Maurice Tourneux
EAN : 978B009UEZGJC
134 pages
Ulan Press
(23/09/2012)
3.5/5
2 notes
Eugène Delacroix : biographie critique
Résumé :
Si modeste que soit ce petit livre par ses proportions et plus encore par le nom dont il est signé, il offre cependant une particularité que je crois devoir signaler au lecteur : c'est la première fois, sauf erreur, qu'on essaie de tirer, en grande partie, des propres écrits de Delacroix les éléments d'une biographie qui, jusqu'à ce jour, malgré les nombreuses études dont il a été l'objet, n'avait pas encore été tentée et qui, pendant longtemps, n'aurait pu l'être.
Pour intéressante que puisse être cette biographie, à certains moments, au regard de la richesse de l'oeuvre de Delacroix, les commandes qui lui furent passées, etc. je me suis mortellement ennuyée à la lecture de cette biographie fade, désincarnée, au style convenu.
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Delacroix avait, dit-il, à plusieurs reprises dans sa vie épuré ses cartons, brûlant ce qu'il jugeait indigne de lui survivre. Jamais il ne les avait vidés pour en tirer profit. Il voulait qu'après sa mort ses dessins vinssent, comme un argument solennel, protester contre les reproches amers d'improvisation et de facilité dont on l'avait poursuivi, et prouver qu'une « improvisation » aussi abondante et aussi solide que celle dont il avait fait preuve dans ses travaux décoratifs et ses tableaux, qu'une semblable « facilité » à exprimer par la forme et la coloration le sentiment et l'idée, à adapter l'esprit du dessin et l'éloquence de la couleur aux convenances du sujet choisi eussent été, sans le secours préalable de l'étude la plus persistante et la plus méthodique, des phénomènes sans exemple dans l'histoire de l'art.
Bien que Delacroix, selon le témoignage de Léon Riesener, mit volontiers ses inférieurs sur un pied d’égalité, pourvu qu’ils fussent intelligents et dévoués, il aima toujours le « monde » et resta fidèle aux goûts élégants qu’il tenait de son éducation première. Baudelaire, qui avait pratiqué les deux hommes, comparait « pour la tenue extérieure et pour les manières » Delacroix à Mérimée : « C’était la même froideur apparente, le même manteau de glace recouvrant une pudique sensibilité et une ardente passion pour le beau et pour le bien ; c’était, sous la même hypocrisie d’égoïsme, le même dévouement aux amis secrets et aux idées de prédilection ».
Si grand qu'ait pu être le génie de Delacroix, il y avait en lui quelque chose d'aussi rare : la délicatesse et la chaleur de son âme. Ce n'est pas sous la forme la plus ordinaire dans l'humanité moderne, sous la forme de l 'amour, qu elle s est manifestée surtout; et il y aurait là occasion sans doute à plus d'un commentaire intéressant. La passion tint sans doute une place considérable dans sa vie : on le devine à plus d'une phrase jetée çà et là. Il aimait trop la musique, la poésie, la beauté de la forme ; il était trop nerveux et sensible, pour que l'amour ne le visitât pas.
Je suis sûr, écrivait Delacroix à Pierret, depuis Tanger, que la quantité assez notable de renseignements que je rapporterai d’ici ne me servira que médiocrement. Loin du pays où je les trouve, ce sera comme des arbres arrachés de leur sol natal ; mon esprit oubliera ces impressions et je dédaignerai de rendre imparfaitement et froidement le sublime vivant qui court ici dans les rues et nous assassine de sa réalité.
L'improvisation de Paul Huet, lue d'une voix tremblanle d'émotion, fut pour la majorité des assistants un soulagement véritable et sembla le jugement anticipé de la postérité lorsqu'il s'écria :
« Penseur profond, peintre admirable qui prend sa place près de Véronèse et de Rembrandt, à côté de Goethe et de Byron, Delacroix est du petit nombre des artistes qui caractérisent une époque et s'en emparent; il restera l'une des gloires de notre France! »