On salue souvent
John Kennedy Toole pour l'héroïsme burlesque de sa Conjuration des imbéciles, prix Pulitzer en 1981, mais l'on connaît peu sa Bible de Néon, écrite à l'âge de seize ans seulement (difficile d'y croire au vu du chef-d'oeuvre !) et longtemps restée méconnue. Et pourtant, il convient de saluer le réalisme saisissant du texte.
La Bible de Néon, qu'est-ce ? L'histoire de David racontée par lui-même, une histoire qui se déroule dans la campagne américaine profonde et isolée, au milieu des années 40. Ce roman, plutôt court, n'en aborde pas moins une multitude de thématiques brassées au creux d'une intrigue dense, telles que l'amour, la religion, la solitude, la mort, la folie, la pauvreté ou encore le racisme. La sensibilité de l'auteur, qui évite autant le sensationnel que le voyeurisme, comme celle de son personnage, sont particulièrement touchantes. L'utilisation du point de vue interne de bout en bout crée une connexion émotionnelle immédiate avec David, dont la voix poignante mais innocente, le style doux et fin, très simple, permet une perspective intime autant qu'un humour subtil.
L'une des forces majeures du livre réside en effet dans l'usage du burlesque (on y retrouve d'ailleurs les prémisses de la Conjuration !), toujours bien placé, malgré la difficulté et la violence de certaines scènes (violence domestique, folie maternelle, rupture). Cette approche audacieuse crée une dynamique particulière, une perspective unique, qui n'ennuie jamais le lecteur en lui ouvrant la porte à la réflexion tout en l'enveloppant d'un voile narratif humoristique. Et cette combinaison rend le texte d'autant plus touchant !
Je n'ai pas pu décrocher de ma lecture. La voix de David, si humaine, m'a vraiment touché, et j'en oubliais parfois qu'un auteur se cachait derrière. Même si on retrouve les débuts d'une Conjuration qui se tissent, avec ce portrait picaresque d'un personnage, ce roman est vraiment différent du suivant. Ce livre, si simple et tranquille en apparence, se trouve dans la lignée de
Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, de
Harper Lee, et de
L'Attrape-coeurs, de
J. D. Salinger, malgré un style unique et une vision singulière.
En somme, il faut lire
la Bible de néon, tant pour découvrir l'univers unique d'un auteur longtemps incompris que pour découvrir l'univers d'un personnage dont vous ne saurez que penser en refermant le livre (la fin est imprévisible, vous êtes prévenus !), et dont vous ne saurez décider s'il est qualifiable d'antihéros ou non, et qui, pourtant, grâce à sa naïveté attachante, ne pourra vous laisser stoïque…