Et Robinson savait qu'il avait été semblable à eux, mû par les mêmes ressorts - la cupidité, l'orgueil, la violence-, qu'il était encore des leurs par toute une part de lui-même. Mais en même temps il les voyait avec le détachement intéressé d'un entomologiste penché sur une communauté d'insectes, des abeilles ou des fourmis, ou ces rassemblements suspects de cloportes qu'on surprend en soulevant une pierre.
Nul doute que pour tout dormeur, son sommeil est définitif. L'âme quitte son corps à tire-d'aile, sans se retourner, sans esprit de retour. Elle a tout oublié, tout rejeté au néant, quand soudain une force brutale l'oblige à revenir en arrière, à réendosser sa vieille enveloppe corporelle, ses habitudes, son habitus.
Ainsi donc tout à l'heure, je vais m'allonger et me laisser glisser dans les ténèbres pour toujours. Étrange aliénation. Le dormeur est un aliéné qui se croit mort.
A peine les parents ont-ils cessé d'être indispensables qu'ils deviennent importuns.
Mais le mal commence lorsque je mouds le grain et cuis la pâte, car alors je travaille pour moi seul. Le colon américain peut sans remords poursuivre jusqu'à son terme le processus de la panification, car il "vendra" son pain, et l'argent qu'il entassera dans son coffre sera du temps et du travail thésaurisés. Quant à moi, hélas, ma misérable solitude me prive des bienfaits de l'argent dont je ne manque pourtant pas.
Je sais maintenant que chaque homme porte en lui --et comme au-dessus de lui ---un fragile et complexe échafaudage d'habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s'est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate efflorescence s'étiole et de désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers.
Je sais maintenant que chaque homme porte en lui---et comme au-dessus de lui----un fragile et complexe échafaudage d'habitudes, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s'est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables.
A peine les parents ont-ils cessé d'être indispensables qu'ils deviennent importuns. L'enfant envoie ses géniteurs au rebut , aussi naturellement qu'il a accepté eux tout ce qu'il lui fallait pour pousser.
Ne gaspille pas le temps, c'est l'étoffe dont la vie est faite.
Il s'avisa que l'intelligence et la bêtise peuvent habiter dans la même tête sans s'influencer le moins du monde, comme l'eau et l'huile se superposent sans se mêler.
Elle m'attendait depuis l'origine des temps sur ces rivages, la solitude avec son compagnon obligé le silence...