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sur 93 notes
Le plus beau livre de la rentrée littéraire 2013, le plus déchirant aussi, est signé Lyonel Trouillot. Un livre oublié de toutes les sélections de prix et qui ne semble pas taillé pour le succès commercial. La faute à cette foutue époque et un sujet trop éloigné des préoccupations littéraires des français. Et pourtant.... j'ai réécrit dix fois ce livre en notant ici et là des passages. J'aurai pu tout noter tant tout est sublime, de la langue de Trouillot jusqu'à cette réflexion sur le sens de la poésie dans le monde moderne et surtout, surtout, de l'amitié.
L'histoire, il faut commencer par cela, est celle d'un couple d'amis qui découvre, en regardant les journaux télévisés, la mort de Pedro, un des leurs. Pedro, un artiste de tout et de rien, récitant un jour de la poésie à qui veut bien l'entendre, distribuant des pages de recueils déchirés, saoul la plupart du temps et à terre toujours, avait quitté Haiti pour partir en tournée en Europe. Et c'est à Paris que Pedro se tue en sautant d'un immeuble. Accident ? Non, ses deux survivants d'amis savent bien que ses blessures à lui étaient tellement énormes qu'elles prendraient un jour le dessus. Mais pourquoi, Pedro, pourquoi être parti si loin ? "Ici, nous t'aurions rattrapé avant que ton corps touche le sol. Ici, on a appris à amortir les chutes. Et puis, où t'aurais trouvé un immeuble de douze étages! Même les banques et ces saletés de compagnies qui détiennent des monopoles n'en construisent pas de si hauts. Ici, on est déjà par terre et personne ne tombe dans le vide. Nous t'aurions rattrapé. Et puis, toi qui parlais tout le temps, tu aurais pu nous dire. Nous t'aurions suivi. Nous aurions monté la garde autour de toi. Comme ce soir où tu es parti en titubant. Nous savions que ce soir-là nous ne devions pas te laisser seul. Ton père t'avait encore traité de honte de la famille. Mais ce n'est pas la honte que tu portais en toi quand tu courais dans les rues en criant : "Le désespoir est une forme supérieure de la critique." Tout le roman est construit sous la forme d'une lettre à ce suicidé et, amis lecteurs, n'essayez donc pas de retenir vos larmes. Elles couleront comme elles ont coulé le long des joues du narrateur. Oh, pourtant, cet ami là, ce Pedro, n'était pas exemplaire. Malheureux pour un rien et le verbe haut, jamais il n'a, lui, prêté ses oreilles aux malheurs -d'autant plus douloureux que silencieux- de ses amis : "Le deuxième soir, nous t'avons écouté déblatérer sur les agents de commerce. L'Estropié n'a pas dit que son père à lui, ses enfants l'appelaient Méchant. Qu'il y avait des douleurs plus grandes que les tiennes. Ces choses là ne se disent pas. En tout cas, pas le premier soir. Ni le deuxième." Mais, je vous ai dit, il s'agit d'un roman, d'un roman immense sur l'amitié. "Tu y allais trop vite. Mais c'était ça, Pedro. Tu allais vers les autres plus vite que les autres. Et quand on choisit un ami, on choisit aussi ses faiblesses. L'Estropié et moi nous sommes adaptés à ton rythme. "Homme libre, toujours tu chériras la mer..." le deux-pièces, c'était notre bateau. Tu es monté dans le bateau et, le troisième soir, avant de vider la bouteille nous tanguions déjà tous les trois." Car il s'agit de cela, des liens étranges qui attachent les êtres et les destins. Ce qui relie ces trois êtres là, le narrateur ne pourra jamais mettre la main dessus, c'est quelque chose qui le dépasse et qui nous dépasse tous. Ni le narrateur ni l'Estropié, le troisième comparse, n'ont réussi à sauver Pedro. La poésie, elle non plus, n'a pas sauvé Pedro. Que reste-t-il au narrateur et à l'Estropié ? Rien. Une parabole dont il ne parviennent à déchiffrer le sens et le véritable destinataire. Un portrait sublime sur un artiste "autre" et un questionnement permanent sur l'amitié et le sens de la vie. Pas sûr que tant d'autres livres de la rentrée littéraire puissent vous faire tanguer autant que celui-ci.
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S'il est un écrivain qui m'est devenu indispensable, c'est bien Lyonel Trouillot. J'enchaine ses titres les uns après les autres avec toujours un peu plus d'émotion à chaque fin de lecture, avec toujours un peu plus d'envie de traverser ses paysages. le besoin de me laisser transpercer par ses mots, sa poésie, encore et encore, se fait un peu plus pressant page après page, révolte après révolte.

« Parabole du failli », quel beau livre.
La vie, l'amor. Et l'homme, funambule, fragile, si fragile. L'homme sur son fil, toujours à la limite, perdu à une frontière entre deux crépuscules, entre deux émotions. Il suffit de si peu pour que le jour s'éteigne ou que les ténèbres s'allument.
Et puis le temps assassin, sournois, le temps, là, mord à l'improviste. le fourbe, avec la seule certitude qui soit, celle de la morsure des jours passés, des jours « très passés ». La seule égalité des Hommes est dans cette mort sure qui est au bout du chemin.

Une grande ville entre paillettes et néons, de celles qui usent d'artifices pour masquer les névroses de ses habitants. Un homme, acteur Haïtien aux portes de la reconnaissance, et sa rencontre avec un bout de macadam, un homme qui quelques secondes avant son rendez vous bitumé se trouvait douze étages et quelques dizaines de mètres plus haut.
Haïti, Port au Prince, la misère à l'état brut. le chef de la rubrique nécro du canard local et le prof de maths, deux amis qui de leur duo avaient fait un trio avec Pedro l'acteur.
Souvenirs et questions, colère et manque, incompréhension et douleur sur fond de mémoire des jours heureux ou pas, mémoire qui garde vivant bien après un dernier souffle.

Pas de larmoiement dans ces pages, juste de l'émotion brute sachant garder sa pudeur. C'est écrit merveilleusement bien, tout sonne juste et quel que soit le sujet traité, la poésie coule de la plume de Lyonel Trouillot une fois encore.
Quelques empreintes du temps, un premier dialogue posthume, un livre rare.
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Un rédacteur de la rubrique nécrologique doit écrire un article sur son ami Pedro, Jacque Pedro Lavelanette, qui s'est suicidé en sautant du douzième étage de son hôtel alors qu'il était parti en tournée. En reconstituant les temps forts de sa vie avec cet ami et l'Estropié, avec lequel ils partageaient un petit appartement, c'est toute la vie du quartier Saint-Antoine, en haut de la colline, qui nous est décrite.

Dans Parabole du failli, Lyonel trouillot nous livre une oeuvre poétique et colorée qui laisse la part belle à l'humanité de cet homme suicidé tout en contradiction, le seul qui savait faire sourire Islande, si généreux en étant si égoïste, si aimant et mal aimé, qui portait la poésie à fleur de peau, comme une malédiction, et pour cela peut-être, en distribuait les plus belles pages aux passantes vieilles et jeunes, belles ou moins belles. J'ai particulièrement apprécié l'évocation de ces choses très justes sur ce que nous inspirent les morts, les plus classiques, comme la douleur, l'amour, la tristesse, et celles dont on parle moins, comme la déception ou la colère, car la mort peut être aussi une trahison. J'ai beaucoup aimé également le portrait de cet homme, issu d'une famille de nantis et venu s'immerger dans les quartiers populaires, sans doute pour tenter de s'y trouver. Fantasque et original, tour à tour cireur de chaussures et faux riche qui distribue le peu qu'il a en même temps que de la littérature aux gamins sans avenir du quartier, aimé de celle qui n'aime rien ni personne, toujours à la recherche de l'amour, celui avec un grand A, c'est un homme que l'on (ou moi, en tout cas) aimerait croiser. Parabole du failli ne manque pas non plus d'humour, avec une certaine critique acide de ces étrangers venus en Haïti porter les aides humanitaires en même temps que la bonne parole. C'est aussi, et surtout, une ode à cette île, à ses habitants, à ses couleurs et à l'exubérance de la vitalité de ses populations. Enfin, ce texte peu aéré, presque sans paragraphe, et que l'on a envie de lire d'une traite, tant il nous immerge dans le quotidien de Saint-Antoine, porte aussi un certain espoir, celui que des gamins des rues puissent déclamer du Baudelaire, Pessoa, Rimbaud, Llorca, Villon et bien d'autres... Un espoir aussi fragile qu'une larme prenant naissance dans les yeux d'une grosse femme qui ne sort plus de son appartement.
Un très beau livre.
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Après les excellentes critiques déjà rédigées...je ne me sens pas capable de rendre le choc ressenti à ce livre extraordinaire. un long moment que je souhaitais découvrir l'écriture de Lyonel trouillot, et j'ai débuté par "La Parabole du failli'....

Ce qui est le plus étrange, est que sous le choc incroyable provoqué par cette lecture sombre et flamboyante...je ne parviens toujours pas, au bout de plusieurs semaines depuis que j'ai fermé l'ouvrage...à rendre compte de ma lecture. C'est TROP d'émotions, de poésie, de questions essentielles bouleversantes...Comme l'écrit si bien Bibalice: , c'est le livre le plus beau et le plus déchirant de cette rentrée littéraire.... je suis totalement d'accord avec lui.

La répercussion immédiate, à défaut de prendre la plume pour partager mon enthousiasme, avec les babéliens... a été de me précipiter à ma médiathèque et d'emprunter "La belle amour humaine"... dans lequel je me suis aussitôt plongée. Cette "Belle amour humaine" qui submerge aussi "La parabole du failli", en dépit du sujet, cerné par des questions de désespoir , et de révolte. Il est aussi question de Vie, d'amour, et de fraternité entre les êtres....

L'autre prolongation de mon enthousiasme a été de lire avec beaucoup d'attention l'excellente revue littéraire, "Le Matricule des Anges" n° 46 /septembre 2013), qui consacrait son numéro de la rentrée, à Lyonel Trouillot.

Je me permettrais de citer un des propos de Thierry Guichard, ayant rédigé l' interview de l'écrivain, largement axé sur ses romans , sa terre haïtienne, et la "La Parabole du failli"

"Un homme meurt à Paris, loin de chez lui, après une chute de douze étages. En Haïti, d'où il était originaire, deux de ses amis, apprennent la nouvelle du suicide. L'un d'eux, alors déroule une longue lettre pour un court adieu. Parlant du défunt, il déploie une langue de douleur et de colère, dresse une galerie de portraits pris au vif du vivant et retrace le chemin de croix du disparu. (...) Mais sa chute, transformée ici en une parabole qui accueille aussi bien les grands poètes (dont les citations irriguent le roman)que les plus humbles....., rassemble par la grâce d'une langue aussi belle que cruelle toute une humanité tenue à l'écart..."

L'écrivain insiste sur le fait que la poésie est partie intégrante du quotidien de son pays : "En Haïti, la poésie est présente dans les rues, dans le parler quotidien, dans la construction de son rapport aux autres et à soi-même. (...) un rappel à l'ordre de l'humain : -Si nous le voulions, il n'y aurait que des merveilles. (Eluard)-

Un roman rare...que je relirai prochainement ... après avoir lu d'autres écrits de cet écrivain... pressentant aisément que ce texte, si dense, si foisonnant en humanité, ... je n'ai fait fait que l'effleurer, avec cette première lecture...

P.S: http://www.lmda.net/som/som146.html
[lien avec le "Matricule des Anges" ]
Lien : http://www.lmda.net/som/som1..
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Comment parler d'un ami disparu ? Par-delà le chagrin, le narrateur doit faire face à l'incompréhension et à l'inconnu lorsqu'il apprend le décès de Pedro, défenestré à Paris. Pourquoi aller mourir si loin, presque sur une autre planète ? Ils étaient pourtant heureux ici à Port au Prince. Ils étaient trois amis qui vivaient ensemble, petitement mais chaleureusement, dans un appartement des plus modestes : le narrateur, journaliste responsable de la rubrique nécrologique dans le journal local, l'Estropié, professeur handicapé et Pedro, le comédien défénestré. Pedro venait d'un milieu aisé contrairement à ses deux amis, Très vite, il renonce à l'existence confortable qui lui était promise. Ecorché vif, il endosse toute la misère du monde et n'hésite pas à faire le baisemain à la mendiante des rues, isolée dans sa folie, que tout le monde ignore. Il essaie d'apporter un peu de bonheur à tous ceux qui souffrent et ce fou de poésie va même jusqu'à effeuiller un recueil d'Eluard pour distribuer les poèmes à des passants le soir de Noël.
C'est avec beaucoup d'admiration et d'affection que le narrateur égrène ces souvenirs et, désigné par son rédacteur en chef, il tente d'écrire un éloge funèbre sur les trois colonnes de la rubrique nécrologique, il va raconter l'ami, celui qui a choisi d'aller mourir dans cette ville que l'on dit être la plus belle du monde.
J'ai trouvé ce livre magnifique, j'ai été envoutée comme à chacune de mes lectures de Lyonel Trouillot par son talent de conteur. Avoir un ami est une chance, le perdre est un déchirement, trouver les mots pour en parler et continuer à le faire vivre demande beaucoup de sensibilité et d'amour. L'auteur y réussi parfaitement.
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Ils sont seuls désormais. Dans leur deux-pièces, leur "bateau ivre", leur refuge, le narrateur et l'Estropié sont seuls depuis que Pedro a choisi de faire le grand saut depuis le douzième étage d'un immeuble, loin là-bas, dans un pays "couleur de richesses et de modernité. du jeune homme bouillonnant de vitalité ne restent plus que le lit en fer dans un coin de la pièce et le chagrin mêlé de rage de ses deux compagnons de vie, restés à Haïti. Alors le narrateur, journaliste abonné à la rubrique nécrologique, entreprend d'écrire les trois colonnes que son rédacteur en chef lui a accordées et qui seront le dernier hommage à l'artiste disparu. Mais la vie, la fièvre, la peine, la générosité, la passion, la folie peuvent-elles être réduites à trois petites colonnes ? le "sale petit-bourgeois pleurnichard" qui avait choisi le quartier pauvre de la ville pour y construire sa vie, y oublier ses déchirures, déclamait des poèmes dans les ruelles, distribuait des pages de livres aux passantes, s'amourachait de femmes qui n'étaient pas pour lui, redonnait le sourire aux plus tristes sires, faisait l'acteur dans une troupe de théâtre, enchantait la vie de ceux qui l'entouraient. Parfois ses blessures les plus profondes prenaient le dessus sur la joie de vivre, il plongeait alors dans une mélancolie insondable, n'offrant que son silence à ses compagnons. Ceux-là même qui regrettent de n'avoir pas été à ses côtés pour empêcher son dernier plongeon. le raconter, se raconter, et raconter l'Estropié, c'est ce qu'accomplit le narrateur dans cette longue lettre qu'il jette à la face de ce monde qui n'a pas su retenir Pedro.


Alors oui, c'est un joli texte, très poétique, un cri du coeur, écrit d'un jet, avec les tripes. Bien sûr, c'est une évocation très riche de la vie dans les quartiers pauvres de Port-au-Prince. Oui bien sûr, les personnages sont touchants, du narrateur privé de ses parents par un stupide accident, à l'Estropié et sa terrible enfance auprès de Méchant, un père cruel et violent, en passant par Madame Armand, usurière obèse, qui croyait si fort aux contes de fée avant que la vie ne se charge de les lui faire oublier, sans oublier Pedro, l'écorché-vif, le clown triste, dont le suicide laisse ses amis sur le carreau.
Mais quelle purge, quel ennui ! Un récit looooong, sans respiration, truffé de citations poétiques et surtout répétitif. Toujours la même rengaine sur la radio étrangère qui annonce le suicide de Pedro depuis le poste de la voisine jalouse et de son mari routier, sur les brimades de Méchant, sur la colline si difficile à gravir, etc. C'est un style bien sûr, une manière d'imprégner le lecteur de toute la tristesse ressassée par le narrateur mais quand on y reste hermétique, on n'entre pas dans le récit, on ne s'attache pas à Pedro, l'égoïste qui n'a jamais pris le temps d'interroger ses amis sur leurs blessures, leurs chagrins, auto-centré sur ses "problèmes de riche".
Un livre est une rencontre, parfois elle n'a pas lieu. On se sent un peu minable de rester froid quand tant d'autres crient au génie et ont été touchés aux larmes mais c'est ainsi...
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Ce livre commence par le suicide d'un jeune comédien haïtien. Une chute du douzième étage. Comment ses colocataires et amis vont vivre la chose. Comment vont-ils se remettre d'un tel drame. Car ce roman n'est que drame. Ce comédien qui semblait avoir tout pour réussir et qui, finalement se jette dans le vide. Un de ses amis, terrorisé par son paternel à qui il doit son surnom d'estropié et son infirmité qui flirte avec les limites de la pauvreté.

Il y a aussi l'incroyable prêteuse sur gages. Riche à souhait et pourtant si seule. Enfin, presque seule, comme unique compagnie elle n'aura que sa femme de ménage, ou esclave, à vous de choisir.

Ce livre peint le portrait d'Haïti, et de Port-au-Prince tout particulièrement. Ville et pays assez méconnus du grand public. La misère, la pauvreté, le malheur sont monnaie courante pour ses habitants. Les drames semblent s'abattre sur ce peuple avec une hargne incroyable.

Ce pourrait être un livre qui vous donne envie de vous ouvrir les veines, de vous tirer une balle dans la tête, mais non, au contraire. Ce livre, rempli de poésie (de nombreuses citations d'auteurs célèbres) nous montre que même dans le malheur, surtout dans le malheur, il ne faut rien lâcher, il ne faut pas s'avouer vaincu. L'auteur nous montre à travers ce roman que les plus malheureux ne sont pas forcément les plus pauvres et que le bonheur ne tient finalement qu'a peu de choses, à condition de le vouloir vraiment.
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« Une gueulante d'amour et de détestation qui se passe de ponctuation » voici ce que contient le livre de Lyonel Trouillot. Une longue lettre d'adieu, d'amour, de vie et de mort à leur ami Pedro qui, parti avec une troupe de théâtre à Paris, aura le mauvais goût de s'y défenestrer.

Ils étaient trois amis qui partageaient une même infortune. Pedro était le plus disert, racontant ses malheurs, sans jamais s'étonner du silence des deux autres. Pourtant, l'Estropié avait de la matière avec son père surnommé « le méchant ». le narrateur aurait pu parler de ses parents morts lorsqu'un camion fou a dévalé la pente alors qu'ils revenaient du travail. du jour au lendemain, il s'est retrouvé seul et encore gamin. Pedro, « Un simple porteur des mots des autres », parlait, parlait, allait vers les autres, leur jouait une comédie pour les faire rire, distribuait les pages d'un livre de poésie. Pedro, encore, Pedro, toujours Pedro parlant, gueulant, mais à tant parler, ne cachait-il pas, justement, son mal-être ? A tant parler, il n'y a plus de place pour les questions des autres.

Le narrateur, dans ce long monologue à Pedro, se raconte, raconte l'Estropié, la misère de leurs vies, la misère des haïtiens. « Toutes ces choses que nous ne t'avons pas dites » C'est un long cri d'impuissance, de rage, de détresse, d'amour et d'amitié. On écoute, on parle, mais écoutons-nous l'autre ? L'incommunicabilité est très présente dans ce livre malgré l'amitié très forte qui unit les 3 amis.

Lyonel Trouillot s'entoure de poètes, paroliers pour crier la mort inévitable, la vie, le manque, l'amitié, la douleur, la misère. Un cri pour essayer de comprendre pourquoi les mots ne peuvent pas sauver.
La langue somptueuse de Lyonel Trouillot donne corps à tous ces âmes habitant en bas de la colline, les sans grades, les miséreux dont on ne parle pas souvent, alors que leurs vies sont tout aussi importantes. La mise en scène de l'Estropié, lors de la cérémonie d'adieu à Pedro, est superbe.

Lyonel Trouillot m'a envouté avec son livre. Les écrivains haïtiens, Jacques Roumain, Gary Victor ont une poésie dans l'écriture qui me ravit et m'emporte sur un petit nuage.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Un très beau livre sur le deuil et le pouvoir de la poésie !

Lyonel Trouillot nous offre un roman où la poésie, la colère contre le monde, la souffrance, la joie, l'amour se côtoient. le narrateur vient d'apprendre que l'un de ses plus proches amis est tombé d'un immeuble. Suicide ? Maladresse ? L'auteur joue de ce flou et nous livre un personnage entier, passionné de poésie, de théâtre, qui voulait défier le monde et qui avait une rage en lui face à certains sujets.

La langue est aussi le personnage principal de ce roman. On est face à une vague de mots, de citations, de tirades. La plume de l'auteur est belle et juste.

On découvre des personnages hauts en couleurs qui tentent de mener leur vie tranquillement en oubliant la pauvreté, les coups durs et en se serrant les coudes, en riant aux scénettes de ce vrai troubadour. Les personnages sont attachants, on regrette de les quitter. On regrette la mort de ce jeune comédien, poète...

L'auteur nous livre un Haïti pauvre, où la misère est la compagne des habitants de ces quartiers populaires mais aussi un Haïti, riche de sa langue, de son humanité.

Lien : https://labullederealita.wor..
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Il était une fois un garçon qui tombe. Loin de chez lui, loin d'Haïti. Il était une fois deux bons amis, pauvres déshérités de cette île abandonnée, qui viennent de perdre un ami, leur Ami, homme au coeur d'or qui n'a jamais été dégouté par eux, dormant sur la même paillasse qu'eux au coeur du « bateau » qui recueille leurs rêves. Artiste accompli dans la bonne société, magicien pour les enfants pauvres du quartier, il n'a pourtant pas réussi à combler la dichotomie entre art et laideur du monde, magie et réalité de la misère. Il a donc choisi la tangente qui s'offre à tous. Il a donc sauté par la fenêtre d'un immeuble parisien, loin de tout et de tous ceux qui l'ont connu.

« Une personne se tient au bord de la falaise. Nous parle. Personne ne l'entend. Elle tombe. C'est alors seulement que le cri, dont il ne reste que l'écho, nous intéresse, par besoin d'exégèse. »

Parabole du failli est la longue complainte de ses deux amis qui tentent de comprendre, qui se font dépositaire de sa mémoire, de ce que fut sa vie. Qui retrouvent un manuscrit, au titre éponyme de ce roman, dédié à une femme. Parabole du failli consignera aussi leur recherche de la mystérieuse inconnue qui est la dédicataire de ce texte étonnant, exigeant, magique.

Un texte qui est aussi un beau cri d'amitié, envers un homme qu'ils ne comprenaient pourtant pas toujours « Mais c'était ça Pedro, tu allais vers les autres plus vite que les autres. Et quand on choisit un ami, on choisit aussi ses faiblesses. L'Estropié et moi nous sommes adaptés à ton rythme [...] Ici, nous t'aurions rattrapé avant que ton corps touche le sol. Ici, on a appris à amortir les chutes. Et puis, où t'aurais trouvé un immeuble de douze étages ! »

Alternant récit et citations de ce fameux manuscrit, le roman de Lyonel Trouillot confirme sa stature de grand auteur francophone (A lire aussi et surtout : La Belle amour humaine). Maniant la langue française plus étonnamment que la plupart des auteurs de ce même pays, lui rendant sa richesse et sa beauté, émaillée d'un créole ayant déformé certaines de nos expressions (ce qui lui donne une petite saveur en plus !), Trouillot redonne ses lettres de noblesse à la littérature francophone, à travers un roman poétique d'une rare force. Difficile à décortiquer, son style invite simplement au rêve, au voyage, au goût des mots. Tout en racontant, dans une sorte de mise en abyme, les affres que peuvent connaître les poètes, confrontés à la réalité du monde. Et peuplé de phrases qui nous restent dans la tête, lancinantes.

« J'ai marché si longtemps à côté de moi-même, en peau de lièvre ou de lézard. »
Lien : http://missbouquinaix.com/20..
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