Toute la journée, les visites se sont succédé. Puis la nuit tombe, et il n'y a plus personne. Me voilà seul jusqu'à demain. Avec une joie mêlée d'angoisse, je me prépare à cette traversée de la nuit qui aura ses illuminations, ses pleurs, ses longs glissements dans la paix du corps, les fantasmagories des rêves et la douceur meurtrie des rêveries. C'est un voyage immobile où tout peut arriver, l'ange de la mort et celui qui donne l'étincelle créatrice, la lourde et noire déesse Melancholia et l'appel au secours d'un ami ou d'un voisin. Ma solitude nocturne est l'autre nom d'une immense attente qui est celle aussi bien du dormeur que du veilleur.
Je m'enfonce dans l'hiver à reculons, les yeux fixés sur cet été dont les corps furent si beaux.
Nuages. comment était cette terre il y a deux mille, dix mille ans, il est difficile de l'imaginer. Une vaste et moutonnante forêt sans doute. Du moins peut-on penser que le ciel, lui, n'a pas changé et qu'il est tel avec ses bleus, ses vapeurs et ses nuages que le voyaient nos plus lointains ancêtres. Est-ce bien sûr? Car si les nuages n'ont pas changé depuis des millénaires, le regard des hommes s'est chargé de pouvoirs bien différents. S'agissant d'un milieu aussi fertile en créations religieuses et mythiques que le ciel, et aussi plastique à l'imagination, comment savoir ce que voyaient l'homme médiéval, l'homme antique, l'homme préhistorique en levant les yeux? (p.23)
Le malheur c'est que l'homme n'a pas assez de toute sa vie pour apprendre à vivre.
Toute la journée, les visites se sont succédé. Puis le nuit tombe, et il n'y a plus personne. Me voilà seul jusqu'à demain. Avec une joie mêlée d'angoisse, je me prépare à cette traversée de la nuit qui aura ses illuminations, ses pleurs, ses longs glissements dans la paix du corps, les fantasmagories des rêves et la douceur meurtrie des rêveries. C'est un voyage immobile où tout peut arriver, l'ange de la mort et celui qui donne l'étincelle créatrice, la lourde et noire déesse Melancholia et l'appel au secours d'un ami ou d'un voisin. Ma solitude nocturne est l'autre nom d'une immense attente qui est celle aussi bien du dormeur que du veilleur. (p. 15)
Les grosses ripailles qui suivent les funérailles ne sont pas seulement une tradition rurale. Elles correspondent à un étrange état d'esprit provoqué par un deuil cruel. Il s'agit d'une sorte d'ébriété légère, parfois même gaie, absolument inavouable, comme si la nature nous saoûlait par quelque poison bienfaisant pour nous éviter de trop souffrir.
Cette sorte d'anesthésie naturelle joue pour moi en d'autres circonstances. Si je fais le compte des amis et amies perdus en X années, il y certes de quoi être accablé. Et là, je ne parle plus des morts. Ceux-là, ils ne sont pas vraiment perdus, car je continue-et poutr toujours- à leur parler en les berçant dans mon coeur. (p. 35)
Rien de plus beau qu'un visage illuminé par la joie.
Pour vivre à deux, il importe encore plus de bien dormir ensemble que de bien coucher ensemble.
Ma maison et moi, un vieux couple soudé pour toujours.