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Citations sur Vendredi ou les limbes du Pacifique (155)

Je sais maintenant que chaque homme porte en lui -- et comme au-dessus de lui -- un fragile et complexe échafaudage d'habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s'est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate efflorescence s'étiole et se désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers... Je mesure chaque jour ce que je lui devais en enregistrant de nouvelles fissures dans mon édifice personnel.
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Soleil, rends-moi semblable à Vendredi. Donne-moi le visage de Vendredi, épanoui par le rire, taillé tout entier pour le rire. Ce front très haut, mais fuyant en arrière et couronné d'une guirlande de boucles noires. Cet œil toujours allumé par la dérision, fendu par l'ironie, chaviré par la drôlerie de tout ce qu'il voit. Cette bouche sinueuse aux coins relevés, gourmande et animale. Ce balancement de la tête sur l'épaule pour mieux rire, pour mieux frapper de risibilité toutes choses qui sont au monde, pour mieux dénoncer et dénouer ces deux crampes, la bêtise et la méchanceté...
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Et je suis entré en solitude, comme on entre tout naturellement en religion après une enfance trop dévote, la nuit où la Virginie a achevé sa carrière sur les récifs de Speranza. Elle m'attendait depuis l'origine des temps sur ces rivages, la solitude, avec son compagnon obligé, le silence...
Ici je suis devenu peu à peu une manière de spécialiste du silence, des silences, devrais-je dire. De tout mon être tendu comme une grande oreille, j'apprécie la qualité particulière du silence où je baigne.
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L'intelligence et la bêtise peuvent habiter dans la même tête sans s’influencer le moins du monde, comme l'eau et l'huile se superposent sans se mêler.
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Un fleuve de douceur coulait en lui. C'est alors qu'il eut la certitude d'un changement, dans le poids de l'atmosphère peut-être, ou dans la respiration des choses. Il était dans l'autre île, celle qu'il avait entrevue une fois et qui ne s'était plus montrée depuis. Il sentait, comme jamais encore, qu'il était couché sur l'île, comme sur quelqu'un, qu'il avait le corps de l'île sous lui. C'était un sentiment qu'il n'avait jamais éprouvé avec cette intensité, même en marchant pieds nus sur la grève, si vivante pourtant. La présence presque charnelle de l'île contre lui le réchauffait, l'émouvait. Elle était nue, cette terre qui l'enveloppait. Il se mit nu lui-même. Les bras en croix, le ventre en émoi, il embrassait de toutes ses forces ce grand corps tellurique, brûlé toute la journée par le soleil et qui libérait une sueur musquée dans l'air plus frais du soir. Son visage fermé fouillait l'herbe jusqu'aux racines, et il souffla de la bouche une haleine chaude en plein humus. Et la terre répondit, elle lui envoya au visage une bouffée surchargée d'odeurs qui mariait l'âme des plantes trépassées et le remugle poisseux des semences, des bourgeons en gestation. Comme la vie et la mort étaient étroitement mêlées, sagement confondues à ce niveau élementaire ! Son sexe creusa le sol comme un soc et s'y épancha dans une immense pitié pour toutes choses créées. Etranges semailles, à l'image du grand solitaire du Pacifique ! Ci-gît maintenant, assommé, celui qui épousa la terre, et il lui semble, minuscule grenouille collée peureusement à la peau du globe terrestre, tourner vertigineusement avec lui dans les espaces infinis...
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On dirait, par suite, que mes journées se sont redressées. Elles ne basculent plus les unes sur les autres. Elles se tiennent debout, verticales, et s’affirment fièrement dans leur valeur intrinsèque. Et comme elles ne sont plus différenciées par les étapes successives d’un plan en voie d’exécution, elles se ressemblent au point qu’elles se superposent exactement dans ma mémoire et qu’il me semble revivre sans cesse la même journée.
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Il y a en moi un cosmos en gestation.
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Tous ceux qui m'ont connu, tous sans exception me croient mort. Ma propre conviction que j'existe a contre elle l'unanimité. Quoi que je fasse, je n'empêcherai pas que dans l'esprit de la totalité des hommes, il y a l'image du cadavre de Robinson. Cela suffit - non certes à me tuer - mais à me repousser aux confins de la vie, dans un lieu suspendu entre ciel et enfers, dans les limbes, en somme... Plus près de la mort qu'aucun autre...
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Il y a en moi un cosmos en gestation. Mais un cosmos en gestation, cela s'appelle un chaos. Contre ce chaos, l'île administrée - de plus en plus administrée, car en cette matière on ne reste debout qu'en avançant - est mon seul refuge, ma seule sauvegarde. Elle m'a sauvé. Elle me sauve encore chaque jour. Cependant le cosmos peut se chercher. Telle ou telle partie du chaos s'ordonne provisoirement. Par exemple, j'avais cru trouver dans la grotte une formule viable. C'était une erreur, mais l'expérience a été utile. Il y en aura d'autres. Je ne sais où va me mener cette création continuée de moi-même. Si je le savais c'est qu'elle serait achevée, accomplie et définitive.
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Survivre c'est mourir. Il faut patiemment et sans relâche construire, organiser, ordonner.
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