AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782372581103
250 pages
Taurnada Éditions (03/11/2022)
4.36/5   118 notes
Résumé :
Sébastien Braqui est soldat. Sa mission : assurer les convois logistiques. Au volant de son camion, il assiste aux mutations d'un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l'heure de la défaite. C'est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d'âme après les tragédies traversées « là-bas ». Un thriller psychologique dur et bo... >Voir plus
Que lire après Il était une fois la guerreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (84) Voir plus Ajouter une critique
4,36

sur 118 notes
5
58 avis
4
23 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis
Il était une fois la guerre au Shonga, Etat fictif quelque part en Afrique Subsaharienne, des séparatistes au Nord qui sert de base arrière à de nombreuses mouvances terroristes, une guerre civile qui n'en finit plus. Et des soldats français envoyés en renfort de l'armée nationale impuissante, dans un contexte d'attentats terroristes sur le sol français. Sébastien Franqui est un de ses soldats, service logistique, chef de convoi. Plusieurs missions au Shonga sur 17 ans, avant la débâcle. le gouvernement français stoppe l'opération et décide de purger de l'armée tous les anciens du Shonga, jugés irrécupérables et ne faisant pas beau sur la photo d'une armée française qui essaie de se donner une nouvelle image, plus propre, plus souriante loin de la guerre sale du Shonga.

Le narrateur est un reporter de guerre, frère d'âme de Sébastien. C'est par sa voix, forcément empathique que l'on découvre le parcours de Sébastien et sa bascule dans l'abîme. On sait d'emblée que le récit va être sombre, très sombre. La dernière phrase du prologue évoquant Sébastien « transformé en bombe à retardement que les hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion », puis les titres de chapitres qui suivent, « Bombe amorcée », « J-1095 », ne laissent aucune place au doute. Esthelle Tharreau maitrise parfaitement un suspense distillé goutte à goutte. On a l'impression d'entendre l'irréversible tic-tac dans notre tête.

On a déjà beaucoup écrit ou filmé sur les traumatismes des soldats, toute guerre confondue. Sur ce point, le roman ne surprend guère mais impressionne par la qualité des détails sur les atrocités de guerre vues et vécues par Sébastien, notamment l'épisode du camp de réfugiés. La plume d'Esthelle Tharreau, alerte et fluide, épouse toutes les cabosses de la guerre, collée au plus près des émotions de Sébastien, comme lorsqu'il ne parvient à oublier le regard « scarifié par une larme » d'un enfant shongais avec lequel il s'était lié et qu'il a l'impression d'avoir abandonné, comme une malédiction qui le poursuit.

Ce qui surprend le plus, c'est le choix de déplacer la focale sur la famille et ceux qui restent au pays, en l'occurrence Claire, l'épouse de Sébastien, et leur fille Virginie.

La famille, c'est vraiment la grande oubliée des récits de guerre ( bien que récemment, j'ai vu un film sur le sujet, Mon légionnaire, de Rachel Lang, auquel j'ai pensé malgré un traitement très différent ). Esthelle Tharreau restitue avec une grande intelligence émotionnelle le quotidien de Claire et Virginie confrontées à l'absence, à la peur, aux manques de nouvelles, à l'hostilité du regard extérieur porté sur l'armée, et surtout à l'impossibilité de communiquer qui génère un mur d'incompréhensions et de malentendus. Sébastien est un homme brisé, qui ne parvient pas à entamer sereinement sa réinsertion dans une société qui rejette ces hommes de guerre emplis de cauchemars et de béances. Il s'enfonce dans une solitude taiseuse et douloureuse que seuls peuvent comprendre ceux qui ont fait la guerre. Peut-on seulement guérir de la guerre ?

Le personnage de Claire est très réussi, fidèle Pénélope usée qui ne parvient pas à raccrocher son homme à la vie. La narration passe de l'un à l'autre, revenant très pertinemment sur plusieurs scènes vues sous les deux angles, comme la scène bouleversante où Sébastien, revenu d'une de ses missions au Shonga, fait la connaissance de sa fille nouvellement née. Lorsque le narrateur confronte la première version, celle de Sébastien, à la version de Virginie, tout s'éclaire, tout se reconnecte et le regard du lecteur évolue totalement. J'ai énormément apprécié ces changements de focale qui apportent beaucoup de densité au récit.

Un roman noir d'une grande finesse psychologique jusqu'à sa fin, inattendue qui rebondit dans une direction qu'on n'avait pas vu venir et qui semble pourtant tellement évidente.
Commenter  J’apprécie          860
Dans l'État fictif du Shonga, quelque part en Afrique, cela fait dix-sept ans que, malgré l'intervention sur place de l'ONU et de l'armée française, la guerre civile fait rage, opposant forces régulières et séparatistes au profit de diverses mouvances terroristes. L'enlisement du conflit et les attentats commis en représailles à Paris ont eu raison de l'opinion publique française, de plus en plus hostile à tout engagement militaire. le retrait des troupes tricolores est ordonné, et l'armée - soucieuse de redorer son blason après cette débâcle - « purgée » des anciens combattants du Shonga.


A quarante ans, le soldat Sébastien Franqui, que ses quatre missions « là-bas » comme chef de convois logistiques ont rendu chaque fois plus brisé à une famille qui a fini par voler en éclats, n'est plus qu'amertume et désespoir face à son impossible réinsertion dans la vie civile ordinaire. C'est un reporter de guerre et frère d'âme, qui, constatant la descente aux enfers de Sébastien, entreprend la narration croisée de ce retour cauchemardesque et des dix-sept ans d'épreuves, toutes plus traumatisantes les unes que les autres, qui l'ont précédé.

 
Enclenchée par un bref prologue présentant le protagoniste principal comme « une bombe à retardement que les Hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion », la tension s'installe d'emblée et ne fait que monter crescendo, au rythme du compte à rebours égrené par les titres de chapitre. Dans l'attente pleine de suspense de l'ultime catastrophe annoncée, nous voilà peu à peu immergés, non pas seulement dans la noire réalité des atrocités de la guerre, des massacres entre ethnies et des conditions épouvantables des camps de réfugiés, mais aussi dans l'insupportable impuissance de ces hommes envoyés combattre un ennemi invisible et insaisissable.


Le récit excelle à dépeindre simplement la complexité des enjeux en présence, l'inextricable engrenage de l'échec et les processus psychologiques à l'oeuvre autour du traumatisme, du sentiment de culpabilité et, enfin, de l'injustice, quand, après avoir risqué leur vie et s'être confronté à l'innommable sans véritables moyens d'action, ils se retrouvent honteusement mis au rebut, rejetés de l'armée sans reconversion, pointés du doigt par l'opinion, incompris de leurs proches épuisés par leurs cauchemars et par leur déphasage après leur absence et la peur. Car, au terrible mal-être de ces hommes répond celui de leurs familles, démunies et déchirées, et qui, à force d'incompréhension et de malentendus, achève d'enfermer ceux qui ont fait la guerre dans la solitude de leur douleur sans fond.


Averti d'un funeste dénouement dont l'ultime rebondissement ne l'en surprendra pas moins, le lecteur reste impressionné par la pertinence d'analyse des situations et par la finesse psychologique des personnages. de l'angoisse, puis de la frustration et du désarroi de familles incapables de rivaliser avec les fantômes de la guerre, à l'intolérable dissonance entre, d'un côté, le moi profond et les valeurs fondamentales du soldat Braqui, de l'autre, l'atroce et injuste absurdité du rôle qu'on lui fait endosser, l'on ressort ébranlé de ce récit en tout point convaincant. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          8111
Avec « Ceux Qui Restent », de Jean Michelin, j'avais l'impression que l'auteur maintenait un peu de distance entre nous et ses personnages soldats, nous empêchant d'accéder totalement à eux, à ce qu'ils pensaient et ressentaient en profondeur et pas seulement en surface tout public. Et cette retenue pudique constituait probablement les dernières barrières qui permettaient à chacun de tenir le coup. Ce n'est clairement pas le cas d'Estelle THARREAU dans « Il Etait Une Fois La Guerre » ! Elle nous donne accès à tout, les faits, pensées et ressentis de son personnage principal dont, pour le coup, les barrières menacent de s'effondrer. Et ça remue le lecteur.


En tant que soldat, Sebastien Braqui conduit les convois logistiques pour l'armée. Il est envoyé à quatre reprises à Shonga, où l'intervention de l'armée vise notamment à éviter les attentats ici. Mais à chaque mission le pays s'est enfoncé un peu plus dans la violence, et les soldats sont confrontés à de plus en plus d'horreur, de souvenirs traumatisants, d'images indélébiles et de sentiments ambivalents.


A cela s'ajoute que les soldats ont mauvaise presse, car plus cette guerre s'enlise, plus l'ennemi utilise des images choquantes pour justifier de nouveaux attentats, n'hésitant pas à utiliser les enfants. Les politiques se sentent obligés d'amorcer un retrait des troupes en déplorant LEUR échec (pas celui de la nation qui les commande hein^^) pour ramener la paix, et LEUR méthode inappropriée. Aussi à chaque retour au pays, les soldats dont Braqui se sentent toujours plus désavoués, dénigrés, abandonnés, à la fois par leur pays, leurs concitoyens, leurs dirigeants, leur hiérarchie qui finit par les placardiser, les abandonnant à la vie civile à laquelle ils ne sont plus adaptés… Mais aussi leurs familles.


Celle de Sébastien est en déliquescente depuis la première mission. La faute aux non-dits qui nourrissent l'incompréhension de sa femme et de sa fille. Mais comment expliquer ce qu'il a été contraint de faire et de voir là-bas sans les choquer encore plus et qu'elles le détestent ? Sébastien ne peut pas parler non-plus aux psy de l'armée tant « tout ce qu'il dira pourra être retenu contre lui », et les psy civils sont hors budget, hors réalité, hors tout. Et puis Sébastien n'est pas taré ! Ca non, il fait juste peur à sa femme et sa fille en hurlant chaque nuit les horreurs dont il ne sait plus quoi faire et dont il ne veut plus. Il crie les sacrifices qu'il a dû faire pour un pays qui l'accueille désormais en lui jetant des pierres, et en le « purgeant » de l'armée sans jamais lui offrir un accompagnement digne de ce nom. Et la souffrance et les sacrifices de sa famille ne sont pas oubliés non-plus.


Son histoire est prenante, triste mais aussi effrayante, du fait de ses propres réactions autant que du réalisme des guerres et de la politique. Grâce à une narration alternant les temporalités (en mission puis en famille), on ressent bien le désespoir et la rage de Sébastien. Pourtant, ce n'est pas lui qui nous raconte son histoire. Ce n'est pas non-plus un frère d'arme, plutôt un frère d'âme : Reporter de guerre, le narrateur a subi les mêmes expériences que Sébastien lors de ses missions et, pour avoir divorcé trois fois, il connaît les retours brutaux, la solitude et ce sentiment d'abandon dans l'horreur, d'impossibilité de s'en sortir, les envies d'alcool toujours plus forts. Il sait l'importance de tout ce qui se joue sous ses yeux, et reconnaît une bombe humaine, prête à exploser, lorsqu'il en voit une.


Ce récit est donc construit comme le compte à rebours d'une explosion programmée… Formé au pire, Sébastien apparaît au lecteur aussi dangereux que fragile, aussi effrayant que bouleversant. Non, c'est sûr, Estelle THARREAU n'a pas écrit pour ne rien dire. Elle écrit pour révéler, dénoncer, expliquer, toucher. Elle écrit pour sensibiliser, pour solidariser. Pour informer. Peut-être aussi pour alerter et… tenter de faire changer les choses, à son échelle. La fin romanesque ainsi que la plume directe et fluide inscrit ce récit dans la lignée de "Ceux qui restent". Evidemment, malgré quelques beaux passages d'écriture, c'est raide pour tout le monde : le soldat, la famille, les politiques et le lecteur. Mais c'est nécessaire, pour connaître le monde dans lequel on vit, comprendre les tenants et aboutissants avant de juger et, surtout, pour tenter d'améliorer un système qui, s'il fonctionne vraiment ainsi, est imparfait, voire écoeurant. le dénouement un peu rapide aurait pu pénaliser la cohérence d'ensemble si tout ce qui précède ne nous avait pas suffisamment marqué ; aussi, en l'occurrence, il survient comme une délivrance.


« Il était une fois un homme bon devenu une plaie à vif.
Il était une fois un homme et une femme ; un premier de cordée qui entraîne le second dans sa chute.
Il était une fois un soldat ayant dépassé le seuil d'horreur qu'il pouvait endurer et que la vie a transformé en une bombe à retardement que les Hommes ont lentement amorcée jusqu'à l'explosion.
Il faudrait peut-être commencer ce récit tout simplement par “il était une fois la guerre”. »
Commenter  J’apprécie          6425
Un grand merci à Babelio et aux éditions Taurnada…

La foule est là pour les accueillir, près du tarmac. Toujours plus nombreuse au fil des ans, toujours plus excitée. Des pancartes tenues à bout de bras sur lesquelles l'on peut lire « Fachos, « Ordures », « Tueurs d'enfants »… Les « salauds » débarquent enfin. Parmi eux, Sébastien Braqui, 40 ans, un hématome sur la tempe causé par une pierre lancée par un gamin shongais, à son départ. le Shonga, un pays qu'il connaît bien pour y être allé 4 fois pour y accomplir sa mission : assurer les convois logistiques. Un pays qui s'enlise dans une guerre civile, qui voit s'émerger de nombreux groupes terroristes et qui voit l'armée française, notamment, s'occuper d'un conflit qui n'est pas le sien. Bien qu'il rentre sain et sauf de ses missions au Shonga, au cours de toutes ces années, Sébastien Braqui n'est déjà plus le même lors de son premier retour, la faute à toutes ces images d'horreur et de violence qui le poursuivent, au silence qui s'installe progressivement entre lui et sa femme, Claire…

Une armée de soldats français, partis pour tenter d'apporter un semblant de paix au Shonga, qui se fait huer et insulter à son retour ? Comment un tel fossé s'est-il creusé entre l'opinion publique et eux ? Pour ce faire, Estelle Tharreau donne la parole à un homme dont on ignore, jusqu'au milieu de ce récit, son identité, qui va raconter la (ou les) guerre de Sébastien Braqui. de sa première mission au Shonga jusqu'au jour de l'explosion, en passant par les massacres, les charniers, les camps de réfugiés aux peu de moyens, à la purge, au retour impossible à la vie civile… l'auteure dépeint avec réalisme et intensité la lente et inexorable descente aux enfers de Sébastien Braqui, ce qu'il endure et supporte, mais aussi le fossé qui se creuse un peu plus entre lui et son épouse Claire, puis plus tard, sa fille. Un fossé rempli de silence, de non-dits, d'incompréhension, d'images d'horreur qu'on ne veut partager, de solitudes, de dénis, de rancoeur, de peur, de culpabilité. L'on assiste, impuissant et démuni, au naufrage de ce soldat, cabossé, blessé au plus profond de son être, mis à mal par un système politique frileux et une société déconnectée. Intense, dramatique, puissant, aux personnages psychologiquement creusés, à l'écriture tendue et au dénouement inattendu, ce roman bouscule tout autant qu'il émeut…
Commenter  J’apprécie          517
Voici mon retour de lecture sur Il était une fois la guerre d'Estelle Tharreau.
Sébastien Braqui est soldat.
Sa mission : assurer les convois logistiques.
Au volant de son camion, il assiste aux mutations d'un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l'heure de la défaite.
C'est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d'âme après les tragédies traversées « là-bas ».
Il était une fois la guerre est un thriller psychologique très dur sur les traumatismes des soldats et les sacrifices de leurs familles.
Sébastien Braqui est un homme très touchant. On suit son parcours au sein de l'armée, lors de son premier déplacement au Shonga, puis tout au long de sa carrière.
Il est intéressant de constater comment la vie d'un soldat peut basculer en un instant.
J'ai apprécié de le suivre autant dans sa vie professionnelle que personnelle.
J'ai également aimé le narrateur dont nous découvrons le lien avec Sébastien au bout de quelques temps.
Pour une fois, j'ai pris mon temps, lisant ce roman petit à petit sur cinq jours.
J'ai eu besoin de digérer ma lecture à plusieurs reprises car ce roman est très sombre.
Même si le combat est fictif, ce n'est pas sans faire penser à des conflits qui eux, ont été bien réels !
Nous savons qu'à un moment il va y avoir une explosion ; sans savoir de quelle sorte ni ce qui va se passer exactement. Beaucoup de questions se posent, ainsi qu'une certaine appréhension.
Qui va exploser ? Un bâtiment ? Un humain ? Sébastien ? Une autre personne ?
Le suspens est bien maitrisé et j'ai été surprise ; j'avoue qu'il y a de nombreuses choses auxquelles je ne m'attendait pas dans ce roman.
C'est un réel choc ce qui arrive ; c'est hyper bien ficelé, touchant, dérangeant.. Les sentiments s'entremêlent..
L'autrice nous fait réfléchir sur le sort des soldats qui n'ont plus la côte car ils ont combattus lors de conflits où rien ne s'est déroulé comme prévu.
Le final est vraiment excellent.
L'écriture d'Estelle Tharreau est pointue, et elle m'a totalement embarqué avec Sébastien dans son quotidien de soldat.
Il était une fois la guerre n'est pas un roman pour moi au premier abord mais à aucun moment je n'ai regretté mon achat car je me suis prise une sacré claque !
Je vous le recommande sans aucune hésitation.
Ma note : cinq étoiles.
Commenter  J’apprécie          270

Citations et extraits (61) Voir plus Ajouter une citation
– Hum… Tu vois un drame comme ça, ça peut arriver ici comme ailleurs ; un gosse qui déboule d’un coup, on peut pas toujours l’éviter. On fait pourtant gaffe. C’est pas faute de rappeler les consignes. Mais tu sais, quand je vois quelle ampleur ça a pris et à quelle vitesse ils ont organisé tout ce bordel, je me demande si ce gamin… Enfin, tu me comprends… T’es déjà venu ici. Tu sais que c’est pas comme chez nous la valeur d’une vie, même celle d’un gosse. Ils leur font poser des IED. Ils s’en servent comme bouclier. Putain, je peux pas m’empêcher de penser que ce gosse… De toute façon, on le saura jamais. On doute de tout ici. »
Il se tut et leurs regards se portèrent sur les écrans qui rediffusaient, pour la centième fois, le cercueil baladé dans les rues avec son cortège de femmes en pleurs.
« C’est la fin des martyrs glorieux. Place aux martyrs de l’émotion. Les droits de la guerre contre l’émoi planétaire. C’est plus rentable. »
Commenter  J’apprécie          180
Le cœur de Sébastien faillit s’arrêter lorsqu’il reconnut le visage de l’homme qu’il avait vu, quelques années auparavant sur un écran vidéo. Un homme entouré d’enfants pour protéger sa fuite alors qu’il était pourchassé pour avoir ordonné l’attaque du camp de Sébi où avait péri Sandreau, son mentor. Il assista aux salamalecs auxquels se pliait avec effort le colonel, qui se raidit au moment de serrer la main d’Alpha Adéma. Il vit son chef contenir sa rage lorsque les caisses plombées furent ouvertes. La gorge serrée, il observa la honte de cet homme devant restituer au bourreau de ses hommes les armes qui avaient servi à les tuer.
Les ordres ayant été exécutés, le minimum protocolaire ayant été respecté, le colonel donna l’ordre de rembarquer pour repartir aussitôt. Alpha Adéma n’attendit pas que les militaires soient repartis. L’humiliation devait être totale. Il prononça quelques paroles à l’intention des hommes qui attendaient dans leurs véhicules de fortune. Puis il se retira au moment où ils avancèrent vers ses miliciens. Un à un, dans une discipline si étrangère aux mœurs shongaises, ils chargèrent des sacs de riz, de l’huile et du sucre sans oublier une poignée d’armes qu’ils exhibèrent au-dessus de leur tête pour saluer leurs bienfaiteurs et narguer le colonel, Sébastien et les siens.
L’humiliation et la schizophrénie étaient absolues. Ils venaient de donner les moyens à ceux qu’ils combattaient d’acheter les populations et de gagner cette guerre. Le convoi militaire repartit en ravalant sa dignité et sa colère.
La paix n’a pas de prix…
Commenter  J’apprécie          30
La guerre est inhérente à la nature humaine. Quoi que l'on fasse, quelques soient les angles arrondis et les consciences policées, l'homme restera un grand primate.
Commenter  J’apprécie          190
La mort d’un homme au terme d’une vie est une peine, celle d’un enfant massacré est un traumatisme pour l’esprit, une parcelle d’humanité qui se sépare de l’âme. Toutes les morts ne pèsent pas de la même manière sur une conscience.
Commenter  J’apprécie          100
Sébastien avait dépassé l’amertume pour s’élancer vers l’aigreur et la rancœur. Comment ne pas sombrer lorsqu’on vous félicite pour avoir sauvé des vies alors que chaque téléspectateur savait que vous aviez fermé les yeux sur des dizaines d’autres qui auraient pu être épargnées si votre main avait appuyé sur la détente de votre fusil ? Comment ne pas entrevoir les oscillations des flammes d’un charnier fumant dans celles de ce drapeau bleu flottant au-dessus de cette cérémonie d’opérette montée à la hâte avant d’embarquer dans des camions et de décamper de cet enfer ? Comment ne pas avoir envie d’arracher l’épingle de cette médaille lorsqu’elle vous transperce le cœur en même temps que la veste sur votre poitrine ? Comment réussir à continuer sa vie comme si de rien n’était alors que vous porterez à jamais cette marque d’opprobre déguisée en reconnaissance glorieuse ?
Le sac sur l’épaule, prêt à partir, je m’étais retourné une dernière fois. J’ai vu la honte dans les yeux de ces hommes mis à l’honneur. La honte de n’avoir rien pu empêcher alors qu’ils y étaient préparés.
Un sentiment de n’avoir pas été un soldat, mais le complice attentiste des buveurs de sang.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Estelle Tharreau (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Estelle Tharreau
« le Dernier festin des vaincus », le booktrailer. Un thriller d'Estelle Tharreau.
Un soir de réveillon, Naomi Shehaan disparaît de la réserve indienne de Meshkanau. Dans une région minée par la corruption, le racisme, la violence et la misère, un jeune flic, Logan Robertson, tente de briser l'omerta qui entoure cette affaire. Il est rejoint par Nathan et Alice qui, en renouant avec leur passé, plongent dans l'enfer de ce dernier jalon avant la toundra.
Un thriller dur qui éclaire sur les violences intracommunautaires et les traumatismes liés aux pensionnats indiens, dont les femmes sont les premières victimes.
« Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire assassiner qu'une autre femme. »
Roman disponible le 2 novembre 2023 (papier & numérique).
Infos & précommande ici https://www.taurnada.fr/ldfdvet/
+ Lire la suite
autres livres classés : thrillerVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus


Lecteurs (249) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2867 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..