Ma mère qui, malgré sa grande douceur, pouvait parfois faire des colères qu'on ne voyait pas venir et rarement expliquer - elle disait qu'elle avait la soupe au lait facile - lui aurait sans doute grimpé dans le visage.
Un troupeau de petits nuages sillonnait le ciel, le ventre éclairé par les derniers rayons du soleil.
« L’avenir appartient aux audacieux, Josaphat, pis toé, ben, t’as pas l’air d’en être un! «
Un rêveur, voilà ce qu’il avait toujours été «
Après le feu du village d’à coté, monsieur le curé, ça vaut pu la peine de mettre des enfants au monde, c’est trop dangereux. Surtout quand on pense que le bon Dieu lui-même a permis une affaire pareille !
Manger de la graisse de rôti en compagnie de quelqu’un qui sent le pipi ce n’est pas la chose la plus agréable du monde
Je n’ai pas touché au dessert, mais Josaphat a enfourné une énorme portion de poutine au pain ‑quel plaisir de retrouver le mot poutine après le mot « pudding » imposé par les religieuses, arrosée de sirop d’érable. Ce que j’avais devant moi n’était pas un pudding au pain, mais bien une poutine au pain, improvisée sans recettes, l’invention de plusieurs générations de femmes qui ne savaient pas lire et qui avait cependant une grande capacité d’improvisation. Rien de ce que j’avais mangé durant mon enfance ne venait d’un livre.
Au couvent, ça s’appelait les cabinets d’aisances, ou les latrines, c’était situé à l’autre bout de l’immense bâtisse et c’était un sujet tabou. Quand nous avions besoin de nous y rendre, nous devions sortir le petit mouchoir glissé dans la manche gauche de notre uniforme et le montrer à une religieuse qui, chaque fois fronçait les sourcils comme si nous commettions une grave faute de bienséance avant de nous faire signe de nous retirer. Il ne fallait « jamais » en faire mention à haute voix. « Les basses fonctions », comme les appelaient les religieuses en plissant le nez, étaient honteuses et devaient être tues. Quant aux religieuses elles-mêmes, je n’ai jamais su où elles faisaient ça.
Prends tout ça, cette belle chance-là, pour toé. Pour toué tu-seule, Victoire. Fais-le pas pour nous autres, pour nous sauver, écoute-les pas, laisse-les pas te pousser à choisir des choses que tu veux pas. Y vont te donner ce qu’on aurait pas pu te donner, nous autres, une éducation complète. fait leur des accroires si y faut, conte-leur des mensonges, ça sera pas grave d’abord que tu vas apprendre des affaires qu’on connaîtra jamais nous autres… Deviens la fille la plus savante de Preston, pas une bonne sœur. Pis après, va-t-on d’icitte ! Explorer le vaste monde. Si des prêtres venaient m’offrir la même chose pour Josaphat, je dirais oui tu-suite. J’s’rais prêt à me briser le cœur une deuxième fois…
Dehors, une fine pluie tombait, un rideau gris qui déguisait le vert des arbres mais n'arrivait pas à cacher le rouge et les ors de plus en plus présents au bord du lac. Les nuits fraîches avaient déjà commencé à tuer la forêt en y mettant le feu.
Mes yeux avaient fini par s’habituer à la noirceur et je l’ai vu sortir un grand mouchoir de sa poche de pantalon. Il s’est essuyé les yeux, s’est mouché. Le mouchoir virevoltait dans le noir comme un petit fantôme blanc.