Connaissons-nous vraiment nos proches ?
Anna vit avec son mari Hugues et son fils Léo dans une belle villa au bord de la mer. Elle est pharmacienne, Hugues travaille aux affaires culturelles du Village. Ils côtoient les bonnes familles du coin, notamment par le biais du tennis que pratique Léo et grâce aux parents aisés d'Hugues, qui leur permettent d'habiter la villa.
Anna cache un passé lourd et violent. Issu d'une famille de petits commerçants pauvres, elle a vécu une enfance douloureuse, marquée par le harcèlement du Serpent, garçon vicelard qui lui a fait vivre l'enfer pendant des années.
Elle s'est construite pas à pas et s'est « élevée » grâce à son mariage avec Hugues, un très bon parti. Elle a tâché de gommer ses origines, de se métamorphoser, pour enterrer pour de bon la Anna d'avant, Anna la pisseuse.
Leur fils est un bon garçon. Il est déjà pris dans l'école de son choix avant même d'avoir le bac, c'est un élève sérieux et appliqué. Vraiment ?
Un matin, la gendarmerie débarque et en moins de quelques minutes, dans un tourbillon de cris et d'incompréhension, ils embarquent Léo, coupable d'avoir attaqué un flic au cours d'une manif, vidéo à l'appui.
Le petit monde d'Anna s'effondre. Elle n'arrive pas à croire que son fils ait fait une chose pareil. Pour elle, la violence et le délit concernent les pauvres, pas les gens comme eux.
Léo se retrouve le héros malgré lui de toute une tranche de la population, un symbole de contestation. Son arrestation a mis le feu au poudre, il est comme pris en otage.
On suit les répercussions de l'inculpation puis de l'incarcération de Léo sur la vie d'Anna. Son instinct maternel se réveille et elle défend son fils, coûte que coûte, quitte à s'éloigner de ses amis et à mettre en danger son couple. Ses visites en prison la plonge dans une autre sphère sociale qui la répugne, l'obligeant en quelques sortes à se confronter à ses origines et à son passé.
Valérie Tong Cuong nous offre, encore une fois, un roman d'une grande finesse et un portrait de femme réaliste et subtile. A l'aide de retours en arrière, les souvenirs d'Anna nous donnent à comprendre celle qu'elle a été et celle qu'elle est devenue, véritable transfuge de classe.
Elle aborde avec intelligence les thèmes de la vie carcérale et de la classe sociale, comment nos origines nous marquent et nous rattrapent toujours.
Son style épuré et délicat apporte de la distance sur les faits et les émotions fortes vécues par les personnages, dans cet été poisseux de canicule, dans la dure réalité du monde de la prison.
Après
les guerres intérieures, je retrouve cette auteure avec beaucoup de plaisir. Dévoré en un jour et demi, je recommande chaudement ce livre.
Un roman magnifique !