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L'ancien régime et la Révolution d'Alexis de Tocqueville est d'une modernité étonnante. En plongeant dans son analyse sociologique du temps précédent la Révolution, j 'ai eu par moment l'impression d'une description contemporaine. Modulo un français d'aujourd'hui et une contextualisation politique, son ouvrage pourrait s'appeler la 5e République et la nouvelle Révolution ( en gestation) . Les conditions semblent réunies à l'instar de celles du 18e siècle ; notamment le délitement du lien social, le fossé entre les élites et les classes populaires, entre les classes moyennes et populaires ,qui ressemblent fortement au cloisonnement entre la noblesse, la bourgeoisie et le peuple de l'ancien Régime ; l'injustice de l'impôt dont étaient exemptés les nobles et qui de nos jours s'apparente à l'optimisation fiscale qui leur permet d'y échapper ou de payer un montant dérisoire au regard de leurs revenus.
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En ouverture de ce billet, l'honnêteté me pousse tout d'abord à adresser de chaleureux remerciements à Jean-Michel Blanquer : sans la réforme du lycée, qui a inscrit Tocqueville au programme de cette nouveauté qu'est la Spécialité Histoire-Sciences Po, il est en effet probable que je ne me serais pas intéressé d'aussi près à cet écrivain passionnant. Mes remerciements à M. Blanquer s'arrêtent là, j'en ai bien peur. On me dira que pour un ministre de l'Education Nationale, le bilan n'est déjà pas si négatif.

Alors que de la démocratie en Amérique est considéré comme un ouvrage fondateur de la science politique, Tocqueville fait ici oeuvre d'historien. Il va cependant à rebours des méthodes historiques de son siècle, lesquelles s'orientent alors vers l'obsession méticuleuse de la chronologie et les récit insipides de batailles glorieuses ou de vies des hommes illustres. Sous la plume de Tocqueville, l'histoire est une discipline qui voit large : elle brasse les décennies avec une haute ambition intellectuelle et dédaigne le marécage événementiel, dans une approche pré-braudélienne absolument fascinante. L'auteur ne s'intéresse qu'aux tendances de fond, arpentant la société française tout au long du XVIIIème siècle afin d'y découvrir les éléments qui permettent d'éclairer et de comprendre l'explosion révolutionnaire de 1789. Sans tomber dans le piège du déterminisme, son propos est de souligner à quel point la Révolution se présente comme la conséquence logique et la continuation cohérente, sous d'autres formes, d'évolutions esquissées longtemps auparavant. Dispensée dans une langue qui constitue un enchantement littéraire, son analyse est bien connue mais n'en reste pas moins brillante, tout en étant largement fondatrice de l'historiographie moderne de la Révolution.

Pour résumer très schématiquement sa thèse, disons que le XVIIIème siècle voit la conjonction d'une triple évolution : la noblesse renonce définitivement à son utilité sociale tout en s'accrochant à des privilèges qui la transforment en une caste de rentiers ; dans le même temps, la monarchie profite de cette situation pour étendre un pouvoir centralisé, déjà moderne, souvent arbitraire et visant à l'absolu ; prises dans la tenaille de ces dynamiques contraires, les vieilles structures qui donnaient tant bien que mal une voix au Tiers-État s'étiolent, tombent peu à peu en déshérence et laissent finalement le peuple sans autre moyen que la violence pour exprimer son désir de liberté et son rejet croissant de l'inégalité.
Tocqueville ne cache rien de ses opinions dans le cours de son ouvrage : il est féroce avec la noblesse, dont il est pourtant issu, et se montre profondément admiratif de 1789 et de ses espérances, tout en gardant une sincère affection pour Louis XVI. Il ne dissimule pas non plus son effroi pour 1793, règne du chaos qui, selon lui, précipite la France vers un pouvoir absolu dont même Louis XIV n'aurait jamais osé rêver. Il ne faut pas s'y tromper, ni l'idéaliser : Tocqueville est un libéral, et il n'a rien d'un socialiste (si je me souviens bien, il approuva d'ailleurs en juin 1848 la répression contre les ouvriers parisiens qui s'opposaient à la fermeture des Ateliers Nationaux).
Sa démonstration vient ici enrichir certains éléments qu'il avait développés dans de la démocratie en Amérique, concernant la tyrannie de la majorité ou le risque du despotisme démocratique. C'est sur ce plan que son ouvrage s'échappe du strict cadre historique pour se transformer en un essai de sciences politiques. Sa réflexion sur la liberté politique reste en la matière une référence difficilement dépassable. Et par sa façon méthodique de prendre du recul et de dégager des invariants, il me semble que Tocqueville recherche ouvertement cette dimension prospective : pour lui, l'histoire de la Révolution doit servir à anticiper l'avenir.
De fait, tout au long du livre, le lecteur ne peut que s'interroger sur l'étonnante actualité de cet ouvrage vieux de près de deux siècles.
Cela n'aurait évidemment guère de sens de transposer ce texte tel quel à la France de 2020. Inutile d'affubler Macron d'une perruque à la Louis XVI, ou de ressortir l'histoire de Marie-Antoinette et de ses brioches quand Brigitte s'inquiète de ce que les grèves pourraient perturber la livraison du sapin de Noël de l'Elysée.
Néanmoins, lorsque Tocqueville écrit ceci (p292-293 de l'édition Folio) :
« Louis XVI, pendant tout le cours de son règne, ne fit que parler de réformes à faire. Il y a peu d'institutions dont il n'ait fait prévoir la ruine prochaine, avant que la Révolution ne vînt les ruiner toutes en effet. […]
Parmi les réformes qu'il avait faites lui-même, quelques-unes changèrent brusquement et sans préparations suffisantes des habitudes anciennes et respectées et violentèrent parfois des droits acquis. Elles préparèrent ainsi la Révolution bien moins encore en abattant ce qui lui faisait obstacle qu'en montrant au peuple comment on pouvait s'y prendre pour la faire. »
Est-ce vraiment forcer le trait et l'interprétation, lorsqu'on lit cela (ou les autres citations que j'ai pu ajouter), que de trouver entre cette époque et la nôtre une étrange concordance de temps ?
Tocqueville nous brosse le portrait d'une société fondée sur l'injustice : une société dans laquelle l'impôt, ayant pour objet « non d'atteindre les plus capables de le payer mais les plus incapables de s'en défendre », épargne le riche mais charge le pauvre ; une société en crise, incapable de se réformer dans l'équité, car dominée par une caste de privilégiés ou de parvenus ; une société dans laquelle ceux qui subissent l'inégalité ne la supportent plus et où les élites manquent à ce point de lucidité qu'elles en deviennent sourdes et aveugles à tout ce qui n'est pas leur intérêt immédiat. Voilà au final le sentiment que j'en retire, inquiet et attristé : plus que jamais, ce texte reste d'ici et de maintenant.
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Comprendre l'histoire de notre pays, comme d'ailleurs l'histoire mondiale est, sans doute, une des approches nécessaires pour appréhender notre France et notre monde actuels.
Il ne faut pas, certes, tomber dans la facilité de « faire parler » une situation que nous connaissons de nos jours à l'aune d'une situation passée, dans une sorte de copié-collé, c'est ce que font volontiers les politiciens. Ou encore de se contenter de dire que l'histoire est un éternel recommencement.
Mais les comportements humains qui animent les événements restent, au fond, les mêmes, quelle que soit l'époque, et justifient cette comparaison passé-present.
Cependant, l'interprétation des grands bouleversements sociétaux et politiques que sont les périodes révolutionnaires est plus difficile à faire que celle des changements progressifs.

C'est tout l'intérêt de cet ouvrage de Tocqueville (surtout connu pour son analyse de référence « de la Démocratie en Amérique », analyse magistrale de l'organisation politique des États -Unis au 19ème siècle).
A l'inverse des autres, tels celui remarquable d'Albert Mathiez que j'ai commenté il y a quelque temps, le livre d'Alexis de Tocqueville ne donne aucun déroulé des événements ; et d'ailleurs, aucune analyse de la révolution de 1789 et de son évolution jusqu'à sa chute n'est donnée. Qu'est-ce qui l'en a empêché? Sans doute la difficulté d'appréhender cette période révolutionnaire, lui qui était de la noblesse, et partisan de l'ordre en politique. En effet, si l'on a trouvé des notes de lui sur le Consulat, une période plus stable, aucune note sur la Période révolutionnaire n'a été retrouvée.

Tocqueville se limite donc en réalité, mais c'est stimulant pour la réflexion, à nous produire un essai d'analyse socio-politique de cette période qu'il appellera l'Ancien Régime, pour en discerner les raisons qui ont conduit au grand basculement dans la période révolutionnaire. Un essai étayé par de très nombreuses et volumineuses notes qui montrent que l'auteur a systématiquement analysé un nombre considérable de documents, notamment de caractère administratif, pour comprendre comment fonctionnait l'Ancien Régime.

L'ouvrage se décompose en 3 « livres », disons trois grands chapitres.

Dans le premier, Tocqueville essaie de devenir l'essence même de la Révolution française, d'abord en disant ce qu'elle n'est pas. Elle n'est ni anti-religieuse, ni politique, ni sociale, mais plutôt un changement de ce qu'il qualifie d'institutions qui vont devenir égalitaires en substituant à une survivance d'institutions féodales. C'est-à-dire un changement à la fois politique et social très en avance sur ce qui s'est passé dans les autres pays européens.

Dans le second, le plus étoffé, Tocqueville analyse comment a évolué la France Royale au cours des siècles qui ont précédé celui de la Révolution.

D'abord une analyse de l'Etat, montrant que la centralisation du pouvoir, avec comme conséquence une centralisation administrative, a été une sorte d'obsession des souverains depuis le Moyen Age, dans le but notamment de briser ou contourner le pouvoir des féodalités. Cela culmine avec Louis XIV qui va décider, avec son célèbre « L'Etat c'est moi », que l'Etat royal est propriétaire de toutes les terres du royaume, et que les « vrais » propriétaires, noblesse, clergé, bourgeois, paysans, etc… ne sont que dépositaires d'un bien appartenant à l'Etat, c'est-à-dire au Roi. En quelque sorte, un collectivisme royal!
Or cette centralisation va vider progressivement de leur contenu les privilèges de la noblesse et du clergé, qui pouvaient se comprendre dans un régime féodal, dans lequel noblesse et clergé étaient les garants de la sécurité des biens matériels et spirituels de la population sous leur tutelle.

En ce qui concerne la société civile, Tocqueville fait remarquer que, comparativement à d'autres pays européens, le servage disparaît rapidement en France pour laisser place en bonne partie à une population de petits paysans propriétaires de leurs terres; et donc une paysannerie avec une relative autonomie, mais qui paie l'impôt ou plutôt les divers impôts et nombreuses taxes.
Il y a aussi le développement important d'une bourgeoisie des villes consécutive notamment au développement du commerce et de l'industrie. Une bourgeoisie parfois très riche mais qui paie l'impôt, alors que ni la noblesse, ni le clergé n'y contribuent. Une bourgeoisie qui est aussi celle des fonctionnaires qui sont chargés de la gestion administrative (dont la collecte de l'impôt), fonctionnaires dépendants du pouvoir royal.

Dans le livre III, Tocqueville analyse les changements qui se sont produits dans la deuxième partie du 18ème siècle, changements qui vont servir d'accélérateurs et conduire inéluctablement à la Révolution française de 1789.
Il y distingue l'influence des « Philosophes des Lumières » dans le développement du concept de l'égalité des droits indépendamment du statut social, de l'anticléricalisme, du rôle de certains économistes dans l'idée d'abolition de la propriété; et enfin, le rôle néfaste de plusieurs réformes: suppression des Parlements par Louis XV, qui, malgré leurs défauts, la corruption notamment, constituaient une sorte d'instance décentralisée; remplacement des intendants par des assemblées électives qui bouleversent le tissu social, gênent les décisions, mettent en conflit ceux qui paient ou ne pas l'impôt, etc…

Bref, l'organisation socio-politique, héritée d'une société féodale qui n'existe plus, apparaît déphasée, à bout de souffle; et « il suffira d'une étincelle, pour allumer le feu ».

Cette analyse qui montre que la Révolution était inéluctable pour beaucoup de raisons, est convaincante.
Mais certaines conclusions qu'en tire Tocqueville m'ont moins convaincu. En particulier, le fait que la centralisation administrative imposée par la royauté a perduré lors de la Révolution ne rend pas compte du fait qu'avant l'épisode de la Terreur, puis celle du Consulat, un fort courant de volonté de donner plus de liberté aux provinces s'est manifesté. Aussi, les commentaires de l'auteur sur le caractère néfaste pour notre pays de la disparition de la Religion comme ciment de l'unité de la Nation, n'est pas exact, car le Culte de l'Etre suprême a remplacé le culte religieux catholique et le courant hébertiste qui voulait abolir la religion ne l'a jamais emporté. Dans son propos, il fait référence à la démocratie des USA, et à la monarchie constitutionnelle britannique. Nous savons maintenant,depuis les lois de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, que la laïcité peut aussi cimenter une Nation.

Malgré ces critiques, voilà un ouvrage passionnant qui incite à la réflexion sur quelques « maladies » françaises toujours d'actualité: l'hyper-centralisation administrative; l'hyper-présidentialisation susceptible de cristalliser les mécontentements; et aussi l'obsession égalitaire, ou plutôt, comme le dit Tocqueville, la haine de l'inégalité, et celle « des privilégiés », tels que sont considérés les hyper-riches par le « peuple français ». A la différence près, que beaucoup de ces milliardaires français, qui,certes, font tout pour bénéficier d'avantages fiscaux, n'ont pas reçu ce privilège en héritage, créent des emplois, etc..Et que l'économie s'étant mondialisée, ceux qu'il faut craindre, car en passe de devenir les vrais maîtres du monde, n'appartiennent à aucune nation.


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(Lu en Folio)
Essentiel pour comprendre les fondements de la Révolution et en finir avec les préjugés et autres idées reçues. Brillante analyse parfois un peu lourde et harassante à certains passages, mais servie par un style excellent qui rend accessible la pensée de cet immense auteur. Ce livre est un ouvrage fondamental d'histoire sur cette periode compte tenu de l'important travail de recherche et de recoupement effectué par l'auteur. ATTENTION, ce n'est pas un simple récit de faits, mais une oeuvre intellectuelle dans laquelle Tocqueville pense la Revolution et l'étudie dans son contexte. C'est également en grande partie une profonde analyse de l'Ancien Régime.
Pour connaître la pensée de l'auteur je recommande vivement "de la démocratie en Amérique", ouvrage non moins fondamental et brillantissime qui donne des clés pour comprendre le monde contemporain et la comportement politique de l'homme en démocratie.
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Avec l'Ancien régime et la révolution, Tocqueville nous livre une étude passionnante sur les constantes de la vie politique française. C'est surtout un livre sur l'ancien régime et les causes de la révolte plus que sur la révolution elle même et ses conséquences.
Il essaie de décrypter un point fondamental, à savoir pourquoi la révolution a t-elle eu lieu en France et pas ailleurs, alors que d'autres pays avaient davantage de motifs à se soulever contre la seigneurie et les privilèges. Son hypothèse est intéressante et elle démontre que la révolution n'a pas vraiment été une rupture, mais, l'aboutissement d'une forme de centralisation mise en oeuvre depuis des décennies déjà, et plus particulièrement sous Louis XIV.
Tocqueville s'est manifestement appuyé sur de nombreuses archives et son livre abonde de comptes rendus, lettres d'intendants et autres procès-verbaux qui sont des plus édifiants sur la façon dont fonctionnait l'administration à l'époque. On découvre que la démocratie au Moyen-Âge était nettement plus dynamique qu'au temps de la révolution et que la majorité des terres appartenait alors aux paysans.La volonté centralisatrice de la royauté pour asservir la Noblesse en la comblant de privilèges mais, en la dépossédant de son pouvoir local d'administration à fait que le paysan n'a plus vu dans le seigneur qu'un profiteur sans utilité ni responsabilités mais qu'il entretenait malgré tout et cela sans contrepartie. En commercialisant les Charges, Louis XIV a déconstruit la démocratie municipale jusqu'alors active, il a annihilé tous les pouvoirs intermédiaires, les assemblées, les parlements locaux,et cantonné l'aristocratie à un rôle honorifique. Cet amoncellement de réglementations versatiles et souvent absurdes, n'a fait que perturber la vie des classes moyennes et de la bourgeoisie sans qu'ils n'en retire aucun bénéfice. La chute était inéluctable,en gardant éloignées les unes des autres,les élites des différentes classes sociales, en les privant de l'opportunité de se rencontrer pour débattre ensemble de l'avenir, le pouvoir à voulu masquer sa faiblesse et ses déficiences mais à précipité sa fin.
Il est amusant et à la fois consternant de constater le parallèle entre l'Ancien régime et l'évolution de plus en plus bureaucratique et illibérale de notre société. Notre administration aussi paperassière qu'inefficace n'a rien à envier à ce passé. La concentration extrême des pouvoirs qui s'appuie sur une pensée intellectuelle élaborant des projets de société utopistes totalement en dehors des réalités nous ramènera peut être demain aux prémices de la révolution. Tocqueville se montre d'une modernité étonnante, il avait bien compris, à l'inverse de nos élites, les mécanismes de la politique et les conséquences que peut engendrer l'inadéquation avec les aspirations de la société .
Une lecture enrichissante,parfois un peu rébarbative mais qui ne manque pas de pragmatisme ni d'intérêt.
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Je l'ai lu pour l'université. c'est un livre certes très intéressant par lequel on apprends énormément de chose sur l'Ancien Régime et la Révolution. Mais qui est difficile à lire par moment car l'envie fini par manquer ^^.
A lire pour ceux qui sont intéressé par l'histoire de cette époque et par ces institutions.
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« Il faut que tout change pour que rien ne change « c'est la célèbre phrase du Guépard annonçant la fin de la noblesse séculaire au profit d'une aristocratie d'argent où les privilèges et les inégalités demeureront.
Dans cette étude magistrale basée sur des archives des trois états à la veille de la Révolution ,Alexis de Tocqueville démontre que la Révolution était inéluctable tant les conflits d'intérêts entre classes sociales étaient manifestes.
La monarchie d'Ancien Régime avait, au fil des siècles ,de plus en plus centralisé les pouvoirs à Paris et administré de la capitale toutes les provinces françaises ( le Languedoc et la Bretagne. dans une moindre mesure)
Des intendants et des fonctionnaires d'état propriétaires de leur charge étaient exemptés de l'impôt mais chargés de parcourir les « généralités « afin de prélever la taille , impôt direct sur les revenus de la production agricole( récoltes, bétail) ce qui eut pour conséquence de développer les villes au détriment des campagnes et de faire payer l'impôt par une seule classe: la paysannerie riche ou moyenne
Cependant l'analyse de Tocqueville est complexe et nuancée.
Si le peuple s'en est pris au clergé c'est avant tout parce que les ecclésiastiques étaient de gros propriétaires terriens exemptés de la taille et de «  ses accessoires » et non contre la religion catholique.. Dans le même temps les salons littéraires distillaient des idées irrévérencieuses qui atteignaient le peuple et dont il se servit pour détruire la noblesse et pourchasser voire massacrer les prêtres.
Toutes ces conclusions concernant la Révolution sont connues mais Tocqueville ouvre de nouvelles perspectives:
La centralisation de l'Etat ( le jacobinisme) n'est pas une conquête de la Révolution mais existait depuis des siècles et ne fit que se renforcer .
Le servage avait certes été aboli bien plus tôt en France qu'ailleurs mais « les corvées » obligèrent les paysans les plus pauvres à faire des travaux d'intérêt général sans percevoir de rémunération ( ou en remplacement du paiement de la taille)

Plus surprenant encore: contrairement aux idées reçues ,les manufactures se développant dans la 2 ème partie du XVIIIème siècle, la France était prospère et c'est précisément ce qui a déclenché la Révolution ,les paysans riches et la bourgeoisie laborieuse ne pouvant plus supporter les exonérations d'impôts octroyées indûment à la noblesse qui n'était plus qu'une caste de privilégiés .

J'ai lu ce texte à dose homéopathique, la lecture est à la fois facile car la langue est simple mais aussi difficile par le raisonnement subtil de l'auteur.
Tout lecteur de ce livre ne pourra s'empêcher de songer aux gouvernements de la France contemporaine où on retrouve les mêmes «  fondamentaux « : Centralisation, administration tentaculaire, privilèges de castes, imposition des classes moyennes de moins en moins consentie…
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Ce livre écrit par Alexis de Tocqueville en 1856 nous permet de nous rendre compte de la lente transformation de la France et de son administration. Il faut rappeler que Tocqueville est de tendance libérale donc tout ce qui se rapporte à de la centralisation, à la prépondérance de l'Etat va le gêner et il nous le fait bien comprendre.

Tout d'abord il nous dit que la Révolution a repris beaucoup de choses de l'ancien régime, ce serait incorrect de considérer cette période, que l'on a du mal à borner temporellement, comme sortie ex nihilo. Ce qu'elle a gardé et même amplifié c'est la centralisation, en effet il y eut une lente transformation qui détruisit la société féodale et permit l'essor de l'Etat moderne.

A l'aube de la Révolution, les nobles n'étaient plus que des habitants avec des privilèges, celui de ne pas payer l'impôt et des droits tels que l'obligation pour les paysans d'utiliser son moulin ou son pressoir. La France n'avait plus de serfs depuis bien longtemps, les paysans étaient propriétaires ce qui morcela grandement les terres.

L'aristocratie s'était mue en caste, car elle ne se mélangeait plus aux tiers-état et n'avait même plus la mission de les aider, remplacer par l'Etat dans cette diligence. Cet Etat avait permis l'essor des fonctionnaires, charge qui étant grandement apprécié des bourgeois. Concernant ces derniers, ils se comportaient comme les nobles qu'ils tendaient à égaler en richesse, mais leur restaient fortement hostiles. Chaque classe étaient arrivées à détester l'autre.

Il décrit aussi la destruction progressive des libertés communales, remplacées par une prépondérance du pouvoir royale sur tout le territoire par le biais des fonctionnaires locaux. le fait aussi que cette administration ne respectait pas la juridiction quand elle était mise en cause et était dans l'illégalité.

Il y a beaucoup de choses à dire, mais c'est assez ironique que cela soit Louis XVI qui hérita de cet évènement funeste alors même qu'il fit ce qu'il put pour modifier et moderniser la France. Son règne fut d'ailleurs prospère, la richesse augmentait et les affaires allaient bon train. Mais l'Etat qui avait de plus en plus de missions, s'endettait grandement et était en plus de cela mauvais payeur. Cela embêta fortement les gens d'argent, tandis que dans le même temps les nobles et les bourgeois excitaient la ferveur populaire en les plaignant et affichant le train de vie des plus riches.

Tocqueville n'a pas connu cette période, mais d'après ses dires il se renseigna directement à la source, dans la documentation administrative, dans les documents secrets de Turgot, Necker ou Louis XVI. On peut donc avoir peu de doute sur la véracité de ce qu'il nous avance. Dans sa critique de l'Etat « mammouth », cette expression n'existait pas encore, j'ai beaucoup pensé à Alain Peyrefitte dans le mal français, il a sans doute dû s'en inspirer. On retrouve exactement la même critique, celle de la centralisation, d'un Etat qui intervient trop dans l'affaire des gens et les asphyxies d'impôts divers qui ne sont plus utilisés pour leurs missions initiales.

D'ailleurs, bien qu'il nous dit dans « De la démocratie en Amérique » qu'il appréciait le régime démocratique par rapport à la Monarchie, on a presque l'impression qu'il regarde cet ancien régime avec bienveillance et nostalgie.
Lien : https://aviscontraires.wordp..
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