Apatride né à Shangaï, d'une mère russe et d'un père prussien, élevé au Japon par un maître de go, Nicholaï Hel, après une carrière de tueur à gages, vit désormais dans son château du Pays basque. Son temps se partage entre l'entretien de son jardin japonais, les plaisirs de la chair avec sa maîtresse Hana et les explorations spéléologiques avec son ami le Cagot. Une vie de retraité paisible avec pour seul objectif d'atteindre le
shibumi. Mais une vie qui va être chamboulée par l'arrivée d'une jeune fille en détresse. Hannah
Stern, seule survivante d'un commando qui s'apprêtait à abattre des terroristes palestiniens, le replonge dans son ancienne vie et le met face à son plus grand ennemi : La Mother Compagny. Un consortium nébuleux, riche et influent, plus fort et plus implacable que la CIA, qui dirige le monde sans en avoir l'air. Pour honorer une vieille dette, Nicholaï reprend du service et s'oppose à la Mother Compagny, malgré les risques.
Encore un super héros dont
Trevanian a le secret. Nicholaï Hel est séduisant, polyglotte, doué d'une perception hors du commun et peut, tout en conservant un calme olympien, donner la mort de moultes façons et avec n'importe quel objet à sa portée. Oui, entre ses mains expertes, un stylo ou un trombone deviennent des armes mortelles ! On l'aura compris, Nicholaï est un homme exceptionnel, paré de toutes les qualités. Mais ce qui pourrait le rendre imbuvable, au contraire, fait de lui quelqu'un qu'on a bien envie d'aimer. Parce qu'il a beau être un tueur, il a aussi des valeurs, le sens de l'honneur, celui de l'amitié et des opinions très arrêtées sur les Etats-Unis, le monde occidental en général, le capitalisme, la marche du monde.
Adepte du
shibumi, une philosophie japonaise qui tend à se détacher des contingences bassement matérielles du monde, l'homme est une sorte de samouraï moderne qui reprend les armes au nom de l'amitié.
Face à lui, le Mal est incarné par une compagnie qui étend son hégémonie sur le vaste monde en contrôlant les finances, les politiques, le pétrole.
Roman initiatique, roman d'aventures, roman d'espionnage,
Shibumi est une vaste fresque portée par ce personnage si parfait qu'il en devient parodique. Était-ce le but de
Trevanian ? le parer de tant de vertus qu'il en fait une caricature ? Ou correspond-il à l'idéal masculin de l'auteur ? Quoi qu'il en soit, on adore ce personnage et ses tribulations en Asie, son attachement au Pays basque, sa grande culture, sa bonté.
Shibumi est un bon, gros, grand roman qu'on ne lâche plus une fois entamé, tant on est subjugué par son lyrisme, sa poésie, son humour, son cynisme, son envergure. A dévorer !