Jim Thompson est un des grands noms des lettres noires américaines. Il est l'auteur d'une trentaine de romans écrits principalement entre la fin des années 1940 et le milieu des années 1950. Il ne rencontra la célébrité qu'à titre posthume grâce aux adaptations cinématographiques grandioses de ses oeuvres : Coup de torchon de
Bertrand Tavernier, Série Noire d'
Alain Corneau, Guet-apens de Sam Peckinpah ou
Les arnaqueurs de
Stephen Frears.
Après avoir écrit pour des magazines Pulp et comme reporter de faits divers à Los Angeles, Thompson deviendra lui-même scénariste et travaillera notamment avec l'immense
Stanley Kubrick sur deux de ses oeuvres de jeunesse : L'ultime razzia et Les sentiers de la gloire.
Mais si Thompson a engendré quelques grands films de manière plus ou moins directe, son art s'exprime d'abord et avant tout dans ses romans, très noirs, inspirés grandement de sa propre vie, qui fut loin d'être un long fleuve tranquille. Rongé par l'alcool, il mourut à 71 ans après une série d'attaques cardiaques.
le démon dans ma peau est un de ses livres cultes. Thompson fait entrer le lecteur dans l'âme torturée de
Lou Ford, shérif adjoint d'un petit bled du Texas, Central City. Bon shérif et bon citoyen d'apparence, il se présente comme un homme sans histoire. Pourtant, Lou est un violent psychopathe. Agité par des pulsions destructrices, par « un démon dans sa peau », il cherche à se venger de ceux qu'il juge responsables de la mort de son frère et de son père. Son passé et ses pulsions meurtrières font de lui un monstre froid et c'est un voyage glaçant dans une âme dérangée et dangereuse en quête de vengeance que nous propose Thompson.
Écrit à la première personne afin que l'immersion soit aussi totale que suffocante, le livre se présente comme une sorte de confession d'un serial-killer. Ainsi le grand mérite de ce roman est de conter son histoire et de dresser le portrait de son héros en creux, à travers un prisme déformé : la psyché malade et hypocrite d'un psychopathe. Lou n'explique rien de ses actes, n'en donne aucune justification. Il narre juste des faits, retranscrit des discussions, raconte des assassinats et des violences qui s'accumulent. Lou conte avec froideur, distance et cynisme. Pire même, il essaye de persuader le lecteur qu'il est un chic type et non un monstre. Il s'absout de ses crimes, les minimise, les nie parfois ou fait comme s'ils n'existaient pas. Pourtant les personnes qu'il croise et les faits qu'il raconte jouent contre lui et nous permettent de comprendre ce que Lou cache, maquille ou réfute. Lou a beau être roublard et de mauvaise foi, il ne peut effacer sa nature monstrueuse.
Ce livre, paru en 1952, est une des matrices sur lesquelles s'est construite la figure du serial-killer narrateur telle qu'elle est entrée dans la culture contemporaine, du génial
American Psycho de
Bret Easton Ellis au Dexter de
Jeff Lindsay. Dieu sait que j'ai aimé Patrick Bateman (nom du héros d'
American Psycho) et Dexter et malgré tout ici, malgré l'ingéniosité et le caractère précurseur du procédé, je me suis un peu ennuyé. le jeu du chat et de la souris que nous propose Lou m'a vite lassé. J'ai passé mon temps à tenter de deviner ce que Lou cachait, à essayer de comprendre ce qui n'était que furtivement évoqué. du coup, je n'ai réussi ni à frémir ni à entrer en empathie avec ce monstre froid, trop occupé à décrypter le sens des évènements qui s'enchaînaient.
de plus, là où
Brett Easton Ellis nous plongeait dans un tourbillon psychotique, accumulant les hallucinations, les incohérences et les délires dans un crescendo à couper le souffle, tout m'a semblé ici trop linéaire, glacé et finalement plat.
C'est vraiment dommage car ce roman avait tout pour me plaire. Cependant, je dois bien avouer que, malgré l'originalité de son concept, je n'ai pas ressenti les frissons qu'il aurait dû faire naître en moi.
Tom la Patate
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