Depuis leurs débuts, j'ai la chance que les éditions du Chant du Cygne, me laissent lire leurs publications afin de vous en parler. Et après un premier roman qui m'avait laissée un peu mitigée Gestalt, un deuxième déjà plus à mon goût avec son uchronie SF sur fond de nazisme : La Dimension Heisenberg, je tiens enfin avec le troisième mon préféré à ce jour. Avec son histoire de révolte dans un univers steampunk crasse et crapuleux,
Francesca Theosmy m'a totalement embarquée et je ne fus pas la seule passagère de ce voyage, mes co-lecteurs Audrey (Light and smell ) et Steven (Mavenlitterae) furent également emportés !
Ce fut donc avec un vif plaisir que j'ai retrouvé à nouveau le roman annuel du Chant du cygne qui, une fois n'est pas coutume, change de registre pour explorer de nouveaux horizons, mais toujours dans cette belle et sombre charte graphique qu'on leur connaît. Et c'est en charmante compagnie, de plus, que je me suis embarquée dans ce nouvel univers qui promettait d'être aussi riche que complexe : celui d'une uchronie où l'Atlantide, connue de tous sur Terre, est objet de bien des convoitises à l'aube du XXe siècle.
Qui dit Atlantide, dit bien sûr lecteurs avides et curieux de cette légende, c'est certainement ce qui nous a attirés tous trois, Audrey, Steven et moi. J'avoue que mon goût pour les uchronies et les univers steampunk a fait le reste, mais je sais que ce n'était pas le cas à l'origine de l'ensemble de notre trio, cependant l'autrice a su convertir tout le monde ! Pourtant les premières pages furent un peu rudes, pleines d'informations géopolitiques à en faire tourner la tête et se perdre, mais c'est aussi ce qui en a fait la saveur d'emblée. On avait envie d'être dépaysés avec cette Atlantide dans le paysage de notre réalité et du coup, tous ces éléments nous ont mis l'eau à la bouche. J'ai regretté par la suite qu'ils fussent au final si peu exploités et si tardivement.
Car avant d'être une histoire sur l'Atlantide,
le chemin de la mort poudreuse fut un récit dystopique, reprenant les mécanismes de celles-ci, dans un univers de steampunk crade et populeux, où nous allions suivre une jeune femme, Madeth, qui semble être un vrai aimant à ennuis, surtout pour elle, et qui va connaître bien des déboires, dans cet univers riche en innovations techniques et pourtant encore tellement en retard en matière de droits humains. Ce sera donc avec fougue mais douleur, avec envie mais rudesse que nous allions vivre l'aventure de ces Atlantes.
L'histoire se découpe en trois parties distinctes et qui en même temps s'emboîtent à merveille les unes dans les autres pour former une toile riche et explosive. La première est probablement la plus rude, avec un récit très dark-initiatique où notre héroïne, comme dans un roman de
Sade, ne connaît qu'épreuves et encore épreuves douloureuses. La deuxième leur ouvre une porte de sortie mais l'entraîne en même temps vers des horizons qui pourraient être bien tumultueux pour elle. Et enfin, le dernier permet de faire se rejoindre le tout mais aussi d'enfin approfondir la question atlante et de nous permettre en apprendre plus sur cet endroit, sa gouvernance, son origine et sa destinée.
Pour nous conduire dans cette riche aventure, qui ne se dégonfle pas au fil des chapitres, nous avons trouvé que
Francesca Theosmy faisait preuve d'une plume très âpre et rugueuse, parfois même réellement crue. Son héroïne va connaître abandon, tentative de viol, incarcération, prostitution et j'en passe, l'autrice n'édulcore rien de tout cela, vous voilà prévenu ! Mais est-ce que ce fut pour autant un frein pour nous ? Nullement car
Francesca Theosmy ne fait pas ça gratuitement, qu'il n'y a rien de voyeuriste ou aguicheur là-dedans mais juste la description d'un univers réellement sombre et malveillant. Ainsi voir l'héroïne résister, lutter, parfois sombrer, mais se relever, n'en fut que plus riche. Elle fit en plus des rencontres étonnantes où la plume à nouveau très marquante de l'autrice a permis de vraiment noter et retenir ses personnages singuliers et les milieux où ils évoluent.
L'action a en effet lieu aussi bien dans une campagne encore pétrie de préjugées et un peu arriérée, une ville crasse et populeuse où le crime règne, et plus tard dans les airs auprès de créatures surprenantes, pour finir dans un palais où des enjeux colossaux vont nous éclater à la figure. L'univers du Chemin de la mort poudreuse est riche, parfois un peu trop même, les débuts ont un peu trop enchaînés les événements pour moi, au point de les rendre anecdotique et de me perdre, alors que j'ai préféré la concentration finale autour de l'idée d'une révolution contre l'ordre établi corrompu. Mais en tant que lecteurs, mes compagnons et moi, ne nous sommes pas ennuyés une seconde au cours de cette Odyssée dystopique.
Il faut dire que le rythme addictif de l'autrice ainsi que l'univers riche et foisonnant qu'elle a imaginé ont de quoi accrocher. Très (trop ?) centré sur Madeth et ses déboires au débuts, qui auraient pu prendre place dans notre réalité, ils prennent une tournure bien plus fascinante à la suite d'une sacrée proposition pour elle descentrant un peu l'action. Nous voilà alors transportés, en tant que lecteurs, à bord d'engins comme l'escargoptère ou l'octophar, qui utilisent des animaux vivants comme moyens de transport ! Ça parle aussi d'être humains hybrides / androïdes, fabriqués / guéris à l'aide de la fameuse orichalque. Il est question d'une Atlantide, île mystérieuse volant grâce à un moteur à âmes : le Numen et créé à l'origine par des Visiteurs Élémentaires. Il y a aussi des tatouages en duo qui permettent de communiquer entre membres d'une même famille et j'en passe. J‘ai vraiment adoré tout l'imaginaire de
Francesca Theosmy au cours de cette lecture et j'ai été d'autant plus frustrée que ça n'en reste, le plus souvent, qu'au stade du décor sympathique, alors qu'il y avait tellement à faire dessus.
C'est un peu pareil du côté de l'intrigue. J'ai beau l'avoir trouvé très entraînante, sombre et torturée à souhait, avec des histoires de famille dramatiques comme j'aime, dont les liens nous apparaissent et ravagent en cours de route. N'est-ce pas Madeht et Adial ? 😉 Je trouve aussi qu'il y a un sentiment d'improvisation et de course non-stop de la part de l'autrice. Elle a posé presque d'entrée la finalité de son histoire, mais elle semble ensuite raccrocher des bouts d'histoires qu'elle a écrit par côté sur cette Atlantide et la Révolution en marche en son sein, avec lesquels elle vient percuter celle de Madeth qu'on suit depuis le début. Cela peut faire un drôle d'effet, en tout cas, ce fut le cas chez moi et il me semble que Steven l'a ressenti aussi.
Heureusement cela n'enlève rien au très beau travail de l'autrice sur cette quête de soi et d'identité de son héroïne ballottée par la vie, ainsi qu'au fascinant univers qu'elle a développé et qui interroge sur la mémoire et l'identité dans un monde source perpétuelle de douleur physique comme psychologique. Cette revisite des soubresauts des premières décennies du XXe sous le prisme atlante est vraiment une belle trouvaille stylistique et nous l'avons tous adorée !
Lecture commune à trois parfaitement réussie,
le chemin de la mort poudreuse nous a vraiment emmenés sur des sentiers fascinants de noirceurs et d'ingéniosité, autour de questions à jamais d'actualité, auprès de personnages torturés et marquants, dans un univers steampunk entraînant. J'aurais peut-être aimé une plus grande exploitation de l'Atlantide et ses mystères mais la dynamique narrative et les questionnements m'ont fascinée et tenue en haleine jusqu'au bout, ce qui est déjà parfait !
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