paria.

D'autre part, les horreurs dont il a été témoin et le retour difficile à la réalité crée une relation difficile avec sa femme et sa fille. L'accumulation de toutes ces mésaventures le pousse dans une situation où tout lui échappe. Par ses cauchemars et ses désillusions, il dérive dans une véritable descente aux enfers.

Le récit est rythmé par un décompte de jours avant « explosion ». le lecteur est donc sous tension dans l'attente de cette fin qui s'annonce foudroyante. Les allers-retours avec le passé créent une multitude de pistes quant au dénouement de ce drame. 

Ce thriller psychologique est une grande réussite. Il déclenche une multitude d'émotions durant la lecture. Malgré son comportement souvent discutable, on est empathie avec le personnage principal. La violence des scènes, ses sacrifices personnels et les conséquences de ses actes, déclenchent une forme d'injustice qui nous révolte. On assiste alors impuissant à cette haine qui monte en lui et que l'on comprend.

« Il était une fois la guerre » est un roman qui prend aux tripes et qui confirme tout le talent d'Estelle Tharreau. Son écriture maîtrisée et l'efficacité de ces intrigues vous convaincront, j'en suis sûr ! Grâce à vous, elle aura enfin la reconnaissance qu'elle mérite !
Lien : https://youtu.be/NNRogAzd1mw
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C'est la première fois que je lis un roman qui m'ouvre autant les yeux sur le stress post- traumatique, mais surtout sur le quotidien de nos militaires envoyés en zone de conflit. Estelle Tharreau réussit ici à faire côtoyer son lecteur et son héros, Sébastien Bracqui, aussi bien sur le champ de bataille en Afrique que dans ses tentatives de réinsertion civile en France, auprès d'une famille dépassée par les conditions de travail du militaire.

« le privilège des vaincus : chassés par les vainqueurs et honnis par leurs propres compatriotes. » Cette phrase m'a marquée. Comment peut- on détester ceux qui ont osé défendre nos valeurs ? Et puis, à la lecture du roman, j'ai compris cet engrenage malaisant.

« le soldat Braqui a 40 ans. Il en a déjà tellement vu qu'il n'a pas peur. Il est simplement amer et usé d'être jeté en pâture, d'être montré du doigt, d'être honni par tous ceux qui ne savent rien des sacrifices et des cauchemars qu'il a endurés pour eux. » Quatre fois. On a envoyé Sébastien Braqui quatre fois en territoire Shonga. Pour qu'il y conduise des camions, mais aussi pour qu'il élimine toute personne (armée ou pas) s'opposant à l'avancement de son convoi.

« A cet instant jaillit une image qu'il avait cru oubliée depuis toutes ces années : celle du petit Momar. Comme une répétition de l'histoire. Celle de ce visage scarifié par une larme. Comme une malédiction. » Sébastien a eu une faiblesse : il a craqué devant les yeux suppliants d'un gamin abandonné et affamé, qui avait cru voir en lui l'opportunité de survivre. Une faiblesse qui va le suivre durant toute sa vie et affecter Sébastien au plus profond de son âme.

« Sous les yeux de Sébastien se déroulaient des scènes de vie étranges : des supermarchés d'où sortaient des chariots pleins d'abondance, des rues où des gens ne fuyaient pas, des enfants armés de cartables. Il se sentait étranger à ce monde qu'il avait pourtant connu toute sa vie. » Sébastien ne parvient plus à reprendre une vie normale lors de ses permissions. le psy ? L'institution militaire se révèle incapable de lui en trouver un. Un emploi de réinsertion ? On lui donne une liste d'employeurs « partenaires » ; mais ceux- ci sont méfiants envers ces militaires critiqués depuis leur retour en métropole. Les amis ? Aussi brisés que lui. La famille ? Elle a fui.

Au final, un roman très dur, très noir, sur les horreurs que peuvent vivre nos soldats dans les pays qui sont en rébellion perpétuelle contre un système plus démocratique. Jamais je n'avais ressenti autant de détresse de la part d'un héros ayant été soldat de la République française, et même si j'ai conscience qu'il s'agit d'un récit de fiction, je ne peux m'empêcher de croire qu'il s'y trouve une certaine part de véracité.
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Ce roman raconte comment un homme qui revient d'une mission dans un pays en guerre loin de sa maison et qui depuis son retour souffre de syndromes posttraumatiques.

L'impact sur ses liens affectifs avec sa femme et sa fille, sa soif d'alcool et sa haine sans cesse grandissante.

Un homme dévoué à son pays se fait résilier son contrat par ceux à qui il a donné sa vie, sa confiance et sa santé mentale.

Ces hommes qui oublient qu'ils ont un devoir de soutenir leurs hommes qui reviennent de loin abîmés par ce qu'ils ont vécu en enfer.

Ils ont failli mourir, ils ont vu des morts et des actes de barbaries, ils gardent en tête des images atroces et violentes de la guerre.

Pas de soutien psychologique, ils le laissent dans une misère sans nom et dans une désarroi absolu.

Les souvenirs qui le hantent sont indélébiles et même s'il essaie de sortir la tête du trou, la chute sera encore plus terrifiante.

En lisant ce roman, j'ai souffert pour lui et sa famille qui sont victimes de ces injustices et j'espère qu'un jour ce monde aura un peu plus de respect et d'humanité.

Comme l'auteur le dit, il s'agit d'un roman de fiction et toute ressemblance à des personnes ou des organisations existantes révèlerait pure coïncidence.

J'ai beaucoup apprécié cette lecture qui m'a énormément touché et finalement nous sommes petits pour ceux à qui nous donnons notre santé.
Ce ne sont que des numéros que nous utilisons et rejetons après usage.

Je vous conseille fortement de lire ce roman de fiction qui m'a fait revivre des souvenirs affligeants de gens que je connaissais et qui malheureusement n'ont pas fini leur carrière avec style.

Je remercie les Éditions Taurnada de leur confiance et je suis très contente d'avoir découvert ce puissant roman qui m'a donné une bonne gifle.



Lien : https://sabineremy.blogspot...
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